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interview
«Mettre en place un véritable plan stratégique pour la filière»

Daniel Bouquillon, ancien président de l’Union des endiviers de France.

Après plus de trente années de syndicalisme endivier, Daniel Bouquillon vient de quitter la présidence de l’Union des endiviers de France. Il revient sur la dernière campagne et les dossiers d’actualité de la filière.
Après plus de trente années de syndicalisme endivier, Daniel Bouquillon vient de quitter la présidence de l’Union des endiviers de France. Il revient sur la dernière campagne et les dossiers d’actualité de la filière.
© D. R.
Quel bilan faites-vous de la campagne 2013-2014 ?
C’est l’une des pires années que la profession ait connue. On a mal commencé dès la récolte, à cause d’une météo pluvieuse rendant les conditions d’arrachage difficiles. Cela a entraîné des surcoûts en GNR et en main-­d’œuvre. Concernant la commercialisation, on a l’impression que la période de consommation de l’endive commence de plus en plus tardivement avec des prix très moyens en septembre et octobre. La situation s’est néanmoins améliorée en novembre et en décembre, grâce à une remontée des prix du chicon à des niveaux corrects. Un léger mieux qui a rapidement fait place en début d’année à une véritable descente aux enfers avec des prix qui ont une nouvelle fois décroché. Ce sont les producteurs indépendants qui ont été les plus touchés ; ils ont connu une campagne catastrophique. Ils ont fait un choix : la liberté a un prix qui peut parfois s’avérer extrêmement élevé. Alors que les producteurs organisés s’en sont mieux sortis avec la mise en place de mesures de gestion de la production et une meilleure segmentation de l’offre. L’endive reste un produit «météo-sensible», la douceur des températures n’a pas incité les consommateurs à en acheter. Fin mars, nous avions des niveaux de ventes équivalents à ceux de fin avril. Quelque part, je ne suis pas surpris d’une telle situation, cela nous pendait au nez. Surtout que ces deux dernières années, nous avions eu des hivers favorables à la consommation d’endives et nous n’avions pas su tirer notre épingle du jeu.

En cinq ans la production française d’endives est passée de 250 000 à 180 000 tonnes. Se rapproche-t-on du point de non retour en termes de production ?
Après la sidérurgie et le textile, la région risque de perdre un autre de ses fleurons. Il y a une réelle inquiétude par rapport aux volumes d’endives produits. Cette année, la production nationale devrait tourner autour de 170 000 -180 000 tonnes. J’estime qu’il y a un niveau au-delà duquel on ne pourra pas descendre sans compromettre la capacité des producteurs à financer la recherche, ainsi que des actions de communication génériques. Selon moi, ce seuil critique se situe à 150 000 tonnes. Bien entendu, si l’endive était bien payée, même avec un tel niveau de production, les producteurs pourraient continuer à verser une cotisation recherche et marketing collective. Malheureusement, il y a souvent un gros décalage entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur. C’est pourquoi il est indispensable que nous fassions un effort pour former le prix au départ. Dans le cas contraire, tout le monde sera contraint de mettre en place une politique de réduction des coûts, en commençant par ne pas payer sa cotisation syndicale ou demander une baisse des cotisations recherche et promotion. En clair, ce serait la mort annoncée de l’endive. Sans compter que si nous ne produisions pas assez de volumes, sa présence en tête de gondole dans les rayons serait remise en cause. Pire, cela ouvrirait à terme la porte aux marchandises venant de l’étranger. Nous avons déjà perdu en compétitivité. Il y a encore dix ans, les producteurs français d’endives approvisionnaient le marché allemand à hauteur de 55 . Aujourd’hui, nous ne représentons plus que 15 des approvisionnements, loin derrière les Néerlandais (65 ). Dans le même temps, les producteurs allemands ont gagné des parts de marché (20 ) en développant leur production avec la technologie batave.

Vous venez de laisser la présidence de l’Union des endiviers de France à un «triumvirat» de jeunes producteurs. Pourquoi ?
J’ai décidé en effet de passer le relai à Claire Lefebvre, Philippe Bréhon et Olivier d’Arras qui seront épaulés par André ­Delebeque et Vincent Choteau. Il s’agit d’un geste politique fort, afin d’insuffler un souffle nouveau à la profession. J’ai toujours été contre l’idée d’un «Sénat de l’endive», les jeunes doivent s’impliquer et devenir nos cadres de demain. Ils représentent l’avenir de la production, autant leur laisser les commandes. Ils sont déjà au travail sur les questions organisationnelles, je serai là pour les accompagner pendant la période de transition.

Récemment, l’Union des endiviers de France dénonçait une nouvelle fois les dysfonctionnements au sein de l’Apef, notamment sur le plan de la gouvernance de la filière. Qu’en est-il aujourd’hui ? Vos revendications ont-elles été entendues ?
En avril 2011, les producteurs s’étaient massivement réunis pour établir une nouvelle feuille de route pour l’Apef. Cependant, celle-ci n’a pas été appliquée, et il n’y a jamais eu de remise à plat du mode de gouvernance. À tel point que notre organisation économique est aujourd’hui totalement sclérosée, incapable de prendre des décisions. La règle des 85 avec une minorité de blocage possible pour plusieurs acteurs rend quasiment impossible toute action. Ce qui explique que l’accord interprofessionnel pour améliorer la qualité des endives n’a pas pu être validé, bien qu’il s’agissait d’une condition sine qua non pour refaire  la promotion du produit. Cette situation est devenue intenable. Après une nouvelle rédes producteurs en janvier dernier, nous avons obtenu de l’Apef la mise en place d’un groupe de jeunes endiviers qui participera à toutes les réunions. Il est composé d’une dizaine de producteurs, d’autres doivent le rejoindre. Celui-ci doit encore se structurer. Pour l’instant, il n’aura qu’un rôle de force de proposition ; même si nous souhaitions au départ aller plus loin et qu’il lui soit attribué un important pouvoir décisionnel. D’autre part, l’Apef a également accepté une révision de ses statuts afin de revoir le système de minorité de blocage par une seule entité. Mais depuis, plus rien... c’est le silence radio.

Qu’attendent aujourd’hui les producteurs ?
Les producteurs n’ont pas de visibilité. Il est plus que temps de mettre en place un véritable plan stratégique pour la filière. Pour cela, nous n’avons pas besoin de commander de nouveaux audits dispendieux, on sait très bien ce qu’il faut changer et faire. Le dossier de l’Autorité de la concurrence a été un coup d’arrêt pour le collectif, certains se sont cachés derrière cette condamnation pour maintenir le statu quo. Pourtant, il est primordial que nous marchions d’un seul pas afin de redynamiser la production, revoir les règles de qualité et relancer le marketing collectif. C’est cette ligne directrice qu’il nous faut maintenir. Le monde endivier a des œillères et ne regarde pas assez ce que font les autres à côté. Il nous faut sortir de notre bulle qui est en train d’exploser. Il suffit de voir le nombre d’arrêts dans la profession, il ne reste plus que 262 producteurs d’endives qui font plus de 100 tonnes par an.
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