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Ovins : les agneaux pré-salés font-ils toujours autant saliver ?

La commercialisation des agneaux AOP des prés-salés de la Baie de Somme a débuté le 12 juin. Des conditions d’élevage optimales, une viande toujours aussi excellente, et pourtant, les acheteurs ne se bousculent pas.

1 929 agneaux, pour un total de 41,5 t de viande, ont été dégustés l’année dernière. Mais ce début de saison, le client ne se bouscule pas au portillon.
1 929 agneaux, pour un total de 41,5 t de viande, ont été dégustés l’année dernière. Mais ce début de saison, le client ne se bouscule pas au portillon.
© A. P.



Ce jeudi matin, comme tous les jours, depuis que son troupeau est sorti de l’étable pour pâturer, le 27 mars, Bertrand Moitrel surveille ses brebis et agneaux en Baie de Somme. Avec un taux de mortalité de 15 %, contre 8 à 10 % en élevage classique, la surveillance des agneaux produits en AOP (Appellation d’origine protégée) est une lourde tâche.
Il faut dire que les conditions de vie dans la baie sont difficiles. «Le troupeau se déplace toute la journée. Chaque mouton parcourt entre 8 et 10 km par jour. Ils restent dehors 24h sur 24, et sont parqués dans un enclos clôturé la nuit», précise l’éleveur, président de l’association AOP prés-salés de la Baie de Somme, qui regroupe aujourd’hui dix éleveurs pour trois mille six cents brebis. Le troupeau est en fait mené en zone de repli lors des grandes marées, quand le coefficient dépasse 102, soit environ une fois tous les quinze jours.
Mais cette année, le climat sec est idéal. «Un mouton n’aime pas la pluie ! Elle favorise le développement de maladies, comme la bronchite.» Et la puccinelle, cette superbe pelouse typique du milieu dont les moutons raffolent, trouve toujours l’eau nécessaire à sa pousse dans le sol.
Ajoutez à ces conditions particulières un cahier des charges très strict à respecter. Sept races sont autorisées (Suffolk, Hampshire, Roussin, Ile de France, Rouge de l’Ouest, Boulonnais et Vendéen). Les agneaux, de moins de douze mois, doivent avoir cent trente-cinq jours de vie au minimum, avec soixante-quinze jours de pâturage en baie. La finition en bergerie ne peut alors pas dépasser quarante-deux jours, et l’alimentation est aussi contrôlée : les concentrés sont transformés à partir des cultures des éleveurs qui sont en zone AOP.
L’agneau doit peser au moins 16 kg, avec une conformation présentant «un profil rectiligne à subconcave» et «un développement musculaire moyen à important», (classement U, R et O de la grille Europ), un état d’engraissement «ciré à légèrement couvert», avec un classement 2 ou 3 de la grille Europ, un gras externe et interne ferme et de couleur blanc à blanc crème. Des critères vérifiés sur chaque carcasse après l’abattoir par Certipac (pour le respect du cahier des charges) et pas l’ODG (pour la qualité). L’Inao (Institut national de l’origine et de la qualité), lui, effectue un contrôle des troupeaux tous les cinq ans.

