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Sélection végétale
NGT : un accord sans la traçabilité mais avec des brevets

Un accord interinstitutionnel a été trouvé dans la nuit du 3 au 4 décembre sur la libéralisation de la réglementation encadrant les nouvelles techniques de sélection génomiques (NGT).

Les plantes NGT de catégorie 1, considérées comme équivalentes aux variétés issues de la sélection conventionnelle, ne seront étiquetées qu’au stade semence et ne seront pas soumises aux mesures de suivi post-autorisation.
Les plantes NGT de catégorie 1, considérées comme équivalentes aux variétés issues de la sélection conventionnelle, ne seront étiquetées qu’au stade semence et ne seront pas soumises aux mesures de suivi post-autorisation.
© Pexels/AS Photography

Deux ans et demi après la proposition de la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’UE ont conclu un compromis sur l’encadrement des NGT. Celui-ci reprend les grandes lignes de la position des États membres, le Parlement n’ayant au final que peu pesé dans les pourparlers, ses principales demandes — notamment sur les brevets et la traçabilité — ayant toutes été écartées.

Les deux points à l’ordre du jour de la dernière session de pourparlers étaient justement les brevets et l’étiquetage. À l’arrivée, les plantes NGT de catégorie 1, considérées comme équivalentes à des variétés issues de la sélection conventionnelle, ne seront pas étiquetées tout au long de la chaîne d’approvisionnement (seules les semences le seront) et ne seront pas soumises à des mesures de suivi post-autorisation. Elles pourront également se voir octroyer des brevets.

Au fil des différentes rencontres en trilogue depuis mai, d’autres éléments centraux de la proposition ont été convenus : les définitions des différentes catégories de NGT, les critères de durabilité, ainsi que les conditions d’interdiction dans le secteur du bio.

 

Des critères renforcés

L’accord couvre les plantes présentant des modifications de leur matériel génétique via les techniques de mutagenèse dirigée, ainsi que les insertions de gènes provenant de la même espèce (cisgénèse).

Pour qu’une plante soit considérée comme NGT de catégorie 1 et échapper aux obligations de la réglementation OGM, les modifications génétiques ne devront pas dépasser vingt nucléotides (insertion ou substitution), ne devront pas créer de protéine chimérique absente des espèces initiales, et ne devront pas interrompre un gène endogène.

Lors d’une session de négociation mi-novembre, il a également été convenu d’établir une liste négative de critères excluant de la catégorie 1 certaines variétés, notamment celles présentant une résistance aux herbicides ou produisant une substance insecticide connue. Les autorités nationales seront chargées de vérifier que les plantes NGT appartiennent à cette première catégorie, mais leur descendance n’aura plus besoin d’être contrôlée ultérieurement.

Les variétés ne répondant pas à ces critères seront classées dans la catégorie 2. Elles seront soumises, comme les OGM, à une procédure d’autorisation de mise sur le marché et à des obligations de traçabilité, d’étiquetage et de surveillance. Comme pour les OGM, les États membres pourront s’opposer à la mise en culture de NGT-2 sur leur territoire et introduire un étiquetage volontaire indiquant la finalité de la modification génétique.

L’eurodéputé Pascal Canfin, négociateur pour son groupe Renew (centre), se dit très satisfait du compromis trouvé, en particulier sur les variétés résistantes aux herbicides. «Comme le règlement couvre à la fois les semences et les produits, c’est l’ensemble de la production brésilienne, par exemple, qui sera étiquetée comme des OGM classiques», souligne-t-il.

 

Traçabilité limitée

Contrairement à la position initiale du Parlement européen au printemps 2024 — avant les élections européennes qui ont entraîné un basculement majoritaire à droite — l’accord final ne prévoit aucune règle de traçabilité supplémentaire. Seules les semences seront donc étiquetées comme NGT (quelle que soit la catégorie), mais les produits destinés aux consommateurs n’en porteront aucune mention pour les NGT-1.

Le secteur du bio, comme il l’avait exigé lors des consultations précédant la proposition, ne pourra pas utiliser ces NGT. Cependant, en raison de l’absence de traçabilité, les produits bio pourront subir une contamination au champ. «C’est la même chose que pour les pesticides, tempère Pascal Canfin, si des traces d’une molécule interdite utilisée par un voisin se retrouvent dans un produit bio, cela ne pose pas de problème, car c’est le mode de production qui est certifié, pas le produit final.»

Un point reste à clarifier : les transformateurs sont autorisés par le règlement bio à utiliser une part de produits conventionnels s’ils ne trouvent pas de produits bio. Avec l’arrivée des NGT, la Commission européenne devra analyser la situation dans deux à trois ans et, si nécessaire, réviser le règlement bio pour éviter que ces variétés n’entrent dans la chaîne de production.

 

Brevets autorisés

Le point le plus sensible des discussions a été la question des brevets. Le Parlement européen s’était clairement prononcé contre leur octroi à tous les NGT, quelle qu’en soit la catégorie. Mais les États membres ont eu le dernier mot : l’accord prévoit d’autoriser l’octroi de brevets aux variétés de catégorie 1.

Les obtenteurs demandant une approbation devront divulguer tous les brevets connexes dont ils ont connaissance. De plus, un code de bonne conduite autorisant les obtenteurs à conclure des accords de licence sera publié par la Commission européenne dans les dix-huit mois.

Un an après l’entrée en vigueur du règlement, la Commission européenne devra publier une étude sur l’impact des brevets sur la concentration du secteur, la disponibilité des semences pour les agriculteurs et l’accès aux plantes NGT brevetées. Si nécessaire, des mesures correctives seront proposées.

«Sans brevet, pas de NGT, affirme Pascal Canfin. Les start-up ne développeront jamais de nouvelles semences sans cette protection, car elles n’ont pas les moyens de distribution des grands semenciers. Sans brevets, elles n’investiront jamais.» Toutefois, si une trop grande concentration est observée, «il faudra rouvrir le texte pour éventuellement rendre les accords de licence obligatoires». C’était une ligne rouge pour le Conseil de l’UE, estimant que cela allait au-delà du droit de la propriété intellectuelle.

 

Incertitude au Parlement européen

L’accord doit maintenant recevoir l’aval des colégislateurs, en particulier du Parlement européen lors d’un vote potentiellement serré en mars, admet Pascal Canfin. Les groupes politiques sont très divisés et devraient voter en ordre dispersé.

Au PPE, les Polonais devraient voter contre l’accord, tandis que le reste du groupe pourrait se prononcer en faveur. Même situation chez les conservateurs d’ECR où les Polonais voteront vraisemblablement contre alors que les Italiens devraient être pour. Christophe Clergeau, négociateur des sociaux-démocrates, a annoncé qu’il ne pourrait «pas soutenir le résultat de cette négociation», estimant que le mandat du Parlement européen n’avait pas été respecté : «Pas de surveillance, pas de traçabilité, pas de restriction sur les brevets. On joue aux apprentis sorciers, on enlève aux consommateurs leur liberté de choix et on livre les agriculteurs à Bayer-Monsanto et consorts.»  Il précise que «le groupe S & D reviendra vers les acteurs de la société civile et vers ses membres pour pleinement évaluer le résultat du trilogue et définir sa position finale pour le vote en plénière».

Le Vert allemand Martin Hausling dénonce également la position de l’équipe de négociation du Parlement européen, et en particulier de la négociatrice en chef, la Suédoise Jessica Polfjärd (PPE), très favorable à une libéralisation maximale des NGT. Elle compte sur les évolutions au sein de l’hémicycle depuis les élections de 2024 pour faire passer ce compromis. Verdict en mars.

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