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Tassements des sols : les premières conclusions du projet Sol-D'Phy

Comment limiter les risques de tassement et optimiser le recours au travail du sol ? Tel est l’objectif du projet Sol-D’Phy. Les premières conclusions ont été présentées lors d’un colloque, organisé, le 11 septembre, à Villequier-Aumont dans l’Aisne.

Le tassement, c’est la résultante entre les pressions exercées sur le sol et la résistance du sol. 
Le tassement, c’est la résultante entre les pressions exercées sur le sol et la résistance du sol. 
© © Hubert Boizard



«Le projet Sol-D’Phy est parti de différents constats, à savoir des chantiers certes de plus en plus performants en termes de technologies, de débit de chantier, mais également  de plus en plus lourds, notamment les arracheuses à betteraves qui peuvent atteindre jusque 65 tonnes à charge», introduit Vincent Tomis, d’Agro-Transfert RT.  Si, «en parallèle, il y a eu d’énormes progrès au niveau des pneumatiques, le revers de la médaille, c’est que ces pneumatiques ont été capables de supporter des poids toujours plus importants, donc qui autorisent des charges par essieu plus élevées. Avec également des pneus larges qui laissent un sol plat derrière le passage des machines, sans ornière, ce qui peut faire oublier les problèmes de tassement un peu plus profonds».
Agro-Transfert a été missionné pour réaliser un diagnostic de ces tassements, en particulier en profondeur, et pour apprécier le risque d’un chantier préalablement à sa mise en œuvre, avant de proposer des solutions afin d’agir de manière préventive ou curative. L’état des lieux dans les Hauts-de-France est le suivant : selon une enquête menée auprès des agriculteurs sur leurs pratiques et leurs observations de terrain, il ressort que 65 % constatent rarement des tassements dans leurs parcelles. Quasiment 50 % des agriculteurs observent rarement ou occasionnellement l’état structural de leur sol. A la question de l’observation un peu plus poussée, 30 % des agriculteurs observent  uniquement l’état de surface avec la présence ou non d’ornières, et 21 % observent le développement des cultures sur la partie aérienne. «Finalement, en cumulant ces deux derniers résultats, 50 % des agriculteurs observent simplement l’état de surface de leur sol et font leurs propres hypothèses sur l’état structural qu’ils ont en dessous», commente Claire Turillon, d’Agro-Transfert RT.
Les tassements profonds sont donc semble-t-il, sous-estimés par certains agriculteurs. «Nous avons réalisé trente-cinq profils de sols dans des situations diversifiées, avec des systèmes spécialisées et betteraviers, d’autres en céréales-betteraves et chez des éleveurs avec du maïs ensilage.» Claire Turillon a présenté des exemples de tassements (en système pommes de terre) apparus après le labour au moment de l’implantation de la culture. Idem en betteraves où ces tassements peuvent avoir des conséquences sur le développement de la culture implantée. «On peut également avoir des tassements liés aux récoltes du précédent. En blé, on retrouve les passages de roues liés à la récolte de pommes de terre précédentes ou encore de betteraves», ajoute-t-elle.

Trois méthodes simplifiées
Les tassements profonds (sous le labour actuel et également dans l’horizon pédologique jamais travaillé par l’agriculteur) sont compris entre 25 et 30 cm, voire même 40 à 50 cm. La sous-estimation du tassement de sols, et sa confirmation par les observations, ont montré l’importance d’élaborer des outils pour les agriculteurs. Les tassements profonds, très problématiques car très durables, ne sont plus accessibles par les outils de travail du sol et la régénération naturelle est très lente à ces niveaux. Donc, nous avons développé trois méthodes simplifiées.
La première est la tige pénétro, qui consiste à évaluer la résistance à la pénétration avec une simple tige avec ou sans manomètre, indiquant l’état de compacité du sol. La deuxième, le mini profil 3D, qui consiste à extraire un bloc de sol avec les fourches à palettes d’un télescopique ou d’un chargeur frontal. La troisième est le test bêche, qui prend en compte l’activité des vers de terre pour aider l’utilisateur à reconnaître les traces de bioturbation (activité des lombrics).
Au-delà des méthodes de constatation de tassement, des recherches ont été menées sur les profils racinaires, le travail du sol, le décompactage, le sous-solage, la régénération,... «Pour étendre l’étude des effets des chantiers, on a adapté l’outil Terranimo, un outil d’évaluation du risque pour le rendre opérationnel dans les conditions du Nord-Bassin-Parisien», précise Claire Turillon
(cf. encadré).