«La meilleure viande que l’on puisse trouver»
Ces règles, encore plus strictes que celles imposées aux agneaux AOP des prés-salés de la Baie du Mont- Saint-Michel, font néanmoins de cette viande d’agneau «la meilleure que l’on puisse trouver», assure Sébastien Martyniuk, chef cuisinier du Relais Guillaume de Normandy, hôtel 2* et restaurant de Saint-Valéry-sur-Somme. De couleur très rouge, elle offre à la cuisson une jutosité élevée et soutenue tout au long de la mastication, ainsi que des arômes intenses et persistants en bouche… Un régal. 1 929 agneaux, pour un total de 41,5 t de viande, ont été dégustés l’année dernière.
Mais ce début de saison, le client ne se bouscule pas au portillon. Si bien que la société Lagache, distributeur grossiste de Friaucourt, l’un des deux négoces à commercialiser les agneaux, a du mal à les vendre. «Sur les cinquante agneaux tués la semaine dernière, il m’en reste trente-cinq au frigo, pour qui je n’ai pas encore de client», assure Maurice Soufflet, négociant de la société. La raison ? La consommation de viande en général a tendance à diminuer, et celle d’agneau encore plus. Eric Van Oost, gérant de la conserverie Saint-Christophe, à Argoules, fait le même constat. «Il reste encore beaucoup de terrines d’agneaux en stock. La conjoncture difficile ne favorise pas la vente de ces produits de qualité.»
La solution résiderait peut-être dans l’extension de la zone de vente ? Car elle se fait presque uniquement dans les restaurants et boucheries des Hauts-de-France et à 75 % en Baie de Somme. Seulement, la vente aux boucheries parisiennes, prêtes à payer le prix fort pour un produit de qualité, reste un sujet sensible : «Les agneaux samariens sont trop gros. Ils pèsent 21 kg en moyenne, alors que pour les acheteurs parisiens, le poids idéal est de 16 kg», se désole Maurice Soufflet. Mais difficile d’entrer dans ces clous avec un tel cahier des charges. Alors les acteurs de la filière misent sur la communication : flyers, dégustations au Sia, fête du mouton, organisée cette année le 14 septembre… «Plus on en parle, plus on vendra.»
Pour les éleveurs, l’appellation AOP obtenue en 2006 reste cependant une bonne chose. «Elle a permis de préserver l’activité d’élevage, car, sans cela, l’administration (Etat et communes, ndlr) nous aurait sûrement retiré les terres», assure Bertrand Moitrel. Et même si les coûts de contrôle sont très élevés (0,45 € par carcasse), l’AOP assure aussi un revenu supérieur à l’éleveur : 10 €/kg contre 6,50 € kg pour un agneau standard. Ne reste plus qu’à vendre…

La Région met le paquet sur les Siqo

Des agneaux AOP des prés-salés, mais aussi du Maroilles, du calvados, des endives de pleine terre ou encore de la poularde fermière. Les Hauts-de-France sont une région riche en produits sous Siqo (signe officiel de qualité). Elle en compte quarante-six exactement, soit 7 % des exploitations régionales, en produits carnés et œufs, produits laitiers, de la boulangerie, de la mer et fruits et légumes. Ils sont estampillés Label rouge, AOP (Appellation d’origine protégée), IGP (Indication géographique protégée) et STG (Spécialité traditionnelle garantie). A cela s’ajoutent tous les produits issus de l’agriculture biologique.

Et la Région compte bien valoriser et booster ces produits. Un observatoire a été créé en mars 2019 pour cela. Les chiffres doivent être mis à jour tous les deux ans. «Nous avons dressé le bilan économique des produits sous Siqo en région. La suite de l’étude portera sur la durabilité des filières, en soulevant l’impact social et territorial», explique Cathy Gautier, directrice du Groupement régional pour la qualité alimentaire.

Les Siqo à la cantine
L’accent est aussi mis sur la promotion de ces produits. «Un stand était mis à disposition au Sia. Des guides et prospectus ont été édités, comme le guide des produits régionaux, le magazine «Parlons saison», distribué à vingt-cinq mille exemplaires dans les lieux culturels. Le site “Goûtez la qualité“ est également dédié aux Siqo“.» La restauration collective est aussi visée. Par exemple, cent  quarante lycées de la région participeront à l‘opération «Je mange local au lycée» à la rentrée, avec un objectif de 70 % de produits locaux au menu. «La prise en charge de la Région se fait à hauteur de 20 % du prix pour un produit non Siqo, et de 40 % s’il est sous Siqo.»
Prochainement, le miel de tilleul de Picardie, la carotte de Tilques et le haricot de Soissons devraient venir compléter la liste d’excellence des produits sous Siqo. Le fruit d’un travail acharné et de longues années de démarches administratives.


Retrouvez l’observation économique des Siqo en Hauts-de-France sur www.qualimentaire.fr

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