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Novissen/1 000 vaches : les agriculteurs s’invitent au débat

Alors que l’association Novissen poursuit son combat contre le projet de ferme/méthaniseur au Nord d’Abbbeille, les agriculteurs s’élèvent contre la stigmatisation.

© AAP

Le projet de ferme des 1000 vaches, revu à 500 vaches porté par Michel Ramery, fondateur et président du groupe de BTP, fait couler beaucoup d’encre dans la région d’Abbeville. Le promoteur du projet le décrit comme novateur par sa taille et sa technique, social puisque reposant sur des agriculteurs associés, écologiquement vertueux puisqu'il intègre une unité de méthanisation de nature à traiter des déchets organiques en plus de l’élevage.
La fronde contre ce projet est portée par l’association Novissen, qui dénonce en premier lieu un danger sanitaire, lié à la fois à la concentration en un lieu d’autant d’animaux et à la proximité des habitations, et un risque lié au méthaniseur dont l’alimentation va au-delà des effluents d’élevage et des déchets verts.
En sus de ces points, l’association dénonce tour à tour le mode d’élevage, les nuisances pour les riverains (trafic routier, odeurs et mouches éventuelles) et un caractère menaçant pour le tissu agricole actuel. Alors que le projet a reçu les autorisations administratives pour 500 vaches et une unité de méthanisation, Novissen poursuit son action tant sur un angle juridique qu’en communication.
La profession agricole a déjà eu l’occasion de se prononcer sur le projet et aussi d’échanger avec l’association. Sur le projet, le conseil de la Fdsea avait publié son avis en trois points : la gouvernance du projet ne relève pas du modèle agricole défendu, cependant la taille d’un élevage n’est pas un sujet à problème dès lors que les critères normatifs, réglementaires et sanitaires sont respectés. Enfin, la Fdsea a toujours milité pour l’équité de traitement entre projet.

Un intervenant «à charge»
Après avoir organisé plusieurs actions de communication, un lobbying auprès de parlementaires et de ministres, l’association a organisé le 28 juin dernier, une conférence avec le professeur Dominique Belpomme. Fondateur et président de l’Association française pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac) et directeur l’European cancer and environment research institute (Eceri), le professeur Belpomme est connu pour ses publications et prises de positions controversées sur l’impact des pratiques agricoles. Son intervention du 28 juin, devant 300 participants, dont 10% d’agriculteurs n’a pas dérogé à la réputation.
Pour faire simple, la démonstration du professeur Belpomme repose sur deux éléments. Le premier, c’est le postulat que 80 à 90% des cancers et maladies actuels sont liés à l’environnement et à sa dégradation. Dès le stade fœtal, l’enfant est soumis à une exposition toxicologique au travers du mode de vie de sa mère, exposition qui sera un catalyseur de maladies eu cours de sa vie. L’autre pilier, c’est celui d’un cercle vicieux de l’agriculture. L’hyper-intensification aboutit selon lui à une pollution des eaux généralisée, à des teneurs en phytosanitaire élevées dans l’alimentation humaine et animale. Puis, au niveau animal, le fait de boire de l’eau polluée et de manger du fourrage contaminé amène sur le marché à la fois de la viande, mais aussi et surtout du lait contaminés, y compris du lait infantile. Sans le moindre chiffre à l’appui (y compris les siens), le professeur dresse aussi un tableau sombre et «irréversible», lançant quelques flash non argumentés sur le maïs, et forcement les OGM, sur les activateurs de croissances et forcement les hormones, pour aboutir à un message global significativement plus altermondialiste que scientifique.