Betteraves et pommes de terre
Des expérimentations ont été menées derrière des arrachages de betteraves et de pommes de terre. «L’augmentation du tonnage à arracher et à transporter, l’évolution des types de chantier de récolte, l’allongement de la durée des campagnes sont autant de facteurs de tassement», présente Rémy Duval, de l’ITB. Charge à la roue, comparaison pneu-chenille, effet de la répétition du nombre de passages de roue, impact d’un sol couvert, conditions d’essais, mesures post récolte avec pénétrométrie et densité apparente par horizon, point sur la culture suivante avec la densité racinaire, observation des rendements… ont fait ressortir des résultats.
Les essais menés sur les intégrales en solo (à Quaëdypre dans le Nord avec une Vervaet Beet-eater 2 essieux et un poids à roue à charge (PRC) de 10 tonnes, à Eth dans le Nord avec une Ropa Tiger
3 essieux et PRC de 10,5 tonnes, et à Berny dans la Somme avec une Grimme Rexor 620 2 essieux et un PRC de 14 t), montrent que plus le poids roue à charge est important, plus il influe sur le tassement. Mais surtout, les cultures suivantes perdent en rendement, même en cas de tassement modéré.
En revanche, dans les essais automotrices et débardeuses (à Villers-le-Sec dans l’Aisne avec une automotrice Moreau Lexxis + benne 7 tonnes de poids de roue à charge, à Estreux dans le Nord avec une petite intégrale Kleine + débardeuse 10 tonnes de PRC, à Iwuy dans le Pas-de-Calais avec un chantier Soyez, décomposé avec débardeuse 10 tonnes de PRC) ont eu lieu et ne montrent pas d’effets rendement.
L’humidité du sol est également un facteur déterminant dans le tassement, en particulier en cas d’arrachages tardifs. Plus le sol est humide, plus le tassement est important. C’est pourquoi Rémy Duval préconise un décompactage qui assurera de meilleurs rendements sur la culture suivante.

Impact sur la qualité des productions
En pommes de terre, dès l’implantation, les risques existent dans l’horizon labouré. «L’effet a été marqué sur le rendement en 2016 lié au printemps très humide, donc plus sensible au tassement. Nous avons noté également une augmentation des difformes et des crevasses sur pommes de terre dans les buttes tassées, commente Michel Martin, d’Arvalis - Institut du végétal. C’est pourquoi il faut éviter la multiplicité des passages sur un sol ameubli, faire attention à la pression de gonflage (moins de 1 bar pour les préparations de printemps) et attendre un bon ressuyage du sol sur 0 à 30 cm.» Une diminution du rendement de 30 % dans les buttes foulées en haute pression de gonflage a été constatée par rapport aux buttes non foulées et de 15 % par rapport aux buttes foulées en basse pression.
En ce qui concerne l’arrachage, «les zones tassées lors de la récolte de pommes de terre peuvent être plus ou moins importantes (par de la surface concernée), et l’être plus ou moins sévèrement (intensité + profondeur du tassement)». Dans cette production aussi, l’impact du tassement créé peut se répercuter sur la culture suivante. Un travail profond adapté (charrue, décompacteur) peut corriger les tassements dans l’horizon «labouré» et sécuriser plus ou moins la productivité selon l’intervenant. «L’accroissement des poids à l’essieu engendre dans le cas des pommes de terre comme pour les betteraves, des risques de tassements profonds et durables.»

Créer une dynamique
Les expérimentations en parcelles agricoles apportent des références précieuses. Elles demeurent indispensables pour étudier et représenter concrètement les principales situations à risques de tassement dans la région. Cependant, elles sont lourdes et coûteuses à mettre en place et à conduire, avec un nombre restreint de chantiers et de contextes pédoclimatiques, et des conditions météo non maîtrisables.
Hubert Boizard, de l’Inra, a mis en avant la qualité du diagnostic réalisé sur les tassements de sols, notamment les tassements de fonds. «Les mesures sont concrètes et les méthodes d’observation fonctionnent. Les agriculteurs peuvent se les approprier facilement. Je vois, là aussi, l’amorce d’outils d’aide à la décision à travers le test et la paramétrisation des systèmes de culture. On voit aujourd’hui qu’il y a une dynamique autour du projet, une forte sensibilisation. On peut dire que c’est un grand pas en avant de façon appliquée.»
Et demain ? «L’enjeu maintenant est de rebâtir un système de culture prenant en compte les contraintes, les tendances que l’on observe actuellement, le capital sol à protéger, autant physique que biologique. Deux choses deviennent majeures : la réduction du travail du sol, mais jusqu’où, telle est la question, et puis la gestion des mauvaises herbes.»

Terranimo® : un outil au service des agriculteurs en Hauts-de-France

Terranimo® est un modèle de simulation en ligne pour le calcul du risque de compactage  par les engins agricoles. Utilisés par les Danois et les Suisses, ce programme a été adapté aux structures des Hauts-de-France par Agro-Transfert RT. En entrant les caractéristiques du matériel (dimension du pneu, charge à la roue, pression du gonflage), celles du sol (texture, teneur en matière organique, densité apparente, humidité du jour de passage de l’engin), Terranimo calcule la surface d’empreinte, la pression au sol et sa propagation dans le sol, le niveau de risque de tassement. «C’est donc un bon outil pour réfléchir l’organisation d’un chantier pour limiter le risque de tassement. Il peut à la fois être une aide à la décision tactique à court terme en estimant la profondeur potentiellement atteinte par un tassement et, à plus long terme, un outil d’aide à la décision stratégique dans le choix de matériels lors d’un renouvellement ou dans la planification des tours de grue (betteraves) ou des dates de semis», dixit Claire Turillon. Avant d’ajouter que Terranimo® est à coupler avec des méthodes d’évaluation de l’humidité du sol.

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