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Les moutons de la baie sont découverts de plus d’un fil

Comme chaque année, cahier des charges AOP oblige, les brebis des prés salés de la Baie de Somme sont tondues. Avec un rythme de 350 brebis par jour, le métier de tondeur est très spécifique. 

Les tondeurs pratiquent la méthode Bowen : quarante et un coups de tondeuse en deux minutes, pour une toison en une seule pièce. 
Les tondeurs pratiquent la méthode Bowen : quarante et un coups de tondeuse en deux minutes, pour une toison en une seule pièce. 
© D. R.

De leur genou et de leur bras gauche, Ludovic Dumont et Richard Pichonnier maintiennent fermement la brebis en positon assise. Quarante et un coups de tondeuse et deux minutes plus tard, voilà l’animal dépourvu de sa laine, et une toison préservée en une seule pièce. En l’espace de trois jours, dans les bergeries et les prés salés de la Baie de Somme, les tondeurs professionnels ont tondu plus de mille moutons. 

«Ça fait une trentaine d’années qu’on est dans le métier. C’est physique, mais aussi technique et mental. Il faut réussir à se concentrer sur chaque mouton», confient-ils. Du 15 janvier eu 15 octobre, Richard parcourt 30 000 km en moyenne pour tondre 15 000 brebis. «Ça fait une moyenne de 2 km par brebis», s’amuse-t-il à compter. Pour les deux passionnés, «nés dans le mouton», car leurs parents en élevaient, l’apprentissage s’est fait sur le tas. «Il existe un CS ovin (certificat de spécialisation), mais apprendre à tondre se transmet surtout de tondeur en tondeur.» 

Eux utilisent la méthode Bowen, du nom d’un tondeur néo-zélandais qui a popularisé sa technique dans les années soixante. Cette méthode privilégie le bien-être du tondeur et de l’animal et garde la toison entière. Après avoir tondu le ventre, le tondeur attaque le côté gauche par de longues coupes en remontant du gigot vers la colonne vertébrale, puis il tond le cou et la tête, redescend sur l’épaule et termine sur le côté droit.

 

Hygiène et bien-être animal

Pour les moutons, la tonte apporte un bien-être non négligeable. «Après l’hiver, il faut les débarrasser de leur laine épaisse, sale, pleine de débris de paille, de foin, de grains et de parasites», assure Laure Poupart, éleveuse installée à Saint-Valéry-sur-Somme. Elle permet notamment de prévenir le risque de myiase, une affection provoquée par le développement de larves de mouches carnassières sur la peau ou dans les organes. 

«Pour nous, c’est l’occasion de faire un bon tri, et d’observer chaque brebis en détail mamelles, vulve, peau…)», ajoute Mickaël Testu, éleveur de Mons-Boubert. La tonte stimulerait aussi  l’appétit des brebis et des agneaux et augmenterait la vigueur des béliers. Tondre les brebis avant l’agnelage permet enfin à l’agneau de trouver plus facilement les mamelles et lui évite de téter en vain des mèches de laine. «La tonte est de toute façon inscrite dans le cahier des charges de l’AOP (appellation d’origine protégée) Prés salés de la Baie de Somme. On doit la réaliser avant le 14 juillet», précise Roland Moitrel, éleveur et président de l’association des éleveurs. 

Les premiers agneaux estampillés AOP, eux, devraient être commercialisés cette semaine. «Nous les avons sortis en baie le 3 avril, après une grosse marée. C’est une année normale.» Les règles du cahier des charges sont strictes : des agneaux élevés principalement au lait maternel pendant deux ou trois mois, puis qui bénéficient d’au moins soixante-quinze jours de pâturage en zone maritime. Il doivent atteindre l’âge minimal de cent-trente-cinq jours avant abattage.

 

Des moutons tondus depuis toujours 

Les moutons seraient tondus depuis les prémices de l’élevage ovin. La richesse de l’antique Cnossos, la plus vieille ville d’Europe, provenait de son industrie de la laine de mouton. Au Moyen-Âge, le commerce de la laine anglaise était l’un des facteurs les plus importants de l’économie du pays. La technique a largement évolué au fil des siècles. En Australie et en Nouvelle-Zélande, pour faire face au très grand nombre de moutons à tondre, il a fallu mettre au point des systèmes plus efficaces. La tonte a notamment été révolutionnée au début du XXe siècle par l’invention d’un éleveur australien, Frédérick York Wolseley, dont les machines à tondre, fabriquées par son entreprise anglaise, ont permis de réduire le temps de tonte et le recours aux secondes coupes.

 

«La laine ne vaut plus rien»

Il est loin le temps où la laine se vendait 2 €/kg. «L’année dernière, on ne nous a fait aucune offre, et cette année, on nous en propose 0,10 /kg. Ça ne paie même pas le tondeur», souffle Pauline Testu, éleveuse à Mons-Boubert. Cette matière, principalement transformée en Chine, a souffert ces dernières années de l’embargo russe, des coûts de transport et des coûts du lavage. La Covid-19, qui a causé la fermeture temporaire des usines, a été un coup dur de plus. Les éleveurs se voient donc contraints de stocker leur laine année après année en espérant un débouché convenable. 
Pauline Testu, elle, a dégoté une filière de niche avec la boutique Le Petit grain, à Saint-Valéry-sur-Somme. «Nous entretenons une tradition lainière par affection, puisque mon père avait quelques moutons. Nous sommes surtout des passionnés de tissage», confie Jacques Champigny. Quand il s’est installé en Baie de Somme il y a quinze ans, l’homme s’est tout de suite intéressé à la laine des moutons AOP. «Travailler le produit local est ce qu’il y a de plus valorisant.» L’artisan achète environ 250 kg de laine brut par an, qu’il sélectionne chez les Testu avant de l’envoyer dans une laverie de Haute-Loire. Le cardage, filage et tressage est ensuite réalisé dans la Creuse. «Le plus gros du coût est le transport», note-t-il. Les écheveaux 100 % pure laine vierge des moutons AOP sont commercialisés à 6,50 €, soit 3,25 € la pelote. «Le local ne doit pas être réservé à une clientèle élitiste.» Carole Détain, conjointe de Jacques Champigny, s’est aussi spécialisée dans la confection d’objets en feutrine. 
La laine et les objets en feutrine sont à découvrir sur www.le-petit-grain.com
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