Des agriculteurs blessés
«Le plat était conforme au menu», auraient pu dire les agriculteurs présents. Car si jusqu’à présent, ceux-ci étaient restés globalement en retrait du débat «de voisinage», ils sont venus cette fois-ci car interpelés par un collage généralisé d’affiches «élevage intensif et cancer» sur le périmètre du futur plan d’épandage (environ 25 km à la ronde).
Un slogan blessant pour bon nombre d’éleveurs qui se jugent sur un modèle «intensif» à leur taille et qui dès lors ont clamé leur mal être dans cette réunion. «On entend vos messages, mais l’acte de consommation de chacun n’est pas en phase avec ces discours et il n’y a pas grand monde pour payer le juste prix au regard de ces exigences de production». «Ces attaques portées sur un projet jettent un discrédit profond sur l’agriculture en général et tous les agriculteurs éleveurs du secteur en particulier. D’ailleurs certains propos montrent une méconnaissance profonde de l’agriculture actuelle, ses contraintes et ses méthodes».
Voilà en résumé les deux principales lignes d’expressions des agriculteurs avec pour certains participants un réel degré d’écoute et pour d’autres des huées systématiques.

Le fossé est-il irrémédiable ?
Au-delà du temps réel de conférence/débat, qui a davantage mis en avant des divergences plutôt qu’apporté des éclairages scientifiques et ouverts au débat, les agriculteurs présents ont longuement échangé de façon informelle à la sortie. Il y a autant de ressentis que d’agriculteurs. Le fossé est très large, pour ne pas dire infranchissable entre une partie des participants (minoritaire) et l’agriculture moderne.
Mais les discussions ont aussi permis de surmonter certaines méconnaissance sur les modes de production. La taille est-elle problématique ? Pas forcement. Les contraintes sociales de l’élevage rendent acceptables pour bon nombre des étables de plusieurs centaines de vaches laitières. Une étable de 1 000 vaches prend-elle la place d’autre ? Pas directement, car la Somme est globalement en sous réalisation.
Le modèle capitalistique est-il celui que prônent les agriculteurs ? Non, clairement pas, et ça va mieux en le disant.
La méthanisation pose-t-elle problème à l’association ? «Je suis à 100% favorable au projet de Friville-Escarbotin. Car sa taille et son alimentation (déchets verts et affluents d’élevage locaux sont cohérents» a déclaré le président de Novissen, Michel Kfoury.
Pour autant, le mode de défense de l’association ressemble jusqu’à présent précisément aux traitements de chimio ou radiothérapie, à savoir que pour traiter le cœur du sujet, l’attaque est violente et beaucoup plus large, quitte à générer d’autres profondes blessures. Si à plusieurs reprises les intervenants ont répété ne pas vouloir nuire ou discréditer les agriculteurs, ceux qui étaient présents expriment et espèrent davantage de discernement dans les communications à venir. Message reçu ? L’avenir le dira. Car de par leur présence significative les agriculteurs ont certes exprimé un ras le bol, mais aussi la volonté d’ouverture et de transparence sur leurs pratiques.

Marc Hossart, président des Jeunes Agriculteurs de la Somme
«Attention aux combats contre-productifs !»

Le projet 1 000 ou 500 vaches est forcement sujet de débat, y compris dans nos rangs. On peut être d’accord pour des questions techniques, ne serait-ce que les formes associatives représentent une partie des solutions pour l’élevage, ou contre pour des questions de gouvernance. Mais qu’on soit pour ou contre, dans le Ponthieu et le Vimeu, à savoir le cœur de la zone d’élevage, chaque éleveur a été meurtri par la dernière campagne d’affichage. Ceux qui se sont exprimés ont montré un mal être, et ce ras le bol général en décourage plus d’un. Chaque année, les arrêts de productions représentant l’équivalent de 2000 vaches sur le département. Quant aux jeunes installés, ils n’ont été que 7 à faire le choix de l’élevage en 2012. Le message porté par les éleveurs et le syndicalisme, c’est qu’il faut toujours être prudent dans ses communications. A vouloir combattre un projet, la surenchère médiatique en dessert de dizaines et le risque est réel de faire massivement disparaître les élevages. Et là, le mal sera beaucoup plus grand, car il n’y aura plus la diversité agricole environnementale et humaine liée à l’élevage. S’il n’y a qu’un point avec lequel je suis d’accord avec le professeur Belpomme, c’est que le système polyculture-élevage a de l’avenir. Encore faut-il qu’il y ait des éleveurs…

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