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Fertilisation
Utiliser moins et mieux l’azote plutôt que de s’en passer définitivement

Le risque de pénurie alimentaire dans certaines parties du monde ne plaide pas en faveur d’un renoncement radical à l’utilisation des engrais de synthèse, malgré leurs effets sur le changement climatique. Du côté de l’Inrae, on plaide donc en faveur d’outils et d’une approche qui permettent d’en raisonner l’utilisation.

Pulvérisation d’azote liquide en sortie d’hiver sur une parcelle de colza.
Pulvérisation d’azote liquide en sortie d’hiver sur une parcelle de colza.
© Nadège Petit

«Bien sûr, il faut réduire l’utilisation des engrais azotés, mais cela ne peut pas se faire du jour au lendemain sans risquer de graves conséquences.» Ce message en forme d’alerte, c’est celui de Sylvain Pellerin, directeur de recherche à l’Inrae de Bordeaux-Aquitaine lors de l’assemblée générale d’Agro-Transfert le 2 juin face à ceux qui seraient tentés de s’en passer définitivement ou prônent une agriculture sans engrais de synthèse. Le sujet, explique-t-il en préambule, «n’est pas nouveau», et a fait l’objet de nombreux travaux. Citant les travaux d’un chercheur hollandais (Erisman) de 2008, il rappelle ainsi que «sans engrais de synthèse», «50 % de la population mondiale n’aurait plus à manger». 

 

100 % bio n’est pas une solution 

Dans un contexte inédit de flambée des prix des matières premières, des engrais de synthèse, mais aussi face à un risque de pénurie alimentaire dans certaines parties du monde, Sylvain Pellerin juge donc l’hypothèse «difficile», même s’il admet que des efforts sont à réaliser pour répondre au changement climatique et à l’obligation de réduire les émissions de carbone dans le monde. Ces effets, on les connait : volatilisation ammoniacale, dégradation de la qualité de l’air, dépôt d’azote dans les milieux naturels dus au lessivage…

Pour autant, renoncer complètement à l’utilisation des engrais de synthèse au profit d’une agriculture 100 % bio n’est pas non plus «la» solution, et pour cause :  les changements induits n’auraient en effet rien de «neutre» : «La première conséquence sera sur les assolements, estime en effet Sylvain Pellerin. Que va-t-on faire de toutes les légumineuses que l’on va produire ? Quand on sait que le premier consommateur de ces légumineuses, ce sont les animaux, il faut revoir la place de l’élevage et admettre que les animaux émettent aussi du CH4…». Rien qu’à l’échelle de l’Europe, la production de céréales diminuerait de 16 % tandis que celle des légumineuses augmenterait de 6 % et celle des cultures fourragères de 17 %. À l’échelle mondiale, la production alimentaire (en calories) diminuerait de 34 % due à une baisse des productions végétales (- 58 %) qui s’expliquerait à 77 % par une déficience en azote.

 

Raisonner encore les apports 

Dans l’hypothèse où l’agriculture bio n’occuperait «que» 60 % des arables en opposition à un schéma où elle en occuperait 100 %, «ça peut passer», rapporte M. Pellerin. Mais il y a des conditions : «manger moins et gaspiller moins». À partir de ces projections, plutôt que de jeter un opprobre sur l’utilisation des engrais azotés, Sylvain Pellerin plaide donc pour un effort d’accompagnement pour en réduire la dépendance. Et de reconnaître que ces efforts «ont été faits dans cette région» : «L’effort doit porter sur la manière de raisonner la fertilisation azotée, assure-t-il. La présence de phosphate dans les eaux superficielles a baissé, mais pas celle des nitrates. On a les outils de gestion raisonnée et adaptive depuis plusieurs années, mais on ne les utilise pas suffisamment par rapport aux enjeux environnementaux. Quand on les utilise, on se rend compte que les apports sont souvent trop importants par rapport aux besoins. Il faut rappeler que l’engrais doit seulement servir à couvrir un manque par rapport au besoin de la plante.»  

 

Agro-Transfert, une «machine à innover» toujours en veille

Après deux années de crise sanitaire qui ont bouleversé les habitudes de travail chez Agro-Transfert, les équipes retrouvent peu à peu un fonctionnement «normal». «2020 et 2021 ont été des années compliquées mais, heureusement, on a relancé la machine à innover», indiquait le 2 juin dernier le directeur général d’Agro-Transfert, Jean-Pascal Hopkin. Parmi les sujets du moment : «l’adaptation au réchauffement climatique, la neutralité carbone, la gestion de l’eau, les protéines végétales ou encore l’agriculture de conservation…», a détaillé son directeur. «Il faut sans cesse se renouveler et être attentif parce que ce n’est pas en restant dans notre coin que l’on peut innover.» Centre de transfert d’innovation agricole en Hauts-de-France, Agro-Transfert porte des projets collaboratifs d’innovation concrète, à la demande des acteurs agricoles, qu’ils soient instituts techniques, organisations professionnelles agricoles ou entreprises. Ses travaux sur de nouvelles méthodes de production ont vocation à être diffusés pour «aider les agriculteurs à améliorer eux-mêmes leurs systèmes de production, pour répondre à l’évolution de leurs attentes personnelles, des marchés et de la société», explique l’association dont le nombre d’adhérents continue de progresser.  Pour Jean-Pascal Hopkin, «nos travaux n’ont de sens que s’ils sont utilisés par les agriculteurs et les conseillers». Pour 2022, «le planning est chargé», a encore affirmé le directeur de la structure. Et de l’assurer : «Le contexte national et international nous conforte dans le choix des sujets que l’on travaille.» 
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