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Le désherbage d’automne des céréales, une obligation

Malgré les bonnes pratiques, le désherbage des céréales devient de plus en plus compliqué. Les conseils de notre spécialiste, Hervé Georges.

Le coquelicot s’ajoute à la liste des mauvaises résistantes aux sulfonyl-urées.
© D. R.

D’année en année, la problématique désherbage céréales se complexifie et se généralise. De plus en plus de vulpin et de ray grass posent problèmes en parcelles, sans compter coquelicot, agrostis qui viennent s’ajouter à la liste des mauvaises résistantes aux sulfonylurées (ATLANTIS PRO…). Des exploitations qui étaient complètement épargnées par ces mauvaises herbes il y a encore quelques années sont maintenant concernées, parfois rapidement jusque sur 100% des parcelles. Les exploitations qui ne sont pas concernées actuellement deviennent très rares.
Le plus paradoxal dans ce constat est bien que ce problème concerne de plus en plus les exploitations dont les pratiques agronomiques sont conformes aux bonnes pratiques : rotation longue, alternance culture de printemps/culture d’hiver, labour partiel…  Ces leviers agronomiques sans être entièrement remis en cause ont besoin d’être réévalués pour mieux les mobiliser.
Dans ce contexte trois grandes étapes doivent être respectées : bien entendu l’agronomie avant toute chose, le choix des stratégies chimiques adaptées aux problèmes de résistance et dès maintenant une réflexion plus globale sur tous les désherbages dans la rotation doit être menée.

De l’agronomie avant toute chose 

-> Rotation longue : tous les exemples le démontrent, plus la rotation est longue moins la pression graminées est forte, sans oublier d’alterner des cultures de printemps et d’automne. Idéalement une rotation de 5 ans et plus.
-> Date de semis adaptée : un décalage de la date de semis de 15 jours réduit, la pression vul-pin de 40 à 50 % par exemple sur céréales. 
-> Labour un an sur trois : idéalement labourer une année sur trois ou sur quatre est le bon compromis pour gérer le stock grainier (vulpin, ray grass).
-> Faux semis d’interculture bien réalisé : plusieurs règles : 
- Réalisé suffisamment tôt (en général un mois avant le semis de la culture) 
- Être superficiel et suffisamment fin
- Être suffisamment rappuyé, au besoin, en réalisant un roulage après déchaumage
- Être parfaitement détruit avant le semis de la culture pour éviter tout risque de repiquage.

De bonnes conditions sinon rien 

Dans ce contexte de résistance aux sulfonylurées, le désherbage de printemps n’a quasiment plus aucune place dans un programme de désherbage de blé comme escourgeon.
Pendant des années, nous avons pu insister sur les conditions de réalisation des interventions herbicides au printemps. Dorénavant, l’heure est bien plus à préciser les conditions d’un bon désherbage d’automne, là aussi pour en assurer l’efficacité mais aussi la sélectivité. L’automne 2020 a été encore la preuve que le désherbage d’automne peut manquer cruellement de sélectivité.
Quelques règles simples à respecter : 
- Effectuer un semis régulier à une profondeur régulière de 2 cm, avec un minimum de grains en surface et veiller à ne pas semer trop creux.
- Affiner suffisamment le sol et limiter les mottes. Celles-ci empêchent une bonne réparti-tion des herbicides et libèrent des graines à contretemps lorsqu’elles éclatent 
- Possibilité de semer plus dense – de l’ordre de 10 à 15 % – dans le cas de double désher-bage d’automne ou en conditions de semis difficiles pour compenser le risque de sélectivité.
- Différer si des pluies importantes sont annoncées dans les deux-trois jours (supérieures à 25 mm).
- Appliquer sur des sols suffisamment humides (au moins 15 mm à partir d’un sol sec). Diffé-rer si le sol est trop sec, cela peut être notamment le cas au semis.

Stade «une feuille vraie», le stade idéal ?
Hormis dans les situations les plus extrêmes où le double passage d’automne est envisageable, la règle est un passage unique au stade 1 feuille, compromis entre efficacité est sélectivité : 
- Au-delà du stade 3 feuilles du blé, vulpin et ray grass commencent à être développés, rendant plus incertaine l’efficacité des produits racinaires (flufenacet) tout comme des produits à action foliaire (clodinafop).
- Le passage unique au stade pointant est risqué du point de vue sélectivité s’il pleut de suite. De nombreux exemples l’ont démontré cet automne après des applications de TROOPEER – DEFI ou de CODIX ou de PROWL 400 au stade pointant. Même problème de sélectivité que l’on peu rencontrer sur des applications au semis à base de pendiméthaline comme constaté à l’automne 2020.
En double applications d’automne, peu d’alternatives sont offertes : premier passage au semis (attention à la pluviométrie annoncée) puis le second de 1 à 2 feuilles. Une des erreurs que l’on peut constater après un T1 au semis est de retarder le T2 trop tard. Car là aussi, les mauvaises herbes ayant échappé au du T1 se développent et si elles atteignent 3 feuilles au moment du second passage, les échecs seront bien là.

Que faire sur les derniers semis ?
L’expérience de la campagne 2019-2020 l’a bien prouvée : même sur des semis de décembre voire janvier mieux vaut désherber à l’automne que d’attendre le printemps pour assurer l’efficacité désherbage.
Delà à désherber sitôt le semis à cette période, c’est s’exposer à de fortes pluies (exemple : décembre 2020). Alors que faire ? Là aussi attendre une feuille vraie et appliquer les programmes d’automne même si cette intervention doit être réalisée au 15-20 janvier. Seul bémol savoir ressortir le pulvérisateur à un moment où en théorie, il est hiverné et utiliser les spécialités commerciales autorisées en janvier.

