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Sébastien Porquet : la baie de Somme dans l’assiette

Le Gault et Millau a décerné, le 21 mars dernier, une deuxième toque au chef de La Table des Corderies, à Saint-Valéry-sur-Somme, ainsi que le titre «Grand de demain».

© AAP


«Attention, mon gars, le poisson, on ne le jette pas. Traite-le délicatement, comme si c’était tes parents», dit Sébastien à son jeune stagiaire. Il est plus de midi ce jour-là. Sébastien Porquet , Benoît Varlet, son second, et Olivier Gignon, son chef de partie, s’affairent dans la petite cuisine de La Table des Corderies, perché sur les hauteurs de Saint-Valéry-sur-Somme. Dans un incessant ballet entre le frigo, les feux de cuisine et les assiettes à dresser, les trois cuisiniers enchaînent les gestes et les échanges. «Chef, je peux lancer le bar ?», interroge Benoît. «Fonce !», dit Sébastien, tout en répondant à nos questions et en tranchant un foie gras qu’il vient de rentrer.
Fonce, c’est ce que fait ce jeune trentenaire depuis toujours, avec un appétit de vie que rien ne semble altérer. «Certains me considèrent comme un peu loufoque, toujours en train d’enchaîner un projet sur l’autre. Et alors ? J’ai une vie de malade, parce que je suis toujours à la recherche d’un truc que les autres n’ont pas. Ma plus grande joie ? Quand vous venez manger chez nous, au travers des plats servis, vous avez rencontré une cinquantaine de producteurs», rétorque-t-il.
Là est la clé de son succès : 99,9 % des produits servis proviennent des exploitations agricoles locales. Mais ne le traitez pas de locavore, sous peine de vous faire rembarrer. «Beaucoup s’affichent locavores alors qu’ils ne travaillent qu’avec cinq ou six producteurs locaux. Ce n’est que du marketing. Moi, je fais. Nous avons la chance d’être dans une région où la terre est riche et les productions variées. Mon rôle consiste à les mettre en valeur. De toute façon, sans eux, nous ne sommes rien. Et, chacun en cuisine apporte son idée, et c’est notre travail à nous tous, qui fait la réussite», explique-t-il.

Un parcours atypique
C’est pour cela qu’il est venu avec une partie de son équipe à l’hôtel Westminster du Touquet pour recevoir les distinctions décernées par le célèbre guide gastronomique, à l’occasion de l’étape régionale du «Gault et Millau tour», le lundi 21 mars. «Ce n’est pas qu’une histoire personnelle», insiste Sébastien. Certes, mais son parcours atypique, sa façon d’entraîner les autres dans son sillage et sa foi inébranlable dans le chemin qu’il s’est tracé y ont participé pour beaucoup.
Devenir cuisinier ? L’enfant de Saint-Valéry n’y pensait même pas. S’il se dirige, après un bac éco, vers un BTS hôtel restauration, c’est parce qu’il a besoin d’un cadre comme au lycée pour ne pas déraper, et parce qu’il sait que dans cette branche, il peut réussir. Ses saisons dans les brasseries du coin pendant les vacances scolaires le lui ont fait comprendre. Son but ? Ouvrir une «usine à fric», comprenez une brasserie.
Un stage côté cuisine, lui fait découvrir le métier. Puis, un autre, dans une cafétéria en bord d’autoroute, lui apprend la gestion des ressources humaines et celle des matières premières. C’est à cet endroit qu’il fait ses premières armes de… gestionnaire, après ses études. Il décide ensuite de partir pour travailler dans une auberge de jeunesse, dans le Pas-de-Calais. Il se donne pour défi, dans un budget restreint, de passer de la cuisine congelée aux produits frais, comme d’organiser des animations pour les jeunes. «J’étais tout seul pour faire cela, mais, en même temps, j’étais motivé, car on nourrit des gosses. C’est notre responsabilité», dit-il.
Bien que le poste le satisfasse pleinement, il décide de le quitter après sa rencontre avec le gérant et propriétaire de l’hôtel des Corderies, en cours de création en 2009, à Saint-Valéry. Outre un retour aux sources, l’idée de relever un nouveau défi le tente. Mais les débuts sont difficiles, car il est tout seul en cuisine et l’hôtel-restaurant peine à trouver ses marques. Tout change en 2013 avec l’arrivée d’un second en cuisine, et d’un reportage vu à la télévision, sur des chefs étoilés travaillant avec des producteurs locaux.

Un nouveau départ
Pourquoi ne pas en faire autant ? Son patron le suit. S’appuyant sur ses connaissances, il commence à faire la tournée des producteurs. Mais ces derniers sont réticents, les restaurateurs ayant la réputation d’être de mauvais payeurs, peu fidèles et toujours en train de tirer les prix vers le bas. Sa gouaille, sa ténacité, comme la proposition qu’il leur fait, soit de payer le prix qu’ils fixeront, finissent par convaincre les producteurs. De trois producteurs, il passe à huit, puis à une dizaine, une vingtaine, une quarantaine, pour atteindre une cinquantaine aujourd’hui.
«C’est là qu’a vraiment commencé ma passion pour la cuisine. Les producteurs m’ont appris des tas de choses sur leurs produits. Leurs histoires nourrissent autant ma carte que les échanges avec nos clients. C’est pour cela que les noms des plats sont associés aux prénoms des producteurs dans notre carte, et chacun a une histoire que l’on raconte à ceux et celles qui viennent manger à notre table. C’est tout un territoire que l’on met dans une assiette», s’enthousiasme-t-il.
Autre point tout aussi important pour lui : la création de liens sociaux. «La plupart des producteurs sont devenus des amis. Tout cela a ramené du lien social, à l’instar de ce qui existait du temps des anciens», confie Sébastien. Et qu’importe si un producteur connaît une mauvaise saison. Sébastien ne lui tournera pas le dos. «Certains partent de rien. Il faut les suivre. D’autres sont un peu perchés. Et alors ? Ils sont tous tellement intéressants», relève Sébastien.

Le goût des autres
Le lien social, il le cultive aussi à travers des initiatives qu’il a mises sur pied avec les Restos du Cœur et des établissements scolaires. La dernière en date ? Préparer un repas gastronomique avec des élèves de Segpa. «Moi, j’ai apporté les idées et les produits, eux, les bras», commente-t-il. Derrière cela, une seule motivation : donner des idées à des gamins en difficulté, et, si possible, susciter des vocations. Il se démène aujourd’hui pour réaliser un brunch géant dans la nature, à Saint-Valéry, afin de mettre en avant les producteurs.
Son prochain défi ? Continuer. C’est pour cela qu’il est toujours en recherche de nouveaux produits, et donc de nouveaux producteurs. «Ce sont les nouveautés qui me stimulent. Aussi me faut-il toujours de nouveaux produits», reconnaît-il. Pour qu’il en soit ainsi, comme pour consolider les échanges avec les producteurs, le restaurant assure depuis cette année le transport des produits locaux. Les autres, leurs histoires et leurs envies font que Sébastien n’est pas près de se reposer sur ses lauriers.

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