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Sécheresse
Pour Serge Zaka, «2022 est une année noire pour l’agriculture»

Agroclimatologue chez ITK, une entreprise française spécialisée en agriculture de précision qui propose des solutions pour évaluer l'impact du climat sur l'agriculture, Serge Zaka est très présent sur les réseaux sociaux afin de sensibiliser tout un chacun aux effets du changement climatique. Il nous livre son analyse sur l’actuelle période de sécheresse.

Pour Serge Zaka, de nouvelles cultures pourraient venir se compléter et pourquoi pas se substituer à des cultures plus traditionnelles car moins gourmandes en eau, tout aussi adaptées au sol et tout aussi rentables, mais il ne suffit pas que les cultiver...
© Pixabay

Comment analysez-vous la très chaude période que l’on traverse depuis quelques semaines ?

En termes d’impacts, l’année de référence qui est 1976 a été dépassée. Les indices hydriques sont très faibles, en-dessous cette année-là, à des niveaux jamais observés jusqu’à présent. Je pense que 2022 battra malheureusement des records absolus. La longévité de la sécheresse conjuguée aux fortes chaleurs impactent considérablement toutes les cultures, à l’exception toutefois du colza qui a pu échapper à ce phénomène, grâce à des conditions relativement favorables. Les producteurs de pois devraient perdre 20 % de leur récolte, les récoltes d’orges de printemps devraient reculer de 12 %, le blé de 4%. Encore faut-il préciser que ces chiffres sont des moyennes et qu’il existe de grandes disparités régionales et locales. En Bourgogne Franche-Comté par exemple, il faut s’attendre à une récolte de blé en chute de 15 à 25 % selon les endroits. D’autres productions sont en grande souffrance comme le maïs ainsi que les fruits et légumes. Les températures sont trop élevées. Le stress thermique s’ajoute au stress hydrique et l’on constate un avortement des grains et des problèmes de pollinisation. Ces phénomènes de stress sont longs et intenses pour toutes les plantes.

Faut-il craindre pour le fourrage ?

Bien entendu. Au 20 juillet, les estimations portaient sur un recul d’environ 21 %. Mais à l’heure où je vous parle (6 août ndlr), nous serions plus proche de 30 %. Beaucoup d’éleveurs ont d’ores et déjà attaqué dans leurs stocks d’hiver et l’on sent monter un phénomène de décapitalisation, de vente de cheptel. Faute de pouvoir les nourrir au prix sans doute fort, les éleveurs préfèrent vendre et tenter de sauver ce qui peut l’être. C’est d’ailleurs l’un des gros points noirs. Aux problèmes liés à l’alimentation animale s’ajoute aussi celui de la fertilité des vaches sur le moyen et le long terme. Ce qui laisse présager une baisse assez importante de la quantité de lait dans les prochains mois.

Faut-il s’attendre à une amélioration dans les prochains jours ?

Non, je n’ai pas de bonnes nouvelles. Une quatrième vague de canicule va toucher la façade atlantique le Sud-Ouest de la France à partir du 10 août pour une période d’environ cinq jours, avec de surcroît un vent d’est qui va accentuer l’assèchement des cultures et des sols. On commence d’ailleurs à constater le phénomène sur les vignes, une plante réputée résistante au stress hydrique. Mais elle aussi commence à atteindre ses limites. Dans certaines régions, les viticulteurs remarquent que les feuilles et les grappes commencent à se dessécher, ce qui caractérise un début de stress hydrique. Il faudra sans doute attendre fin août pour avoir une meilleure idée de l’ampleur du phénomène. D’une manière globale, à quelques rares exceptions, on peut dire que l’année 2022 est une année noire pour l’agriculture.

Les causes de ce dérèglement sont-elles connues ?

Le changement climatique est une accentuation du cycle de l’eau dans des proportions parfois exacerbées. L’an dernier en 2021, l’été avait été très humide. Cette année, il est extraordinairement sec. Le phénomène d’assèchement en été se mesure avec des précipitations en moyenne inférieure de 20 à 40 mm et le phénomène d’humidité en hiver résulte de précipitations supérieures de 20 à 40 mm. Nous avons aussi constaté à ITK que les surfaces en sécheresse augmentaient régulièrement depuis 1959. A cette date, nous étions à environ 5 % de surfaces en sécheresse. En 2020, nous étions à 12 %, soit plus du double. Cela représente des dizaines voire des centaines de milliers d’ha plus secs chaque année. Rien que pour le Languedoc Roussillon, ces surfaces sèches ont été multipliées par an en 60 ans. Tous ces éléments m’amènent à penser qu’il est plus que jamais nécessaire d’apprendre à mieux gérer les stocks. Cela étant, bien que la situation soit très compliquée, le système de traitement et d’adduction des eaux est devenu plus efficace. De même, l’amélioration de la génétique des plantes nous permet d’être plus résilients qu’en 1976 et même en 1921, date à laquelle une grande sécheresse avait apporté famine et désolation dans certaines parties de l’Europe. Ce sont ces progrès techniques qui nous permettent aujourd’hui de mieux faire face, même si la situation générale reste préoccupante.

L’adaptation de l’agriculture passera-t-elle par celle des plantes ?

La biogéographie est très intéressante pour connaître nos futurs paysages mais aussi nos futures productions agricoles et l’économie qui en découle. Il est certain par exemple que de nombreuses essences d’arbres commencent naturellement leur migration vers le nord, à l’image du chêne vert méditerranéen. Il commence à l’implanter vers Carcassonne et nous pourrions le voir en 2050 dans les régions de Toulouse, Bordeaux et Lyon. De nouvelles cultures comme le mil ou la pistache pourraient venir se compléter et pourquoi pas se substituer à des cultures plus traditionnelles car moins gourmandes en eau, tout aussi adaptées au sol et tout aussi rentables. Mais il ne suffit pas que les cultiver. Encore faut-il avoir des débouchés, des consommateurs, des filières, des circuits de vente derrière. Ce rôle de structuration appartient à l’État.

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