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Le ballon au poing fédère les campagnes de la Somme

Chaque dimanche, du début de mai à septembre, avec une journée phare le 15 août, les concours de ballon au poing battent leur plein dans la Somme. Le sport local est encore très populaire dans les campagnes. Gilles Caron, passionné de toujours, en est l’encyclopédie vivante.

Ne dîtes pas club, mais société. Ne dites pas match, mais concours. Ne dites pas service, mais livrage. Surtout, encouragez bien fort chés ballonnistes : ch'foncier, chés deus basses-volées, ch'mitan d'corde et chés deus cordiers. Bienvenue dans l’univers du ballon au poing, sport toujours aussi populaire de la Somme. Depuis 2012, le jeu de gagne-terrain qui oppose deux équipes de six joueurs est même inscrit sur la liste de l'Inventaire du patrimoine culturel immatériel français. Les concours ont lieu de début mai à septembre, avec une grande finale chaque 15 août, au ballodrome d'Amiens situé à La Hotoie. «Aujourd’hui, quarante-six sociétés, plus ou moins actives regroupent 650 licenciés. Elles sont situées à l’Est d’Amiens, entre Doullens, Corbie et Albert. Une société d’irréductibles persiste aussi à Saint-Aubin-Montenoy, près de Poix-de-Picardie. Des écoles de ballon au poing ont été créées, et les jeunes accrochent», précise Gilles Caron.

 

Chaque dimanche d’été, la question ne se posait pas. On allait voir le concours de ballon au poing

Le samarien, originaire de Morlancourt, est un accro du sport local depuis son enfance. «Je passais mes vacances chez mes grands-parents, à Ribemont-sur-Ancre, où on jouait au ballon au poing. Chaque dimanche d’été, la question ne se posait pas. On allait voir le concours», se souvient-il. Une chute de tracteur provoquant une grave blessure à treize ans l’empêchera de devenir joueur, mais n’altèrera en rien la passion. Désormais, le correspondant ballon au point du Courrier Picard, de la Gazette Sport et de L’Abeille du Doullennais écume les terrains, et passe cinq heures chaque dimanche de pleine saison à recueillir les résultats, puis les retranscrire informatiquement. 

Pendant six mois, il a même passé des journées entières à la bibliothèque départementale Louis Aragon pour retranscrire l’histoire du ballon au poing depuis la création du drapeau – trophée remis chaque année à la meilleure équipe – en 1906. Il s’agissait alors d’Émile Flandres, pour la société de Flixecourt. «J’ai ensuite recueilli les témoignages des anciens joueurs toujours vivants. Un vrai dingue ! Mais quand vous trouvez le nom du joueur et de son équipe qui a gagné le drapeau d’excellence avant-guerre, c’est une jouissance. Un vrai trésor dégoté !», se délecte-t-il. Il est désormais l’encyclopédie vivante du sport. 

 

Ch’foncier, la star

La star, à chaque concours, est le foncier. «C’est lui qui mène le jeu. Il doit prendre des initiatives, il touche le plus de ballons…» De grands fonciers ont marqué les mémoires, en catégorie reine, l’excellence A. Gilles Caron en a connus une paire, puisqu’il n’a «jamais raté un 15 août depuis 1961». Parmi eux, Eugène Humler, détenteur de ch’drapeau sept fois de suite entre 1906 et 1913, puis Jules Cinet, onze drapeaux à son actif dans les années 1950. 

Aujourd’hui, Antoine Bouvet, de la société de Beauquesne, fait trembler les adversaires. «J’ai commencé à jouer à cinq ans, sur les traces de mon père. Le ballon au poing, c’est une vraie culture dans le village», confie-t-il. Les qualités requises ? «Tout le monde peut jouer. Mais pour gagner, il faut être vif et technique.» Gilles Caron ajoute : «Un bon joueur, c’est celui qui s’entretient physiquement. Il faut être endurant, car une partie peut durer plus d’une heure, puissant, mais aussi doté de qualités techniques et tactiques. Le ballon au point prend toute sa force dans l’intelligence du jeu.»

L’ambiance y est particulière. «C’est un petit milieu. Tout le monde se connaît», note Antoine Bouvet. Les copains changent cependant de visage une fois sur le terrain. «On est là pour gagner.» Il y a même parfois des excès de chauvinisme. «Des cartons jaunes, voire rouges, peuvent être distribués.» Cette année, Antoine Bouvet a cependant loupé plusieurs rencontres du début de saison, et les résultats de son équipe en ont pâti. Il faut dire que ch’foncier d’Beauquesne est aussi joueur de foot à Longueau, club qui a fait une montée historique en nationale 3. «Mais une fois la saison de foot terminée, je peux me consacrer au ballon au point.» La société, championne de France plusieurs années de suite, pourrait bien se faire voler le drapeau cette année. Dénouement le 15 août à la Hotoie.

 

Le ballon au poing pour les nuls

Vous n’avez jamais assisté à un concours de ballon au poing ? Nous non plus. Mais en voici les principales règles. L’échange commence avec le foncier, qui doit livrer le ballon en tirant depuis la ligne de tir, avec l’objectif de dépasser la «ligne de corde» qui indique la distance minimum à couvrir (18 m). L'équipe qui reçoit doit renvoyer la balle de volée ou après un rebond seulement. Une marque mobile, la «chasse», indique la limite séparant les deux camps au moment du jeu. À chaque faute ou erreur, la chasse indique la nouvelle délimitation entre les deux camps jusqu'à ce que l'une des deux équipes soit suffisamment près de la ligne de fond adverse pour dépasser cette zone. Les points se comptent par quinze, comme au tennis : 15, 30, 40 et jeu. La première formation à marquer sept jeux remporte la partie.

 

Les cités industrielles, puis les campagnes

L’origine du ballon au poing ? «Il fait partie de la famille des jeux de paume, qui remontent à l’antiquité grecque et romaine. Puis on en retrouve des traces sous Louis XIII», relate Gilles Caron. Le ballon au poing moderne sera codifié à partir de 1865. La fédération des ballonnistes de la Somme crée le championnat de France – qui était jusque-là le championnat de Picardie – en 1906. «Les sociétés fourmillent alors à Amiens et dans la vallée industrielle de la Nièvre. Il faudra attendre 1936 pour la constitution de sociétés issues de villages. Il faut dire qu’avec la moisson et les travaux des champs, les agriculteurs avaient du mal à se libérer pour aller jouer le dimanche.» 
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