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Les liaisons dangereuses d'"Abolissons la vénerie aujourd'hui" (AVA)

Que ce soit en forêt ou sur les réseaux sociaux, défenseurs de la vénerie et opposants rassemblés au sein du collectif AVA se livrent une véritable guerre ouverte. Rencontre avec l'un des porte-paroles d'AVA, Rodolphe Trefier, sur la manière dont la critique sur la vénerie s'organise.

Rodolphe Trefier est l'un des porte-parole d'AVA, un collectif qui se revendique pacifiste malgré des échauffourées 
régulières entre ses membres et des veneurs.
Rodolphe Trefier est l'un des porte-parole d'AVA, un collectif qui se revendique pacifiste malgré des échauffourées
régulières entre ses membres et des veneurs.
© V. F. - AVA



Comment est né le collectif AVA et comment est-il structuré ?

C'est un mouvement jeune puisqu'il est né en 2017. À l'origine, il s'agit d'un groupe de riverains de la forêt de Compiègne gênés par la chasse à courre. Au début, nos premières actions consistaient à distribuer des tracts pour dénoncer les errements de veneurs et nous protéger. Suite à un incident avec des veneurs, nous avons commencé à filmer ce qui se passait en forêt et à diffuser sur les réseaux sociaux. Nous avons décidé de suivre le plus de chasses possibles dans la région, puis ailleurs en France. AVA compte aujourd'hui seize antennes actives, même si toutes ne sont pas au même niveau. Les plus actives sont aujourd'hui autour de Compiègne, Rambouillet, Retz, en Touraine... Nous avons des militants de tous âges et de tous milieux et demandons que la forêt puisse être en paix.

Que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans d'autres médias, des actes de violence sont régulièrement signalés, à commencer par de la violence verbale. Comment justifiez-vous cela ?
Les veneurs ne sont pas violentés physiquement. Et s'il y a des actes de violence, ils ne viennent pas de nous. Il peut y avoir avec nous des gens qui veulent venir pour être violents, mais ils ne restent pas. On ne les voit qu'une seule fois.
On nous accuse, mais nous sommes victimes de dégradations. Nous avons déjà recensé des pneus crevés, des essuies-glaces brisés. Il faudrait que nous soyons fous pour faire ce genre de choses. Tout le monde attend que nous fassions une erreur, alors nous devons être irréprochables.

Comme en agriculture où l'on parle d'agribashing, la vénerie subit de la part d'opposants des insultes, des menaces, des violences, de l'incompréhension. Pourtant, vous ne semblez pas accepter ce parallèle ?
Ce sont deux luttes qui n'ont rien à voir. Les enjeux ne sont pas les mêmes. L'agriculture peut s'améliorer ; la vénerie, non, parce qu'il y a toujours la traque d'un animal. C'est l'essence même de la vénerie que nous remettons en cause. C'est comme la corrida, elle ne peut pas s'améliorer. Jamais un agriculteur ne m'a forcé à voir comment il tue ses animaux ; les veneurs, si.

Les chasseurs, à tir comme veneurs, paient des droits de location pour pouvoir pratiquer leur loisir en forêt. Pourquoi leur contester cela ?
L'Office national des forêts louent ses forêts pour la chasse et nous connaissons les montants. Le jour où il n'y aura plus de chasse dans ces forêts, le manque à gagner ne sera pas énorme pour l'ONF,  comparativement à son budget global.

Certains groupes de chasseurs-veneurs que vous suivez parlent de sabotage et de provocation quand vous les suivez. Qu'en est-il ?
Ce que nous faisons ne peut pas être considéré comme du sabotage. Quand on filme en forêt, ce n'est pas du sabotage.

Le délit d'entrave à la chasse peut-il vous faire peur et abandonner votre combat ?
C'est quelque chose que nous regardons de près, mais après trois ans de combat, encore personne n'a été devant un tribunal pour cela. Il faut pouvoir caractériser l'entrave. Or, rien ne nous empêche de nous promener en forêt. Si une loi intégrant le délit d'entrave à la chasse venait à être votée, elle favoriserait plutôt notre cause. Ce qui dérange les veneurs, c'est d'être suivis et filmés. Mais ce n'est pas un délit.

Si vous n'appréciez pas la vénerie, pourquoi ne pas vous en tenir éloigné ? N'est-ce pas une forme de masochisme et contraire au respect des goûts et des plaisirs de chacun ?
Il y a une limite. Même si c'est au nom du bien-vivre ensemble, on ne peut pas laisser un animal être traqué et souffrir. Cela est aussi valable pour la corrida. Ce sont des traditions qui font souffrir des animaux dans un seul but de loisir. Nous utilisons tous les moyens de sensibilisation qui sont à notre portée, y compris auprès des parlementaires. Si demain nous n'allons plus en forêt, nous perdrons en image. On ne veut pas lâcher, même si nos sept cents militants ne vont pas tous en forêt.

Une évolution de la réglementation pourrait-elle vous satisfaire ?
Notre combat reste l'abolition totale et définitive de la vénerie. Le jour où cela arrive, AVA n'aura plus de raison d'être. Quand on voit comment se passent les choses en Angleterre, où la chasse à courre reste autorisée à condition qu'elle s'exerce sur un leurre, on voit bien que cela ne change rien. Des animaux restent pourchassés et massacrés.

