Témoignage
Mathieu Devienne, administrateur Bio en Hauts-de-France : «On ne baisse pas les bras»
Installé sur une ferme de polyculture-élevage à Gouy-l'Hôpital (Hornoy-le-Bourg, 80), Mathieu Devienne s’investit comme administrateur au sein de Bio en Hauts-de-France avec le souhait de défendre la cohésion entre filières.
Installé sur une ferme de polyculture-élevage à Gouy-l'Hôpital (Hornoy-le-Bourg, 80), Mathieu Devienne s’investit comme administrateur au sein de Bio en Hauts-de-France avec le souhait de défendre la cohésion entre filières.

Agriculteur converti au bio (2012) depuis l’année suivant son installation, Mathieu Devienne aimerait se sentir parfois moins seul. L’agriculture bio dans les Hauts-de-France ? «Pas aussi développé qu’on le souhaiterait», estimait-il en ce début de semaine. Et le contexte actuel n’est pas vraiment en état de le rassurer : «Le contexte est morose après plusieurs années de croissance…» L’année 2024 restera en effet comme la première où le solde entre le nombre d’hectares et d’exploitations convertis et ceux qui font le choix d’abandonner le bio est négatif.
Plaidoyer pour un soutien
Selon Mathieu, polyculteur-éleveur – il élève un troupeau de vaches allaitantes de race Aubrac et cultive du blé, de l’avoine, de l’orge, du maïs, des lentilles vertes, et une large surface fourragère alliant prairies permanentes et temporaires -, les filières sont différemment touchées par ce que l’on nomme communément «la crise du bio». Pour lui, les grandes cultures et les cultures légumières ont été les premières à connaître un revers, dès 2023. Puis l’année 2024, pluvieuse, n’a rien arrangé. À titre personnel, c’est en simplifiant son exploitation et en recentrant son activité sur l’élevage que Mathieu Devienne a décidé de faire front, tout en reconnaissant «que c’est compliqué.» «L’élevage me permet de garantir un revenu régulier sur l’année, contrairement aux cultures, plus aléatoires», explique-t-il. Et d’assurer «qu’étant donné que j’ai pas mal de prairies sur ma ferme, l’élevage s’impose…» En ce qui concerne la valorisation de ses productions, l’agriculteur a opté pour la vente directe, avec pour cible les particuliers et la restauration collective.
Ne se voyant pas revenir en arrière, Mathieu plaide pour le maintien d’un soutien public à l’agriculture bio… ce qui n’est plus vraiment le cas depuis les annonces récentes émanant du gouvernement. «S’il n’y a pas ou plus de politique d’aide publique au bio, l’avenir va être compliqué», regrette M. Devienne, qui demande aux pouvoirs publics «le respect des promesses». Et de citer en exemple l’application de la loi Egalim : «Si la loi Egalim était vraiment appliquée en ce qui concerne la part des produits bios dans la restauration collective, on ne serait pas en crise !» Faute de soutien, il craint également que des porteurs de projet en agriculture bio soient contraints de jeter l’éponge. Et admet que les déconversions «ne se font pas de gaieté de cœur.»
Goût du challenge et conviction
Si l’agriculteur samarien tient bon, c’est aussi par goût du challenge et par conviction. Converti à l’agriculture bio après un événement familial marquant – son père a été diagnostiqué d’un cancer lié à l’usage de produits phytosanitaires -, Mathieu Devienne défend l’intérêt de l’agriculture bio pour ses bénéfices sur l’environnement : «Des études montrent que là où on pratique l’agriculture bio, c’est 30 % de biodiversité en plus.» Ce qui l’a motivé au moment de sa conversion, et contrairement à certaines idées reçues, «c’est d’avoir pu visiter une ferme en agriculture bio comme la mienne dans lesquels les champs étaient propres.»
L’événement Terr’eau bio
Au regard du contexte actuel autour de l’agriculture bio, Mathieu Devienne n’y va pas par quatre chemins en ce qui concerne l’organisation du salon Terr’eau bio : «C’est vrai, on s’est clairement posé la question de savoir si l’on maintenait le rendez-vous, mais malgré tout, on a fait le choix de le maintenir.» L’événement a juste été dimensionné à la mesure des ressources disponibles. Pour la cinquantaine d’exposants présents et les 500 visiteurs attendus – dont des élèves de l’enseignement agricole – «on s’est dit qu’il ne fallait pas baisser les bras». «Nous voulons montrer que l’agriculture bio existe dans notre région et qu’elle n’est pas prête à disparaître.» L’événement Terr’eau bio, insiste Mathieu Devienne, «ce sera une vitrine du Plan régional Avenir Bio et du travail qu’on continue de faire, notamment sur la structuration de filières régionales ou en matière de R&D avec des bénéfices pour tout le monde, que l’on soit agriculteur bio ou conventionnel».
Farine de blé bio : deux meuniers et dix OS créent une filière 100 % régionale
Une filière farine de blé bio issue à 100 % d’Île-de-France a été lancée le 27 mai en Seine-et-Marne. «À l’origine de cette démarche, deux meuniers – les moulins Bourgeois et les moulins Familiaux – soucieux de s’approvisionner en farine bio francilienne tracée, pour répondre à la demande de leurs clients et respecter aussi la loi Egalim en matière de restauration collective», explique Charotte Glachant, responsable de l’équipe bio à la chambre d’agriculture d’Île-de-France. La démarche regroupe aujourd’hui quinze signataires : les deux meuniers, la région, la préfecture, la chambre d’agriculture et dix OS (Cérésia, Île-de-France Sud, NatUp, Valfrance, Sévépi, Terres Bocage Gâtinais, Bio Greg Agriculture, Soufflet Agriculture, Adagri et Coisnon). Les premiers contrats, d’une durée de trois ans, ont été signés pour la récolte 2025 : chaque maillon s’engage à respecter un cahier des charges validé par un comité technique. «Dans les deux ans, l’objectif est de collecter, via cette filière, entre 13 000 et 15 000 tonnes de blé bio, sur les 40 000 tonnes actuellement produites à l’échelle de la région, précise-t-elle. Si la question du prix versé aux agriculteurs n’est pas complètement finalisée, l’enjeu est de les rémunérer au-dessus de leur coût de production, pour assurer la pérennité de la démarche.»