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L’alambic des établissements Charpentier sillonne encore la campagne

Il y a bien longtemps que le bouilleur ne fait plus bouillir la marmite des établissements Charpentier, basés à Beauquesne. Pourtant, le négoce de commerce agricole perdure cette activité qui l’a fait naître. Son alambic vadrouille de village en village pour transformer le cidre des locaux en eau de vie, pour la tradition. 

Autour d’une part de camembert, d’un bout de pain frais, et d’une lichette d’eau de vie de pomme pour faire glisser le tout, Bruno et Jean-Claude admirent la drôle de machine qui a fait étape spécialement pour eux à Vignacourt, ce jeudi matin. L’appareil, composé d'une chaudière en forme de cornue surmontée d'un gros tuyau terminé par un serpentin placé dans une cuve d'eau froide, distille leur cidre. En ressort leur «bistouille» bien à eux. «Chaque année, en fin de printemps, l’alambic Charpentier vient ici. On a toujours récolté nos pommes, qu’on transforme en cidre à l’automne, puis en “calva“ (dites plutôt eau de vie de pomme, puisqu’en dehors de la zone AOP). On se retrouve entre habitués. On passe un bon moment. C’est un peu un jour de fête.»

Dans les campagnes, les bouilleurs de cru (ceux qui produisent leurs propres eaux de vie), sont de moins en moins nombreux. Le métier de bouilleur ambulant est devenu anecdotique pour les établissements Charpentier, basés à Beauquesne. Pour autant, elle est une activité chère au cœur de Jean-Jacques Charpentier. «Après avoir réussi à sauver sa peau à Verdun, en 1918, mon grand-père, Paul, a laissé la petite ferme de ses parents à son frère. Il a épousé l’institutrice du village et a acheté un alambic. Il allait dans chaque ferme pour distiller. Il s’est fait un réseau dans le milieu agricole. Sans ça, nous n’aurions pas les silos de stockage de céréales que nous avons aujourd’hui», raconte-t-il. Voilà de nombreuses années que ni l’alambic, ni la machine à cidre ne dégagent plus de bénéfice. Ils tournent encore pourtant un mois par an chacun, le premier en mai-juin, l’autre vers novembre-décembre, après la récolte des pommes, “pour la tradition“.

L’évolution de la législation n’a pas favorisé ces bouilleurs. «Après-guerre, de nombreuses personnes bénéficiaient du “privilège de bouilleur de cru“, soit une exonération de taxe sur les mille premiers degrés d'alcool produits (1 000° d'alcool soit l'équivalent de vingt litres d'alcool à 50°, ndlr). Jusque dans les années 1960, ce privilège était héréditaire, mais pour des raisons de santé publique liée à l’alcoolisme dans les campagnes, l’hérédité a été supprimée.» Les bouilleurs de cru doivent désormais payer une taxe aux douanes (8,90 € par litre d’alcool pur pour les mille premiers degrés, et 17,80 € du litre pour les suivants). 

Aujourd’hui, le litre d’eau de vie produit soi-même revient moitié moins cher que le litre acheté dans le commerce… mais sans compter l’huile de coude. «Nous devons entretenir le verger, ramasser les pommes, faire le cidre, le stocker en tonneaux, donc avoir une bonne cave…», liste Bruno. L’activité comporte donc cet avantage de participer au maintien des vergers dans les campagnes. Pour les connaisseurs, le jeu en vaut la chandelle. «On sait ce qu’on boit, et comment ça a été fait. Notre produit est pur.» Jean-Jacques Charpentier aime citer Hieronymus Brunschwig, chirurgien spécialiste de la distillation du XVIe siècle, pour le résumer : «La distillation n’est rien d’autre que l’art de séparer le subtil du grossier et le grossier du subtil, afin de rendre le corruptible incorruptible, le matériel immatériel l’esprit encore plus spirituel…»

 

D’abord un bon cidre

Le secret d’une bonne bistouille ? «C’est d’abord d’avoir un bon cidre. Donc de bonnes pommes», assure Jean-Claude. La suite est une question d’appréciation. «Certains aiment quand ça gratte la gorge, d’autres moins», note Dany Branton, aux commandes de l’alambic. C’est là qu’entre en compte le savoir-faire du bouilleur ambulant. Après avoir pompé le cidre jusque dans une cuve, celui-ci est chauffé à 80°C. Les vapeurs d’alcool montent dans le chapiteau, puis passent dans le tuyau appelé col de cygne. À l’intérieur du refroidisseur, le tuyau continue son chemin en forme de serpentin. Les vapeurs d’alcool se condensent au contact des parois froides et forment des gouttelettes d’alcool, qui s’écoulent jusqu’à la sortie du tuyau, où l’on récupère l’eau de vie dans un seau. 

Pendant tout le procédé, Dany mesure le pourcentage d’alcool. «Il faudra la laisser à l’air libre six mois minimum pour qu’elle soit moins agressive. Ensuite, chacun l’arrange comme il veut, avec des pruneaux ou des cerises par exemple, pour un goût plus rond.» Le trou normand picard – quelques gouttes d’eau de vie sur une boule de glace à la pomme –
fait, paraît-il, sensation lors des événements. 

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