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Les agriculteurs ont fait le siège des centrales d’achats durant 18 h

Après 18 h de blocage des centrales d’achat d’Amiens, les agriculteurs ont décidé de lever le camp le 11 février dernier. Retour sur leur combat.

Mercredi 10 février dans la nuit : devant la centrale d’achats de Simply, route de Poulainville, ils sont une bonne soixantaine à bloquer toute sortie ou entrée de camion. Les trois quarts sont de jeunes agriculteurs. Il en est de même sur les autres sites.
Mercredi 10 février dans la nuit : devant la centrale d’achats de Simply, route de Poulainville, ils sont une bonne soixantaine à bloquer toute sortie ou entrée de camion. Les trois quarts sont de jeunes agriculteurs. Il en est de même sur les autres sites.
© AAP

Ce n’était pas la série «24 heures chrono» qui se jouait dans la Somme, mais cela y ressemblait, certes en extrapolant. Durant 18h, plus de trois cents agriculteurs ont fait le siège des quatre centrales d’achats du département (Intermarché à Chaulnes, Auchan et les  deux sites de Simply Market à Amiens Nord). Dix-huit heures de siège en signe d’avertissement aux enseignes pour qu’elles cessent leur guerre des prix. Dix-huit heures de siège en attendant qu’elles signent la charte des valeurs présentée par les FDSEA des cinq départements de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, à Saint-Laurent-Blangy, (le 11 février, à 14h, ndlr).
Dans cette charte, il leur est demandé plus de transparence, notamment sur leurs marges, avec une meilleure répartition de celles-ci, l’étiquetage de l’origine des produits et aucune nouvelle baisse de prix dans les négociations en cours avec les transformateurs. «Les paroles s’en vont, les écrits restent», dit le proverbe. Eux savent que même les écrits s’envolent. La grande distribution n’a pas tenu les engagements pris à Matignon cet été. Les prix devaient monter. Ils continuent à baisser. Aussi pour bien faire comprendre aux enseignes que le temps de la moquerie était finie, les blocages ont donc repris dès le  10 février, à 22h, dans toute la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais.

«Il faut se battre»
Les agriculteurs de tous les cantons  de la Somme étaient aussi au rendez-vous devant les centrales d’achats. Le mot d’ordre avait été respecté : aucune benne remplie de fumier ou de pneus. Juste des hommes et des tracteurs. Et l’expression d’une grande dignité. Auchan a dû sentir le vent tourner. Quelques heures après l’arrivée des agriculteurs, l’enseigne leur  distribuait un communiqué expliquant sa détermination «à poursuivre sa politique de dialogue et de soutien  vis-à-vis du monde agricole», et confirmant sa présence à Saint-Laurent-Blangy, le lendemain. «Bien sûr qu’ils iront, bien sûr qu’ils signeront la charte, mais s’ils nous enfument, on sera de nouveau devant leurs portes, jour et nuit s’il le faut», disait Thierry, un agriculteur venu d’Acheux.
Comme la semaine précédente, une relève était prévue à 5h du matin, la suivante à 10h. Sur le pont, pour le premier round de 22h, une majorité de jeunes agriculteurs, dont certains pressés d’en dé­coudre. «Dans les campagnes, ça va mal. Sur toutes les exploitations, il manque de l’argent tous les mois. Si cela continue ainsi, je ne pourrais plus payer mes emprunts, explique Lucille, toute jeune agricultrice en élevage laitier, qui estime perdre environ 4 000  € par mois. Ce que l’on veut, c’est vendre notre lait à un prix correct et que l’Etat français cesse de nous faire crouler sous les normes.»
«Moi, aujourd’hui, je suis obligé de travailler à côté pour m’en sortir. Ce n’est pas normal, dit Bruno, jeune éleveur laitier de Doullens. Les banques disent qu’elles nous soutiennent, mais elles mettent la pression. Il faut se battre, car je crois qu’il y a encore de l’avenir dans le lait, même si les marchés seront de plus en plus fluctuants, mais à condition que l’on reprenne la main sur la distribution de nos produits, et ce, malgré que ce ne soit pas notre cœur de métier.»

Une crise plus dure
Même discours du côté des agriculteurs installés depuis longtemps.
Patrick, éleveur laitier dans le canton de Molliens en a vécu plus d’une de crises, mais celle-ci est «plus dure financièrement, car nos charges sont toujours plus lourdes. Je crains qu’elle ne soit chronique». Plus dure aussi, «parce qu’elle touche autant le lait que les céréales», ajoute Luc de Saint-Léger-Domart. «Pourtant, ce n’est pas compliqué de redresser la situation. Si les enseignes prenaient la peine de mieux répartir les marges, on s’en sortirait bien mieux. Mais ce n’est jamais le producteur, ni le consommateur d’ailleurs, qui paie ses produits le même prix alors que les enseignes les achètent de moins en moins chères, qui sortent gagnant», s’agace Thierry, éleveur laitier à Candas.
Et de craindre que les enseignes finissent pas répercuter le prix sur les consommateurs.  «Ce n’est pas aux consommateurs de payer la différence pour que l’on ait des prix décents. Ce sont aux enseignes de baisser leurs marges», rappelle Jean-François, éleveur laitier à Berteaucourt-les-Dames.
Autre frange du milieu agricole touché : les salariés. Ils étaient nombreux à s’être déplacés sur les sites des centrales d’achats pour soutenir le mouvement. «Il ne faut pas oublier que si le monde agricole se casse la gueule, beaucoup de monde autour va en faire autant. J’irais même plus loin, même la distribution ne s’en sortira pas indemne si l’on disparaît», souligne Thomas, qui affiche seize ans d’activité salariée dans le milieu. Et de noter que les exploitations, avant même que cette crise n’éclate, ont commencé à connaître des difficultés depuis les mises aux normes des années 2002-2003. «La répétition des mises aux normes ont augmenté les charges sur les exploitations. Or, la plupart d’entre elles ont continué à produire le même nombre de litres de lait. Comment, dans ces conditions, voulez-vous qu’elles s’en sortent et qu’elles soient compétitives sur le marché européen et mondial ?», fait-il remarquer.
Dix-huit heures viennent de passer. Il est 16h, jeudi 11 février, quand la nouvelle tombe. Système U et Leclerc ont signé la charte, les autres se sont engagés à le faire sous huit jours. Consigne est donnée de lever le blocage. «Si les engagements ne sont pas suivis d’effet, on recommencera à bloquer, mais peut-être avec d’autres types d’actions. On reste vigilants et prêts à repartir s’il le faut»,  prévient Denis Delattre, secrétaire général de la FDSEA 80. La pression, il est hors de question de la relâcher aussi du côté des politiques. Après les cercueils qu’ils ont déposés le 30 janvier dernier devant leur permanence, les agriculteurs sont venus leur dire en image l’idée qu’ils se faisaient d’eux…
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