Méthanisation
Valoriser le CO2, une solution prometteuse pour l'environnement
La méthanisation agricole, processus de décomposition de matières organiques en absence d'oxygène, produit du biogaz, une source d'énergie renouvelable et du digestat, un fertilisant riche en matière organique et éléments fertilisants.
La méthanisation agricole, processus de décomposition de matières organiques en absence d'oxygène, produit du biogaz, une source d'énergie renouvelable et du digestat, un fertilisant riche en matière organique et éléments fertilisants.


Ce biogaz est composé principalement de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2), des gaz à effet de serre. Plutôt que d’émettre directement ce CO2 dans l'atmosphère, des solutions technologiques permettent de le capter et de le valoriser.
La méthanisation agricole : un procédé vertueux
La méthanisation consiste à transformer des déchets organiques, tels que les fumiers, les lisiers ou les résidus de cultures, en biogaz. Ce biogaz peut être utilisé pour produire de l'électricité et/ou de la chaleur (cogénération ou chaudière) et du biométhane après épuration. Le biométhane est injecté dans les réseaux de gaz pour une utilisation hors site de production identique aux débouché du gaz «naturel» d’origine fossile. Dans tous les cas, le CO2, qui représente jusqu’à 55 % du biogaz, est rarement valorisé. Pour autant son émission dans l’atmosphère est considérée comme neutre vis-à-vis de l’effet de serre. On parle de CO2 biogénique, car les biomasses d’origine sont renouvelables et à cycle court. Sur une unité injectant 200 m3/h de biométhane, il est ainsi possible de capter 2 000 tonnes de CO2 par an. Ce dimensionnement est le minimum pour amortir un investissement de liquéfaction. La rentabilité d’un projet dépendra du coût de captage et de la filière de valorisation notamment si la qualité alimentaire du CO2 est garantie (teneur en CO2 de 99,9 %). D’autres paramètres entrent en ligne de compte, comme la distance de transport, l’équilibre offre/demande ou le prix de marché du gaz naturel… Le prix du CO2 est ainsi très fluctuant de 50 à plus de 200 €/tonne.
Pourquoi valoriser le CO2 ?
Le CO2 est un gaz à effet de serre majeur, contribuant au réchauffement climatique. Sa valorisation à partir d’une source renouvelable permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’origine fossile et de créer de nouvelles ressources économiques. Les applications du CO2 sont multiples et variées, pour des usages alimentaires ou non et son origine actuelle est presque exclusivement fossile.
Plusieurs technologies permettent de transformer le CO2 en produits utiles.
Sur une unité de méthanisation, la récupération du CO2 s’effectue sur les off-gaz après épuration du biogaz (99 % de CO2). La liquéfaction du CO2 est opérée par un procédé cryogénique après compression (-30°C à 14 bar ; -20°C à 20 bars). Une étape de purification s’impose aussi. Le CO2 liquéfié peut ainsi être stockable et transportable.
Il est possible de valoriser directement le CO2 récupéré sur site grâce à la méthanation qui consiste à recombiner la molécule avec quatre molécules de dihydrogène (H2) pour obtenir du CH4 et de l’eau. Cette solution, techniquement possible, permet de doubler la production de biométhane sans consommation de biomasses supplémentaires. Le principal frein à ce jour reste le coût de production du H2 par électrolyse de l’eau qui dépend à 75 % du prix de l’électricité.
Parmi les débouchés possibles du CO2, la valorisation dans les serres maraichères et horticole permet d’enrichir l’air en CO2 pour booster la photosynthèse et la croissance des plantes, des fruits et légumes de 15 à 40 % (100 à 330 tCO2/ha/an). Il peut également être utilisé dans les silos de stockage du grain pour neutraliser la prolifération des insectes. Ce gaz est aussi très largement utilisé dans l’industrie, la chimie et la pharmacie (production d’urée, de neige carbonique, de méthanol, de solvants, d’électrolytes, de polymères…), l’agroalimentaire (gazéification, conservation, refroidissement) ou encore le traitement de l’eau.
