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Social
Le tabou du mal-être en agriculture commence à se lever

Les organisations professionnelles agricoles ont organisé le 20 avril au siège de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), une journée de réflexion intitulée : «Mal-être en agriculture : en parler et agir». Le sujet devient de moins en moins tabou à la faveur d’une meilleure détection et d’actions plus ciblées.  

Travailler avec du vivant, la nature et le climat ajoute du stress au stress et les facteurs de risques peuvent se multiplier.
© Pixabay

De l’avis même du nouveau coordinateur national interministériel du plan de lutte contre le mal-être en agriculture, Olivier Damaisin*, «les tabous sont tombés». La parole commence à se libérer et l’action du «réseau Réagir et des sentinelles va se renforcer sur le terrain avec le système d’alerte des coordinateurs départementaux», a-t-il indiqué. Comme le rappelait un peu plus tôt le président de la MSA, Pascal Cormery, «le plus important est de renforcer la détection et faire entrer les proches dans d’un parcours d’aide, car elles en ont aussi besoin». Sébastien Windsor, président de Chambres d’Agriculture France, a salué lui aussi le travail des cellules Réagir et des sentinelles qui sont aujourd’hui près de 3 000. L’objectif d’atteindre les 5 000 d’ici la fin de l’année 2023 reste dans le domaine du possible. «Il ne faut pas oublier la Poste, la gendarmerie et les retraités» qui peuvent aussi prêter main forte au réseau. Concernant cette dernière catégorie, ils composent déjà presque le quart des sentinelles actives (22 % exactement). Encore faut-il former ces sentinelles à bien détecter les situations de mal-être. Pas moins de 1 500 d’entre elles sont actuellement formées sur le territoire et toutes le font avec la volonté d’aider les agriculteurs en détresse. «Il faut avoir envie d’aider l’autre, leur apporter écoute, bienveillance», a expliqué Jean-Philippe Viguié, administrateur de la MSA Midi-Pyrénées. Ce qu’a confirmé Patrick Faget, directeur des productions animales à la coopérative Maïsadour. Avec la grippe aviaire, il a vu nombre d’éleveurs douter, être en situation de stress. C’est pourquoi 70 techniciens de la coopérative sont aujourd’hui formés à détecter les situations sensibles, aussi bien auprès des agriculteurs que des autres salariés de la coopérative. «Avec des mots simples» et de l’empathie, la parole se libère et «les agriculteurs sont ensuite orientés vers des dispositifs spécialisés», avec des professionnels compétents et chevronnés.

«Les remettre dans le circuit»

Ce que Françoise Potier, vice-présidente de Groupama centre Manche et Sarthe, décline en quatre lettres «Repérer, écouter, orienter et se ressourcer» est contracté en trois par Isabelle Ouedraogo, enseignante en maison familiale et rurale (MFR) et représentante de la MSA services Berry Touraine : Détecter, prévenir, accompagner. Qu’importe les acronymes, l’objectif reste le même : sauver des agriculteurs de situations pénibles et «les remettre dans le circuit». Des groupes de paroles peuvent aider les agriculteurs en situation de mal-être à exprimer leurs angoisses. C’est ce qu’a mis en place Josiane Voisin, ergonome. «Quand on sait écouter, l’agriculteur se confie plus facilement». L’humour, mesuré et approprié, peut aussi venir à la rescousse et débloquer quelques situations.
Dans un témoignage sans filtre, Aurélien Hénon, agriculteur dans les Ardennes, explique que les échanges qu’il a pu avoir avec Josiane Voisin lui a permis de mieux appréhender la conduite de son exploitation, de mieux tenir compte des impératifs de ses parents encore à la ferme. «Prendre du temps pour parler des questions d’organisation du travail, ce n’est pas perdre du temps», a-t-il admis.
Une autre piste explorée est celle de la sensibilisation des jeunes publics de MFR et de lycées agricoles qui deviendront un jour salariés ou exploitant. A travers le Théâtre forum, ils peuvent mettre en scène des situations à désamorcer. L’objectif est de lever les tabous sur la santé mentale, de saisir les éventuels maux qui pourraient survenir et de permettre aux jeunes d’être mieux armés pour l’avenir.  Mais il arrive parfois que la libération passe aussi par l’abandon du métier d’agriculteur. «Ce n’est pas un échec que de se reconvertir», a expliqué Olivier Damaisin.

