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Pascal Cormery : «le plus difficile est de détecter la détresse»

Depuis quelques années, et son action a été renforcée récemment, la MSA a mis en place des dispositifs pour accompagner les agriculteurs victimes de mal-être. La crise sanitaire est-elle un facteur aggravant ? Le point avec Pascal Cormery, président de la MSA.

Pascal Cormery, président de la MSA.
Pascal Cormery, président de la MSA.
© Franck Beloncle, CCMSA

De nombreux agriculteurs sont confrontés à un certain mal-être. Comment l’expliquez-vous ?
Bien avant la crise sanitaire, le mal-être agricole, sans parler de suicide, est un sujet suivi et traité par la MSA. Ce sentiment de malaise, de ressenti négatif a des origines très variées. Il peut être lié à des difficultés financières de l’exploitation, qu’il s’agisse de charges trop lourdes ou de prix trop bas, à des causes professionnelles en lien avec le stress du travail à réaliser ou le harcèlement dont sont victimes les agriculteurs par rapport aux attentes sociétales en matière de traitements phytosanitaires ou de bien-être animal. Des situations de ce type sont d’ailleurs plus fréquentes chez les éleveurs laitiers et les producteurs de viande bovine. Il peut y avoir aussi des causes à caractère privé, célibat ou divorce par exemple, qui s’ajoutent à des problèmes professionnels ou simplement médicaux. D’une façon générale, les causes du malaise se cumulent et sont généralement multifactorielles.

Quelles actions la MSA a-t-elle mis en place pour accompagner et prévenir ces situations de détresse ?
Depuis 2011, le plan national MSA de prévention du suicide propose deux dispositifs pour les adhérents et affiliés en situation de mal-être, en dépression nerveuse, voire avec des idées suicidaires. Il s’agit de la cellule Agri’écoute au 69 69 30 29 19 qui a été renforcée, il y a dix-huit mois, et derrière laquelle se trouvent non pas des bénévoles mais des professionnels, psycho-logues et cliniciens. Et dans chaque MSA des cellules pluridisciplinaires de prévention au mal-être et au suicide ont été mises en place. Elles analysent les situations qui leur sont signalées et accompagnent les adhérents vers les services MSA adéquats et/ou vers des soins médicaux. Depuis 2013, un réseau Sentinelle s’est constitué à l’initiative du réseau MSA avec l’appui des organisations professionnelles agricoles. L’idée est de mobiliser techniciens et conseillers des chambres d’agriculture, des coopératives, des banques pour qu’ils signalent les cas de malaise pour amorcer les procédures d’accompagnement. Nous avons créé aussi un dispositif d’aide au répit depuis 2017, pour permettre aux exploitants qui se trouvent en épuisement professionnel de bénéficier d’un temps de répit hors de l’exploitation, en finançant également un service de remplacement pour les travaux sur l’exploitation. Le mal-être au travail est aussi traité et accompagné par les services santé sécurité au travail à travers les ac-tions ESOPT (Et si on parlait travail). Mais je dois reconnaître que les agriculteurs ont du mal à évoquer ce sujet, même les plus jeunes. La plus grande difficulté que nous avons est de détecter ces situations de détresse. Les agriculteurs ont une certaine pudeur à parler de leurs difficultés. Ils ont tendance à se replier sur eux-mêmes et rechignent d’être aidés. Une fois que cet obstacle est franchi, les dispositifs d’accompagnement sont plus faciles à mettre en œuvre.

La crise du coronavirus aggrave-t-elle ce sentiment de malaise ?
C’est difficile à dire aujourd’hui. A priori, les agriculteurs qui travaillent seuls sur leur exploitation sont moins exposés au virus. En revanche, ceux qui connaissent des grosses difficultés financières faute de débouchés, les horticulteurs et pépiniéristes, ou les producteurs de lait de fromages AOP ou fermiers par exemple, peuvent souffrir. Souvent, les difficultés n’apparaissent pas dans l’immédiat, mais sur le moyen et long terme. Nous ne pourrons mesurer l’effet de la crise sanitaire sur le malaise agricole que plus tard.

Quelles mesures avez-vous prises sur le plan économique pour accompagner les agriculteurs confrontés à la crise ?
Comme pour les autres secteurs d’activité, nous appliquons les mesures de report des coti-sations sociales, décidées par le Gouvernement. Les employeurs de main-d’œuvre, je pense aux maraîchers, aux horticulteurs et pépiniéristes, comme d’ailleurs les exploitants individuels, peuvent ajourner temporairement leurs cotisations ou n’en payer qu’une partie. Leur situation sera examinée ultérieurement pour savoir dans quelle mesure ils peuvent bénéficier soit d’un échelonnement dans le temps, soit d’une prise en charge par le fonds de 30 millions d’euros prévu à cet effet à la MSA. Ou dans le cadre d’une enveloppe supplémentaire si elle nous est accordée par les pouvoirs publics. J’invite les entreprises des secteurs particulièrement frappés par la crise à se rapprocher de leur caisse MSA pour examiner leur situation concrète, au cas par cas.

Avez-vous mis en place des mesures de sécurité sanitaire pour les agriculteurs et les em-ployeurs de main-d’œuvre ?
Effectivement, nous avons publié sur notre site msa.fr/employeur/Coronavirus-consignes une série de fiches sur les aspects santé et sécurité au travail pour accompagner les exploitants agricoles et les salariés et leur permettre de travailler en se protégeant et en protégeant leur entourage. L’une détaille les gestes barrières à adopter, une autre l’organisation du travail pour limiter les transports collectifs par exemple, une autre encore la gestion de l’espace pour éviter la promiscuité des salariés. En marge de ces fiches généralistes, la MSA a également publié des fiches conseils spécifiques par filière sur les précautions à prendre : une douzaine sont disponibles à ce jour.

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