Existe-t-il des liens ou des passerelles entre AVA et d'autres associations animalistes * ?
AVA n'est pas un mouvement animaliste, même s'il y a des membres qui adhèrent à ce mouvement parmi nous. Si ces gens là nous ont rejoint, c'est à cause de la gêne occasionnée par la vénerie. Les veneurs nous montrent du doigt en nous qualifiant aussi de vegans. Il y en a parmi nous, mais ils ne sont pas majoritaires.

Ne craignez-vous pas d'être considéré comme un satellite d'autres mouvements antispecistes et contestataires, ou au contraire, l'assumez-vous ?
La France compte de nombreuses associations animalistes et un certain nombre d'entre elles nous soutiennent et viennent nous voir. Si nous nous retrouvions dans ces associations, nous n'aurions jamais créé notre propre mouvement. Nous avons créé notre collectif parce que ce qui existe ne correspond pas à ce que nous voulons. Notre but n'est pas non plus d'être un grand mouvement.

Veneurs et membres d'AVA sont-ils définitivement irréconciliables ?
Nous avons quand même des relations basées sur le bon sens. Quand nous récupérons un chien égaré, nous faisons en sorte de retrouver l'équipage à qui il appartient. Les chiens sont otages de cette pratique, comme le sont les chevaux. Il y a quand même des moments où le conflit s'arrête.

* Sur les réseaux sociaux, Facebook, Twitter, AVA entretient des liens avec d'autres associations telles que Convergence animaux, Peta France, ASPAS, Code animal, Anymal...


À qui profitent les zones d'ombre autour de la disparition d'Élisa Pilarski ?

Dans l'attente des conclusions de l'enquête sur la disparition d'Élisa Pilarski, décédée en forêt de Retz (02) le 16 novembre, après que des morsures aient été découvertes sur son corps, le climat est toujours pesant. Si, pour l'heure, rien ne permet d'affirmer avec certitude que des chiens d'un équipage de vénerie qui chassait en cette journée en forêt de Retz en sont les responsables, d'aucuns sont tentés de se servir de ce drame pour servir leur cause et établir des accusations. C'est notamment sur les réseaux sociaux que le pas a été rapidement franchi. Porte-parole du collectif Abolissons la vénerie aujourd'hui, Rodolphe Trefier dément, de son côté, toute tentative de récupération : «Quand ce drame est arrivé, nous avons été choqués, comme pas mal de monde, d'autant que nous étions en forêt ce jour-là. Mais nous avons décidé de ne pas réagir tout de suite.» Depuis le début de l'affaire, deux communiqués de presse officiels ont été publiés par AVA. Le premier, le 20 novembre 2019, indique que le collectif s'«oblige à la retenue dans l'attente des résultats de l'enquête», tout en se faisant l'écho du témoignage du compagnon de la victime dans lequel il indique «avoir croisé un veneur à cheval ainsi qu'une trentaine de chiens alors qu'il était à la recherche d'Élisa». Un deuxième communiqué du 20 février revient, quant à lui, sur les conditions de l'enquête, que le collectif accueille avec «sidération».

L'affaire enflamme les réseaux sociaux
«Nous n'incriminons pas la chasse à courre et demandons que les résultats de l'enquête soient connus le plus rapidement possible, pour la famille, mais aussi pour le maître d'équipage», précisait, le 21 février, M. Trefier. Sur le réseau social Facebook, dont les pages administrées par les membres du collectif AVA, certaines publications et commentaires viennent ternir cette apparente retenue. Et le collectif n'y semble pas prêt à modérer davantage les commentaires suite à chaque rebondissement, voire à les empêcher : «Nous modérons les commentaires, assure Rodolphe Trefier, mais il se peut que nous passions à côté de certains ou que nous ne les voyons pas tout de suite. Nous modérons les insultes, les appels au meurtre, tout en laissant les gens s'exprimer. Nous laissons les commentaires quand il s'agit d'argumentaires.» Enfin, si le collectif AVA continue de communiquer autour de cette affaire, «c'est parce qu'on nous pose des questions», défend M. Trefier ; là où la raison voudrait que chacun attende les conclusions de l'enquête pour en tirer des conclusions et laisser courre à ses impressions.

Le procureur de Soissons demande aussi de la retenue
Face aux accusations portées à l'encontre des chiens d'un équipage de chasse à courre, la société de vénerie indiquait, quant à elle, via un communiqué de presse du 28 janvier, «qu'en l'état actuel de l'enquête, aucun élément ne démontre l'implication des chiens de chasse à courre dans le décès de la jeune femme». Des analyses d'ADN suite à des prélèvements effectués sur plusieurs chiens, dont celui de la victime et de l'équipage de vénerie, restent en cours. Lundi 24 février, c'est le procureur de la République de Soissons, Frédéric Trinh qui rappelait «qu'à ce stade des investigations, alors qu'il n'existe aucune certitude sur le déroulement précis des faits qui ont conduit au décès de Madame Pilarski, l'institution judiciaire tient à ce que soit respectée la demande de la famille de la défunte auprès du juge d'instruction et qu'il soit fait preuve de circonspection dans les modalités de communication».

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