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ONG : mission de l'Afdi des Hauts-de-France en Guinée

Lancée il y a plus de vingt ans, la mission de l’Afdi Hauts-de-France en Guinée a abouti au développement de la culture de la pomme de terre dans la région du Fouta Djallon.

Ce sont les femmes du Fouta Djallon qui ont pris en main le développement de la culture de pommes de terre.
Ce sont les femmes du Fouta Djallon qui ont pris en main le développement de la culture de pommes de terre.
© Afdi Hauts-de-France


La pomme de terre, les paysans du Fouta Djallon y croyaient dans les hauts plateaux de leur région, où les grands fleuves africains prennent leur source. Ils avaient tout pour réussir : des terres riches, de l’eau à foison, leur courage, et un homme visionnaire, Para Moussa Diallo, souhaitant, avec l’aide d’un coopérant alsacien, Jean Vogel, structurer les paysans en coopérative pour défendre leurs intérêts.
Ne manquait à leur projet qu’un élément de taille : la semence. Un autre coopérateur, cette fois-ci du Boulonnais, apportera la solution en mettant en contact, dans les années 1990, Para Moussa Diallo avec la Sica Plants du Cap Gris Nez (HZPC France aujourd’hui), présidée alors par Jacques Delattre, producteur de plants de pommes de terre, et délégué de l’Afdi Nord-Pas-de-Calais. Les échanges sont instaurés, sans garantie aucune de paiement, mais sur la parole d’honneur de chacun et une confiance réciproque.
Vingt-huit ans plus tard, après des années d’échanges et de partenariats avec l’Afdi Nord-Pas-de-Calais et la Sica, le Fouta Djallon est devenu une des meilleures régions de production de pommes de terre de l’Ouest de l’Afrique, (15 000 tonnes produites par an, dont un tiers exporté dans les pays voisins), à l’organisation exemplaire avec sa coopérative, la Fédération des paysans du Fouta Djallon (FPFD). Celle-ci regroupe 22 000 agriculteurs, dont 19 000 agricultrices, et apporte autant un soutien technique, administratif, commercial qu’un service d’alphabétisation et de santé, «soit un rôle que jouaient les coopératives chez nous dans les années 1940 et après la guerre», commente Jacques Delattre.

La prospérité de la «Belle de Guinée»
Tout commence avec l’envoi de 400 à 500 kg de semences de sept variétés par la Sica Plants du Cap Gris Nez. C’est la Nicola qui s’adapte le mieux aux terres du Fouta Djallon. Quinze tonnes de semences de cette variété sont envoyées l’année suivante. Aujourd’hui, ce sont 700 tonnes de plants par an qui font le trajet entre le Pas-de-Calais et la Guinée. Pour aller plus loin dans le développement économique et social de cette région, Jacques Delattre propose que l’Afdi Nord-Pas-de-Calais prenne en charge le développement technique et la formation des agriculteurs du Fouta Djallon, et apporte aussi son expertise.
Le projet est lancé. Une première invitation est lancée au président de la FPFD pour déterminer les besoins. Un cycle d’échanges est mis en place. Une dizaine de Guinéens, surtout des techniciens, viennent tous les ans dans le Pas-de-Calais pour parfaire leur formation. D’autres formations leur sont aussi délivrées sur l’irrigation et l’approvisionnement. Tous sont accueillis par les paysans du coin. «Au fur et à mesure de leurs besoins, on faisait le point, puis on allait chez eux pour répondre à leurs demandes techniques, économiques et médicales», raconte Jacques Delattre.
En parallèle, celui-ci met en place «un cercle vertueux» de fournisseurs pour les aider : l’approvisionnement et le transport des semences sont assurés par la coopérative calaisienne, le soutien financier par le Crédit agricole, la formation par l’Ecole d’agriculture de Savy-Berlette, et la prise en charge de la petite mécanisation dans les champs par la société Jams, à Lestrem. «En mettant en place ce cercle, on pouvait répondre à chacun de leurs besoins», dit-il.
Comme la production de pommes de terre dans le Fouta Djallon ne cesse d’augmenter, les bâtiments de stockage se révèlent très vite exigus et peu adaptés pour la conservation des pommes de terre sur une durée plus longue en raison de variations importantes de température entre le jour et la nuit. Un inventaire des besoins est réalisé. Il faut un bâtiment de stockage réfrigéré pouvant accueillir jusqu’à 1 500 t de pommes de terre partant dans les quinze jours, ainsi qu’un autre bâtiment pour conserver les lots vendus plus tard, les plants et les petites pommes de terre arrachées dans les champs pouvant servir de plants. A charge pour les Guinéens de trouver le financement.
Celui-ci viendra de la Banque mondiale, qui projette alors de financer une plateforme de production de pommes de terre et une autre de mangues en Afrique. Le Fouta Djallon remporte la mise pour la plateforme de pommes de terre avec sa «Belle de Guinée», mais la Banque mondiale modifie quelque peu le projet initial proposé. Un bâtiment réfrigéré pouvant accueillir 1 500 t de pommes de terre est construit pour stocker le frais, ainsi qu’un petit bâtiment «sanctuaire» pour stocker les plants, mais sans la double isolation proposée par les Français. Des techniciens guinéens sont envoyés dans le Pas-de-Calais pour suivre des formations sur la gestion des réfrigérateurs, les chariots élévateurs, la gestion des stocks, etc.
Jacques Delattre demande à la Banque mondiale de financer l’achat d’un chariot élévateur et des caisses de stockage. Le chariot élévateur envoyé n’étant pas approprié, il reprend son bâton de pèlerin pour trouver celui qui conviendra. Il lui faudra trois ans pour y mettre la main dessus. Celui-ci est arrivé le 7 avril dernier au port de Conakry. Mission accomplie, et d’autant que «la prospérité de cette région a désormais chassé la misère grâce aux paysans et à la pomme de terre», dit-il. Aujourd’hui, l’Afdi continue à œuvrer en assurant une mission de conseil agricole, ainsi qu’une action d’installation des jeunes en agriculture. Mais «il y a encore un sujet qu’on n’a pas abordé avec l’Afdi, c’est la mécanisation de la récolte. Ils n’y échapperont pas. Il faut trouver des moyens pour les aider à s’équiper de matériels fiables et récents», dit Jacques Delattre. Une mission en appelle toujours une autre…


