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Maraîchage
Le haricot Princesse et ses compères à la reconquête du cœur des maraîchers

En termes de variétés de légumes, la région possède de vraies pépites, pourtant peu cultivées. Pour les sauvegarder, le Centre régional de ressources génétiques incite les maraîchers à réintroduire celles qu’il estime intéressantes. À Rivery, Jean-Louis Christen en cultive quelques-unes, dont le haricot princesse. 

Parmi les cent-vingt variétés que Jean-Louis Christen cultive à l’année, figure désormais le haricot mangetout Princesse  à rames, variété ancienne régionale.
Parmi les cent-vingt variétés que Jean-Louis Christen cultive à l’année, figure désormais le haricot mangetout Princesse à rames, variété ancienne régionale.
© A. P.

Jean-Louis Christen a toujours aimé cultiver les variétés potagères originales. «Elles ne sont pas toujours les plus productives, ni celles que l’on vend le mieux. Mais le plaisir au travail est essentiel», sourit-il. Cette année, sur proposition du CRRG (Centre régional de ressources génétiques) Hauts-de-France, des haricots mangetout Princesse à rames, des poireaux Leblond et des choux frisés Grand Vert du Nord s’épanouissent sur ses 2,5 ha menés en bio, à l’Hortillon de lune, à Rivery. 

«La sélection moderne a standardisé les légumes et faisant disparaître les formes et les goûts. Or, nous disposons d’espèces régionales qui offrent une grande diversité», annonce Pauline Rebreyend, en charge de la revalorisation des variétés régionales de légumes pour Bio en Hauts-de-France. «Elle sont menacées de disparition, voire déjà tombées dans l’oubli. Le haricot Princesse, par exemple, est une vielle variété connue dans le Nord depuis le XIXe siècle au moins», ajoute Richard Boucherie, en charge du patrimoine légumier régional au CRRG. Connu à l’époque sous le nom de «pois de suc», sa culture était surtout développée dans la région lilloise et du Pévèle. «Il nous faut convaincre les maraîchers et les consommateurs pour relancer sa culture.»

Certes, le Princesse n’est pas une Formule 1. «Nos résultats de productivité, menés en serre comme en plein champ au Pôle légumes région Nord à Lorgies (62), ont révélé un rendement de 30 % inférieur aux variétés modernes de référence, comme le Vesperal ou l’Émerite», reconnaît le spécialiste. Le princesse produit en fait autant de gousses que les autres variétés, mais celle-ci sont moins lourdes. «Le haricot Princesse présente + 3,7 % de matière sèche, et il est donc moins riche en eau.» La variété régionale a cependant des atouts pour séduire. Chez Jean-Louis, les haricots ont été semés mi-avril, puis repiqués sous serre fin avril et se portent comme un charme. «Ses gousses sont disposées en grappes, donc c’est assez facile à cueillir», assure le maraîcher. Les gousses ont également une bonne tenue et permette une récolte une à deux fois par semaine seulement. 

Son aspect original, aux gousses aplaties et aux grains apparents, attire l’œil du consommateur. Son goût différent permet de varier les recettes. Des analyses nutritionnelles ont aussi mis en évidence ses qualités : + 50 % de protéines, + 83 % de fibres alimentaires, + 100 % de manganèse et + 180 % de vitamine C par rapport au haricot Émerite. À la question fatidique de la présence de fils, Richard Boucherie assure qu’il n’y en a aucun. «Il suffit de croquer dans une gousse crue pour s’en rendre compte.» Pour lui, «le Princesse est adapté au circuit court, pour des maraîchers soucieux d’offrir une offre de légumes diversifiée et de qualité.»

 

Question d’équilibre

Pour Jean-Louis, l’introduction de variétés régionales, moins productives que les modernes, est une question d’équilibre. «Je produis par exemple des tomates rondes, faciles à cultiver, à stocker et à vendre, et je passe un peu de temps sur d’autres variétés pour diversifier l’offre, comme la Rose de Berne ou la Noire de Crimée. Cette dernière a un rendement deux fois moins élevé que les rondes, mais elle est délicieuse, sans aucune acidité.» 

Les variétés anciennes sont aussi dotées d’une rusticité certaine. «On ne peut pas avoir la rusticité et la productivité maximale à la fois», rappelle Richard Boucherie. La rusticité, cependant, reste une notion complexe. «Des essais en haricots secs ont été réalisés pour comparer les résistances à l’anthracnose.  La variété ancienne semble moins tolérante en cas de pression modérée. Elle montre des signes d’atteinte, alors que la variété moderne est impeccable. Mais lorsque la pression devient forte, la moderne s’effondre d’un coup, alors que l’ancienne résiste.»

 

La conservation, tout un programme

La conservation des variétés anciennes est un travail de longue haleine. En premier lieu, elle est orchestrée par le Centre régional de ressources génétiques qui est en charge de les retrouver, de les identifier et de les inscrire au catalogue officiel des variétés. Il est épaulé par des structures régionales : le Conservatoire botanique national de Bailleul où sont conservées au froid les graines, le Pôle légumes région Nord à Lorgies où sont réalisées les opérations de multiplication et d’évaluation, et le GSN semences pour les pois et les haricots. «Une fois la variété inscrite, il faut organiser une filière de production de semences incluant un agriculteur multiplicateur et une structure pour le battage et le nettoyage», résume Richard Boucherie, du CRRG. Pas évident de motiver les troupes. L’expert aimerait mener une réflexion autour d’un système de mutualisation de la multiplication pour pérenniser la filière. 

 

Près de vingt variétés anciennes régionales

Le poireau Leblond est devenu  emblématique chez les maraîchers  de Saint-Omer.
Le poireau Leblond est devenu emblématique chez les maraîchers de Saint-Omer.
© A. P.

Chaque légume a son histoire. C’est pour préserver chacune d’elles que Jean-Louis Christen, du CRRG, sillonne la campagne des Hauts-de-France pour convaincre les jardiniers amateurs et les maraîchers professionnels d’en produire. «Aujourd’hui, dix-sept variétés anciennes de légumes régionaux sont à semer ou à planter.» Parmi ses protégés figure le poireau Leblond, qui tient le nom du maraîcher de Saint-Omer (62) qui l’aurait importé d’un pays nordique dans les années 1930. «Il doit sa réputation à sa résistance au froid et aux excès d’eau. En bouche, il est très tendre.» Le chou frisé Grand Vert du Nord, chou non pommé haut aux feuilles frisées, est connu depuis plus de deux siècles, et est revenu à la mode sous le nom de chou Kale. «Il servait à l’origine de fourrage pour le bétail et d’aliment pour les humains.» Sa récolte est des plus simples. La dernière trouvaille du passionné est le navet de Leuilly, dans l’Aisne. «Avec son violet pétant, il m’a tapé dans l’œil. Il a l’air d’être productif, avec un beau calibre.» L’axonais pourrait détrôner son voisin samarien, le navet de Péronne. «Celui-ci a une forme de betterave. Il présente une grosse partie extérieure, donc est plus sensible aux attaques de mouche. Il convient mieux aux jardiniers amateurs.»
Pour tout renseignement et demandes de semences, contactez Richard Boucherie :  06 75 21 43 13 ; r.boucherie@enrx.fr
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