Tradition
Le muguet du 1er mai, histoire d’un brin porte-bonheur
La tradition française qui consiste à offrir quelques brins de muguet le 1er mai, synonyme de bonheur et de renouveau, mêle galanterie royale, rituels païens et luttes sociales. Retour sur l’étonnante histoire d’une fleur modeste devenue icône.
La tradition française qui consiste à offrir quelques brins de muguet le 1er mai, synonyme de bonheur et de renouveau, mêle galanterie royale, rituels païens et luttes sociales. Retour sur l’étonnante histoire d’une fleur modeste devenue icône.

Bien avant de devenir un emblème du 1er mai en France, le muguet était associé aux rites païens célébrant le printemps et la fertilité. Dans l’Europe préchrétienne, la fin avril et le début mai marquaient le retour de la saison claire. Des fêtes comme Beltane chez les Celtes honoraient la nature renaissante, les jeunes couples et les forces de la vie. Le muguet, qui fleurit spontanément à cette période, incarnait à la fois la beauté éphémère et la promesse de renouveau.
Une tradition née d’un geste royal
La légende veut que la tradition française prenne racine en 1560. Le jeune roi Charles IX, alors en visite en Provence, reçoit un brin de muguet en guise de porte-bonheur. Charmé, il décide d’en faire un présent officiel : chaque 1er mai, les dames de la cour recevront un brin de cette fleur délicate. Mais cette coutume reste longtemps confinée aux cercles aristocratiques, et ne se diffuse dans le peuple qu’au tournant du XXe siècle.
Le muguet, fleur du bonheur et de l’amour
Au fil des siècles, le muguet acquiert une forte charge symbolique. Dans le langage des fleurs, il évoque le bonheur retrouvé, l’amour sincère et la pureté. Offrir du muguet, c’est souhaiter la chance et l’espérance. Sa blancheur et son parfum léger renforcent son image positive. Dès la fin du XIXe siècle, on commence à offrir du muguet à ses proches, sans lien direct avec la royauté.
La Fête du Travail, une rencontre décisive
C’est au XXe siècle que le destin du muguet croise celui de la Fête du Travail. Le 1er mai devient, à partir de 1889, une journée internationale de revendication pour les droits des travailleurs, à l’initiative des syndicats ouvriers. Les militants arborent alors un triangle rouge, remplacé ensuite par une églantine. Mais en 1907, à Paris, des manifestants commencent à porter un brin de muguet à la boutonnière, accompagné d’un ruban rouge.
En 1941, sous le régime de Vichy, le 1er mai est officiellement reconnu comme Fête du Travail et de la Concorde sociale. Le maréchal Pétain, soucieux de récupérer les symboles populaires, bannit l’églantine associée à la gauche et encourage l’usage du muguet, fleur plus neutre et déjà familière.
Une fleur libre de droit… et de vente
Depuis, le muguet est indissociable du 1er mai. Fait rare : ce jour-là, la vente de muguet est autorisée sur la voie publique sans déclaration préalable, à condition de respecter certaines règles (pas d’étalage trop professionnel, pas de concurrence déloyale envers les fleuristes). Cette dérogation contribue à entretenir l’aspect populaire et spontané de la tradition.
Un rituel vivant entre mémoire et tendresse
Aujourd’hui, offrir du muguet le 1er mai est un geste à la fois intime et collectif. Qu’il s’agisse d’un simple brin cueilli en forêt, d’un bouquet acheté sur le marché ou d’un cadeau délicatement empaqueté, ce petit présent dit : « Je pense à toi, je te souhaite du bonheur. » Il relie les générations, des souvenirs d’enfance aux attentions d’adultes, entre histoire sociale et poésie florale.