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Séparation des activités de vente et de conseil des phytos : c’est acté

Le 24 avril, lors du Conseil des ministres, le gouvernement a présenté la dernière version de l’ordonnance concernant la séparation des activités de conseil et de vente des produits phytosanitaires à compter du 1er janvier 2021.

A partir du 1er janvier 2021, les activités de vente de produits phytosanitaires et de conseil à leur utilisation devront être séparées.
A partir du 1er janvier 2021, les activités de vente de produits phytosanitaires et de conseil à leur utilisation devront être séparées.
© J.-C. Gutner

Si les coopératives avaient encore l’illusion que le gouvernement était à leur écoute sur la question de la séparation du conseil et de la vente des produits phytosanitaires, leurs espoirs ont été douchés. Lors du Conseil des ministres, le 24 avril dernier, le gouvernement a tranché : la séparation de ces deux activités sera effective à compter du 1er janvier 2021. L’ordonnance, présentée ce jour-là par le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a été publiée au Journal officiel dès le lendemain, soit le 25 avril.
La loi et l’ordonnance entendent rendre l’activité de vente de produits phytosanitaires «incompatible avec l’activité de conseil». Les textes envisagent, de surcroît, «d’imposer une séparation capitalistique des structures exerçant ces activités, en assurant l’indépendance des personnes physiques exerçant ces activités, en permettant l’exercice d’un conseil stratégique et indépendant, et en permettant la mise en œuvre effective des certificats d’économie des produits phytosanitaires».Concrètement, à compter du 1er janvier 2021, les activités de vente des produits phytosanitaires et de conseil à leur utilisation devront être séparées. Un délai supplémentaire à cette séparation sera laissé cependant pour les micro-entreprises et celles localisées dans les Outre-mer.
Par ailleurs, les agriculteurs devront faire l’objet d’un conseil stratégique deux fois tous les cinq ans. Des dérogations à l’obligation de conseil stratégique sont prévues pour ceux qui sont engagés dans des démarches reconnues de réduction des produits phytosanitaires, mais pour la totalité des surfaces d’exploitation, ou lorsque des produits de biocontrôle sont utilisés. Enfin, l’ordonnance pérennise le régime d’expérimentation des certificats d’économie des produits phytosanitaires (CEPP), mais fixe, par ailleurs, «des objectifs à atteindre à une date antérieure à 2021». Autrement dit, le gouvernement n’a pas fait évoluer le projet de texte, malgré les échanges répétés avec les coopératives, les syndicats et la FNA (Fédération du négoce agricole).

Concertation inutile ?
Retour en arrière. Dans le cadre de la loi issu des Etats généraux de l’agriculture et de l’alimentation, une ordonnance du gouvernement proposait de séparer capitalistiquement la vente et le conseil des produits phytosanitaires des structures, l’indépendance des personnes physiques exerçant ces activités, et l’exercice d’un conseil stratégique et indépendant. Bien que les parlementaires, sensibilisés entre autres par la FNSEA, se soient mobilisés pour faire évoluer le texte de loi, celui qui était voté au final a été très peu modifié.
Après la présentation d’un premier projet, le 28 septembre 2018, le gouvernement proposait une nouvelle version, validée en interministériel, le 14 novembre. Avec quelques ajouts qui ont fait bondir syndicats et coopératives : la séparation capitalistique entre le conseil annuel et le conseil de saison, l’obligation d’un conseil indépendant pour acheter des produits phytosanitaires, et le maintien du dispositif des CEPP. Autant de nouveautés inacceptables pour la profession agricole, qui a conduit la FNSEA, Coop de France et la FNA à quitter cette réunion de concertation.
Ni les recommandations des organisations, ni la demande de réouverture immédiate de discussion ouverte sur ce projet d’ordonnance, adressée par la FNSEA et les JA au Premier ministre, six jours plus tard, n’ont été  entendues et retenues. Même sensation d’amertume et d’impuissance de la part de tous après la publication de l’ordonnance, le 25 avril dernier.
«Malgré le temps passé à expliquer le rôle central des coopératives dans les filières, à l’interface entre l’agriculteur et les clients, à démontrer la qualité des services agronomiques des coopératives et leur engagement dans la réduction des produits phytopharmaceutiques, aucune réelle évolution de l’ordonnance n’est à noter», relève un communiqué de Coop de France, en date du même jour.
La FNA tire un même bilan amer. Compte tenu qu’«aucune remarque issue des professionnels du secteur n’a permis la moindre inflexion», Antoine Pissier, président de cette fédération, vient à «douter de l’efficacité de la concertation». Ce qui lui fait soulever la  question suivante : «une concertation inutile ?». Pour lui, nul doute, «le gouvernement programme la déstructuration de la distribution, sans s’assurer de la réussite de l’objectif initial». Et de tacler, au passage, la définition «floue» du conseil dans cette ordonnance.

