Les déjections humaines utilisées comme fertilisants ?
Avec la hausse des prix des engrais et le durcissement des normes de qualité des eaux fluviales, une idée chemine : la valorisation des déjections humaines comme fertilisants à grande échelle.
Avec la hausse des prix des engrais et le durcissement des normes de qualité des eaux fluviales, une idée chemine : la valorisation des déjections humaines comme fertilisants à grande échelle.
C’est un colloque très sérieux qui s’est déroulé récemment dans les amphithéâtres de l’École nationale des Ponts et Chaussées (ENPC), sur le thème : « Dix ans de séparation à la source des excrétas humains : le moment propice pour changer d’échelle ». Il s’agit pour l’organisateur de cet évènement qu’est le « programme de recherche-action » Ocapi* de prolonger ses travaux de recherche et essais par la création de filières de valorisation.
Des arguments économiques
Les arguments sont les suivants : la séparation à la source des excrétas humains (pour qu’ils n’entrent pas dans le circuit des eaux usées) « répond à un enjeu de réduction de la consommation de matières premières en grande partie importées (les fertilisants), donc de souveraineté, ainsi que de consommation d’eau », a indiqué Raphaël Guastavi, directeur adjoint de l’économie circulaire à l’Agence de la transition écologique (Ademe).
Mais l’argument se double aussi d’une justification environnementale : « L’engrais naturel que constituent les excrétas humain est en grande partie détruit en station d’épuration et pour partie rejeté vers les milieux aquatiques », poursuit l’Ocapi dans son « appel à l’action », un document de quatre pages.
Or une directive européenne des eaux résiduaires et urbaines, votée pour les 20 prochaines années, impose des rejets de plus en plus propres : elle réduit progressivement les teneurs d’azote et de phosphore autorisées dans les fleuves et rivières, a fait remarquer Sandrine Rocard, directrice de l’agence de l’eau Seine-Normandie. Ne rien faire ne serait donc pas tenable.
Des propositions
L’étau se resserrant, l’Ocapi a publié des propositions dans son document. Au premier chef, « une reconnaissance et un soutien politique clair sur l’intérêt général des filières de séparation à la source ».
L’organisme recommande aussi des moyens de financement permettant aux filières de se pérenniser : paiements des agriculteurs pour services environnementaux, label bas carbone, taxation des engrais de synthèse et miniers.
Comment trouver des financements ? Un consensus semble se faire jour : l’assainissement devrait mettre la main à la poche. Si l’urine est collectée, « c’est autant d’énergie qui ne sera pas consommée pour traiter l’azote et le phosphore en stations d’épuration », a commenté Marie Boulard, conseillère technique « grandes cultures » à la Chambre d’agriculture de la région Ile-de-France.
En outre, l’agriculture pourra faire jouer ses avantages environnementaux : les chasses d’eau françaises représentent environ 20 % de l’utilisation d’eau des ménages, ce qui équivaut à un tiers de tous les prélèvements d’eau pour l’agriculture, selon l’appel à l’action d’Ocapi.