«Travail en profondeur»

Si libérer la charge mentale des agriculteurs qui sont à la fois des opérationnels, des directeurs et des cadres reste indispensable, encore faut-il réussir à «faire verbaliser» les personnes en situation de détresse, a remarqué Emmanuelle Bouet, travailleuse sociale de la MSA Poitou. D’où l’importance de maintenir des liens sociaux étroits et de donner aux agriculteurs en difficulté des moments de repos et de répit, a insisté le professeur Pierre Vandel, psychiatre au CHU de Besançon. Le service de remplacement est une des actions possibles et «la priorité du service c’est l’urgence», a rappelé Marc Spanjers, agriculteur en Charente et secrétaire général des services de remplacement France. Les 70 000 adhérents de l’association bénéficient de plus de cinq millions d’heures de remplacement pour différents motifs : congés maternité, accidents, mandat, formation et repos.
Sur le fond, il reste à traiter le volet économique de l’accompagnement, avec la prise en compte des particularités de l’agriculture. C’est l’expérimentation que mène actuellement le ministère de la Justice dans une dizaine de départements avec la mise en place de tribunaux des affaires économiques. La FNSEA, par l’intermédiaire de son vice-président, Luc Smessaert, se félicite de cette initiative mais attend le bilan de cette expérience pour en corriger les inévitables imperfections.
Concluant la journée, le président de la FNSEA et du Conseil de l’agriculture française (CAF), Arnaud Rousseau, a rappelé les difficultés inhérentes au métier d’agriculteur, déjà stressant par sa qualité de chef d’entreprise. Or travailler avec du vivant, la nature et le climat, «ajoute du stress au stress et les facteurs de risques peuvent se multiplier», a-t-il dit. Confiant dans les travaux menés par Olivier Damaisin, le ministère de l’Agriculture et l’ensemble des organisations professionnelles agricoles sur ce sujet, il sait que le «travail en profondeur, ce travail d’endurance paiera», car «l’accompagnement humain, qui est dans notre ADN, reste central», a-t-il souligné. Une troisième journée sur le sujet du mal -être est programmée pour le printemps 2024.

* Il a remplacé le 1er avril Daniel Lenoir qui avait été nommé à ce poste en février 2022. Olivier Damaisin est ancien député du Lot-et-Garonne.

Les farmers australiens n’ont pas le moral

Beaucoup de farmers australiens souffrent de dépressions. Il y a parmi eux un fort taux de suicides, deux fois plus que dans la population en général. Les catastrophes naturelles pour 47 % est l’une des principales raisons qui pèse sur le psychisme des farmers, suivi du poids charges financières 36 %, puis de l’inflation et de la pression des coûts. Ces résultats ont été publiés par une étude diligentée par le syndicalisme agricole australien et la coopérative laitière Norco. Pour près du 1/3 des farmers interrogés, l‘état psychique s’est détérioré ces dernières années, 45 % déclarent être passés par des dépressions, près de 2/3 éprouvent des sentiments de peur, et pour 1/7 ce sont même des expériences à répétition. Encore plus dévastateur, 45 % des agriculteurs ont eu des idées de suicide ou de mutilations et certains sont passés aux actes. En outre, 76 % des agriculteurs interrogés dénoncent le manque de considération pour leur travail. Tous souffrent en silence, et ils ont peur et honte des stigmatisations si jamais ils parlaient de leurs problèmes psychiques.
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