Cataclysme attendu
Cette transition «à marche forcée», ainsi que la qualifie Coop de France, aura des conséquences multiples. Pour la fédération, cette dernière version du texte paraît «inadaptée aux réalités du terrain et manque de pragmatisme, sans compter les délais trop courts accordés pour la mise en œuvre».Le calendrier s’annonce, en effet, serré. Les référentiels, qui donneront les détails pratiques pour la mise en place, seraient attendus «avant la fin de l’année 2019», dit Emilie Rannou, responsable conseil et approvisionnement chez Coop de France Métiers du grain. Ces textes sont essentiels aux entreprises pour mesurer précisément les impacts de la mesure et prendre les décisions en conséquence. La rédaction des référentiels devrait découler de concertations en groupe de travail, réunissant les mêmes participants que lors de la préparation de l’ordonnance : représentants de la distribution agricole, agriculteurs, conseillers indépendants, chambres d’agriculture ou encore ONG.
Si la mesure précise des impacts n’est pas encore définie, ceux-ci seront «profonds sur le secteur coopératif et les agriculteurs», prévoit Coop de France. «A l’heure où la dérégulation des marchés et la mondialisation nous exposent à des défis sans précédent dans nos filières, il serait contre-productif de mettre à mal nos 2 400 coopératives agricoles, forme la plus aboutie d’organisation des producteurs, qui ont tant besoin de conforter leur résilience et leur performance», insiste Dominique Chargé, président de Coop de France.
Ironie du sort, le jour même du Conseil des ministres, l’organisation professionnelle France Chimie relevait une baisse de 10,9 % de la production de produits phytosanitaires en volume l’an dernier, après une hausse de 7,6 % en 2017. Si les conditions climatiques, la baisse des surfaces agricoles semées et le recul du pouvoir d’achat des agriculteurs expliquent en partie cette diminution de la production française des produits phytosanitaires, «les innovations et l’utilisation optimisée des produits de traitement ont aussi réduit la demande», avance France Chimie.

La coopération agricole

Une autre ordonnance sur les coopératives était aussi présentée au Conseil des ministres, le 24 avril dernier. La loi Agriculture et alimentation prévoit de redéfinir les relations entre les sociétés coopératives et leurs associés-coopérateurs. Pour ce faire, le Code rural et de la pêche a été modifié pour conforter l’exemplarité du modèle coopératif, en faisant bénéficier les associés-coopérateurs des avancées de la loi sur plusieurs points :
- la lisibilité des informations des associés-coopérateurs sur leur rémunération et sur la gouvernance de leur coopérative est améliorée ;
- des dispositions prévoyant la possibilité d’engager la responsabilité d’une coopérative, dans le cas où la rémunération des apports des associés-coopérateurs est anormalement basse, sont introduites. Elles sont adaptées aux spécificités du modèle coopératif ;
- les conditions de signature d’un nouveau contrat d’apport entre l’associé-coopérateur et sa coopérative sont revues afin de définir une date de fin d’engagement unique.
Pour assurer la mise en œuvre de ces dispositions, le rôle du Haut conseil de la coopération agricole est renforcé. Il pourra diligenter des contrôles complémentaires. Par ailleurs, afin d’assurer son indépendance, le médiateur de la coopération agricole sera nommé par décret.

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