Jeunes agriculteurs
guinéens du Fouta Djallon

Mamadou Ba
. Après des études universitaires en mathématiques et économie, faute de trouver un emploi, et à la demande de son père malade, Mamadou est revenu au village pour reprendre l’exploitation agricole de son père. Il a démarché la FPFD (Fédération des paysans du Fouta Djallon) pour intégrer un groupement et devenir bénéficiaire du crédit semences et intrants.
La FPFD lui a ensuite proposé d’intégrer le programme d’appui à l’installation des jeunes, en 2009. Ce programme, à travers un prêt financier, lui a permis d’acquérir du matériel pour mettre en valeur des surfaces plus grandes en zone de plaine et en saison sèche. Jusqu’à présent, il ne cultivait qu’un hectare en saison sèche. Grâce au matériel d’irrigation, il a pu passer à cinq hectares dès la première année.
«Au début, j’avais peur, car je n’avais jamais cultivé plus d’un hectare en saison sèche. Je craignais de ne pas réussir. Mais, avec les conseils techniques de la FPFD, je me suis lancé, et ça a marché !», dit-il. Aujourd’hui, Mamadou cultive au total 40 ha en saison des pluies (notamment maïs, riz, haricot, pomme de terre). En saison sèche, il met désormais en valeur jusqu’à 13 ha en pommes de terre.
Il bénéficie de l’appui du conseiller de la FPFD, qui anime le groupe de dix jeunes installés par la FPFD. Généralement, lors des réunions de groupes, ils comparent leurs résultats, échangent autour de leurs itinéraires techniques, discutent autour des problèmes rencontrés et des solutions possibles. Il participe également au dispositif de conseil de gestion de la FPFD. Il enregistre ainsi toutes les données de la culture pour la pomme de terre et ses autres cultures principales.
Parmi les freins au développement de son exploitation, il relève l’accès à la main-d’œuvre, aux capitaux et à la commercialisation en saison des pluies. Avec trois autres agriculteurs, il a investi dans l’achat d’un tracteur géré de manière collective. Mais un seul tracteur pour l’ensemble de leurs surfaces n’est pas suffisant. Ainsi, pour le labour, par exemple, il est obligé d’avoir recours à de la prestation de service. Ils auraient besoin d’investir dans d’autres matériels, mais les capitaux manquent. Autre difficulté : la commercialisation des pommes de terre en saison des pluies. La FPFD n’intervient pas dans la régulation de ce marché en saison des pluies. Il y a souvent de la surproduction et c’est difficile d’écouler les stocks à bon prix. De plus, le stockage est quasiment impossible à cette période de l’année, l’humidité est trop forte et les pommes de terre pourrissent rapidement. Il a donc beaucoup de pertes à ce moment-là.

Boubacar Diallo. Ce jeune agriculteur n’a pas eu la chance d’aller à l’école. Maçon de formation, il a repris l’exploitation de ses parents qui travaillaient deux hectares dans un bas-fond. La FPFD lui a proposé d’intégrer son programme d’ «appui à l’installation des jeunes en agriculture» et d’étendre ses surfaces en plaine.
En 2014, Boubacar a eu l’opportunité d’aller en France dans le cadre du partenariat entre la FPFD et l’Afdi Nord-Pas-de-Calais. De son séjour, il est revenu avec de l’ambition et la volonté de développer son exploitation. «Lors de mon séjour en France, j’ai compris que j’étais un peu faible. J’ai décidé de me prendre en main et d’augmenter mes productions. En France, j’ai vu des exploitations d’une centaine d’hectares qui réussissent. Ça m’a donné du courage pour faire plus, augmenter mes surfaces et travailler plus», raconte-t-il.
Actuellement, Boubacar exploite 50 ha, dont 2 ha en bas-fond et 23 ha irrigables en plaine. Il cultive la pomme de terre, le maïs, l’arachide, etc. Cette année, il s’est aussi lancé dans la culture de tomates, d’aubergines et de choux. Avec trois autres agriculteurs, il a investi dans l’achat d’un tracteur géré de manière collective. Mais un seul tracteur pour l’ensemble de leurs surfaces n’est pas suffisant. Ainsi, pour le labour, par exemple, il est obligé d’avoir recours à de la prestation de service. De ce fait, il a investi dans un autre tracteur, mais il est en panne actuellement. D’une manière générale, il aurait besoin d’investir dans d’autres matériels, mais les capitaux manquent.
Son ambition est de mettre une culture sur le marché chaque mois pour avoir un revenu régulier. Il bénéficie des conseils des techniciens de la FPFD, mais sa stratégie de développement doit encore être approfondie. L’année dernière, il a planté plusieurs hectares de pommes de terre en saison des pluies. Les pluies ont été particulièrement abondantes et la majorité de sa récolte a pourri avant la commercialisation.

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