Flufenacet, molécule incontournable
Le désherbage anti graminée d’automne ne repose plus que sur quelques molécules  :
- Le flufenacet  (ENDERIX…) efficace ray grass , vulpin, agrostis, pâturin
- La pendiméthaline (PROWL 400…) est efficace essentiellement  sur coquelicot et vulpin, efficacité plus limitée sur ray grass.
- Le prosulfocarbe (DEFI ) efficace sur ray grass,  agrostis plus limité sur vulpin.
- Le chlortoluron efficace avant tout sur ray grass et dans une moindre mesure sur agrostis et vulpin
- Le triallate efficace sur graminées en général mais uniquement sur ORGES
- Le clodinafop (CELIO), efficace sur graminée en général mais attention : c’est un produit foliaire.
Depuis 2020, toutes ces molécules sont disponibles en solo dans différentes spécialités commerciales :  la pendimethaline dans le PROWL 400 par exemple, le Diflufenicanil dans le COMPIL, le FLUFENACET dans ENDERIX… L’emploi de ces spécialités commerciales présente l’avantage de pouvoir utiliser chaque matière active au juste grammage nécessaire en fonction de la flore présente de chaque parcelle (présence et niveau de développement). C’est aussi l’occasion d’éviter des doubles passages de la même molécule comme c’est le cas par exemple du programme CODIX puis FOSBURI où au final la dose de DFF est doublée.
Seul inconvénient de l’emploi de ces spécialités, ce sont les IFT qui sont forcément plus élevés.

Des exemples de programmes désherbage sur blé

Sur vulpin en infestation simple :
- DAIKO 2.5 l + FOSBURI 0.5 l + huile 1  à partir de une feuille
- CELIO 0.25 l + DEFI 2.5 l+ ENDERIX 0.4 l + COMPIL 0.2 l + MIXIN 1 l à partir de 1 feuille

Sur  Vulpin en forte infestation  :
- CODIX 2 l au semis puis TABLO 700 2.5 l + FOSBURI 0.5 l
- PROWL 400 2 l + COMPIL 0.2 l au semis puis TABLO 700 2.5 l + ENDERIX 0.4 l.

Sur ray grass en infestation simple : 
- FOSBURI 0.5  l + DEFI 2.5 à 3 l 
- ENDERIX 0.4 l + COMPIL 0.2 l + DEFI 2.5 à 3 l 

Sur ray grass en situation complexe : 
- DEFI 3 l + COMPIL 0.2 l au semis puis TABLO 700 2.5 l + FOSBURI 0.5 l
- DEFI 3 l + COMPIL 0.2 l au semis puis TABLO 700 2.5 l + ENDERIX 0.4 l 

Sur  agrostis – pâturin : 
- DEFI 2 à 2.5 l + COMPIL 0.15 l + ALLIE 5 à 8 g à 1 feuille 

Sur pâturin coquelicot  :
- CODIX 2 l à une feuille ou au semis 
- PROWL 400 2 l + COMPIL 0.2 l 

S’appuyer sur la rotation pour alterner les modes d’action 

Historiquement, le blé pouvait être considéré comme une plante nettoyante dans la rotation, pour «soulager le désherbage» des cultures de printemps. Au début des années 2000, contrôler les ray grass, les vulpins, les agrostis voire une bonne partie des dicotylédones dont les coquelicots se faisait simplement avec un passage unique de sulfonylurée au printemps. Malheureusement cette stratégie à l’époque très pratique et d’un cout modéré a montrée en à peine dix ans toutes ces limites : le développement de plantes résistantes rendant l’emploi de cette famille quasiment inutile.
Depuis quelques années, il serait presque possible d’inverser la réflexion en envisageant d’utiliser les cultures de printemps pour mieux contrôler les graminées automnales et soulager le désherbage d’automne des céréales. Cette réflexion trouverait très vite aussi ses limites.
L’idée est bien plus dorénavant d’avoir une réflexion globale sur toute la rotation et de profiter de chaque culture pour alterner au maximum tous les modes d’action des produits chimiques. 
Si cet exercice vise en premier lieu la lutte contre les graminées dans les céréales, il peut et doit tout autant être envisagé contre certaines dicots dans les blés en vue de réduire la pression de certaines mauvaises herbes dans les cultures de printemps : par exemple la lutte contre la renouée liseron dans les blés pour réduire la pression en betterave et en lin textile par exemple.
Quels exemples d’alternance de mode d’action à activer dans la rotation ? 
- Le fluroxypyr – groupe HRAC O  (STARANE ) dans le blé et le mais pour la lutte contre re-nouée liseron et mouron
- Le triallate – groupe HRAC N (AVADEX) utilisable sur de nombreuses cultures de printemps pour la lutte graminée
- Le propyzamide – groupe HRAC K1 (KERB FLO, IELO) utilisable essentiellement en colza mais aussi sur chicorée, endives et pois d’hiver pour la lutte graminée
- La terbuthylazine – groupe HRAC C1 (CALARIS) essentiellement un anti dicot du maïs.
- Le S-métolachlor – groupe H RAC K3 (DUAL GOLD SAFENEUR) : anti graminée utilisable en mais…
Pour rappel, il y a peu d’interaction entre deux modes d’action (HRAC). Si par exemple une plante est sensible à deux modes d’action différents, si elle devient résistante à une famille, elle reste sensible à la seconde : d’où tout l’intérêt d’alterner.
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