Lin
Seule filature de lin dans les Hauts-de-France, Safilin jette l’éponge
Implantée à Béthune depuis 2022, l’usine Safilin a cessé son activité fin septembre. Vingt-trois salariés sont concernés. L’entreprise invoque la flambée des coûts de production et un marché textile toujours plus concurrentiel.
Implantée à Béthune depuis 2022, l’usine Safilin a cessé son activité fin septembre. Vingt-trois salariés sont concernés. L’entreprise invoque la flambée des coûts de production et un marché textile toujours plus concurrentiel.

La filature de lin Safilin à Béthune (62) n’aura fonctionné que deux ans. Ouverte en 2022 avec l’ambition de produire 250 tonnes de fil en 2025, cette petite unité a fermé ses portes le 22 septembre. Une page se tourne pour la filière lin des Hauts-de-France, région où cette culture reste pourtant très présente. «Les 23 salariés ont été à la hauteur, c’est un crève-cœur», confiait Adrien Salmon, dirigeant de Safilin, il y a quelques jours, dans la presse locale.
Une histoire enracinée dans le territoire
La filature Safilin est une entreprise familiale née en 1778 à Sailly-sur-la-Lys. Elle a connu son âge d’or au début du XXe siècle avec près de 1 000 salariés répartis sur quatre sites dans le Nord et le Pas-de-Calais. Confrontée à la concurrence internationale, la société a délocalisé sa production en Pologne entre 1995 et 1997. En 2022, Safilin avait fait le pari d’un retour partiel en France avec une implantation à Béthune, avec un atelier de filature.
Un contexte économique devenu intenable
Cette fermeture s’explique, selon la direction, par trois facteurs principaux. La première raison est liée à la production de lin elle-même. L’entreprise évoque des récoltes de fibres «décevantes» et «une flambée des prix». Les trois dernières campagnes de lin n’ayant pas été à la hauteur des attentes, le coût de la matière première a été multiplié par trois en 2024. La seconde raison qui a fait vaciller Safilin est la crise énergétique :
«Pour faire tourner l’usine de Béthune, on dépensait autant d’énergie que pour celle de Milakowo, en Pologne, qui produit dix fois plus», souligne Adrien Salmon. Enfin, Safilin dénonce une concurrence féroce. Et cite en exemple des marques à bas coût comme Shein ou Temu qui «inondent le marché avec des tee-shirts à 2 €.» Les politiques européennes, selon l’entreprise, n’ont pas suffisamment soutenu le made in France.
Une culture qui reste forte dans la région
Si la filature disparaît à Béthune, la culture du lin, elle, demeure un pilier agricole des Hauts-de-France. La région est la deuxième productrice nationale, juste derrière la Normandie. Le teillage – étape qui consiste à séparer la fibre de la tige – continue de s’y pratiquer activement. Désormais, la dernière filature française en activité se trouve en Seine-Maritime, près de Rouen.
Un projet qui portait des espoirs
L’ouverture de l’usine de Béthune avait été présentée comme un symbole fort : un retour industriel dans une région historiquement textile. Le projet reposait sur une production locale et durable, avec des partenariats régionaux pour valoriser les savoir-faire existants et renforcer les circuits courts. Sur son blog, en juin dernier, Safilin expliquait que sa filature «est équipée d’outils de pointe, à la fois robustes et précis, qui permettent un filage respectueux de la fibre (…) L’objectif de cette unité n’est pas de produire en masse, mais de produire juste : du fil de lin français, traçable, durable, à destination de marques et d’artisans exigeants».
Cette fermeture marque un coup d’arrêt à cet élan de relocalisation. La Région Hauts-de-France a d’ores et déjà annoncé vouloir récupérer les subventions accordées à l’entreprise dans le cadre de ce projet. Pour les salariés licenciés, un plan d’accompagnement est en cours. Quant à Safilin, son activité se poursuit en Pologne. L’entreprise assure qu’elle continuera à travailler avec la filière agricole régionale pour l’approvisionnement en lin brut.
La fermeture de Béthune souligne à quel point la filière textile française reste fragile face à la concurrence internationale et aux coûts énergétiques. Un signal d’alerte pour l’ensemble des acteurs agricoles et industriels du territoire.