De nouvelles opportunités apparaissent pour valoriser le CO2 et augmenter ses débouchés (potentiel x 10 d’après l’Ademe en 2050), parmi lesquelles :
• La valorisation biologique : par photosynthèse via la culture de micro-algues qui se développent rapidement et produisent une biomasse en consommant de grandes quantités de CO2. A partir des micro algues, il est possible d’extraire des oméga 3, pigments, des molécules avec des propriétés anti inflammatoires et anti oxydantes, des biofertilisants, des bioplastiques, des biofuels, des matériaux de construction…
• La carbonatation minérale : cette méthode consiste à faire réagir le CO2 avec des minéraux pour former des carbonates stables qui peuvent servir dans la fabrication de matériaux de construction ou comme matériaux de remplissage, offrant ainsi une solution durable pour le stockage du CO2.
• La production de biocarburants : le CO2 peut être utilisé comme matière première pour produire des biocarburants, tels que le méthanol (CH3OH) ou le diméthyl-éther (DME ; C2H6O). Ces carburants peuvent être utilisés dans les transports, réduisant ainsi la dépendance aux énergies fossiles. Cette voie dépend également du développement de la filière hydrogène vert.
Ces différents processus chimiques permettent de créer des produits de valeur tout en réduisant les émissions de CO2 d’origine fossile. La problématique du coût de développement et de fonctionnement et de l’efficacité énergétique de ces technologies est déterminante pour leur déploiement à grande échelle.
Conclusion
La valorisation du CO2 issu de la méthanisation agricole représente une opportunité prometteuse pour l'environnement et l'économie. En transformant ce gaz à effet de serre en produits utiles, on peut décarboner les activités et réduire les émissions de CO2 fossile tout en créant de nouvelles ressources économiques. Les technologies de valorisation du CO2 sont encore en développement et offrent déjà des perspectives encourageantes pour un avenir plus durable. Comme souvent, le déploiement de ces solutions innovantes passe par la maitrise des coûts d’investissement et de fonctionnement pour atteindre un modèle économique équilibré qui assure la prise de risque.
Focus sur la méthanation biologique
Le 1er démonstrateur industriel de méthanation biologique Denobio, développé par Enosis et installé sur le site de méthanisation agricole Energia Thiérache à côté de Guise, a pour objectif d’expérimenter ce procédé innovant et d’évaluer sa fiabilité et sa pertinence technico économique avant un déploiement à plus grande échelle. Cette technologie repose sur des microorganismes qui convertissent les gaz (H2, CO2 et CO) en méthane (CH4). Un des intérêts importants de la méthanation biologique est la résilience des microorganismes aux impuretés contenues dans les gaz (H2S, NH3, O2, etc.), qui rend le procédé très robuste et limite les besoins de prétraitement. Le double réacteur de culture des microorganismes est un milieu anaérobie qui fonctionne à des températures de 50 à 70°C et des pressions de 5 à 15 bars. Le but premier est de valoriser 20 m3/h de CO2 récupérés sur les off-gaz en méthane injecté dans le réseau. Ensuite, il s’agira de tester la capacité épuratoire de ce procédé biologique en traitant directement le biogaz brut et ainsi remplacer l’épuration membranaire. Le niveau de maturité technologique (TRL) est de 8, ce qui signifie que le développement de cette solution est abouti. À l’issue des 18 mois d’essais, lancés en avril 2025, si les ambitions sont atteintes, il restera encore quelques freins à lever pour permettre l’essor de cette technologie (montant de l’investissement, statut particulier du méthane de synthèse, fourniture en hydrogène renouvelable). L’hydrogène vert est fourni par l’entreprise Lhyfe en provenance du Havre. Ce projet bénéficie du soutien financier de l’Ademe, du Conseil régional et de la Banque des Territoires.