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Des protéines made in Somme pour les élevages ?

Produits locaux, sans OGM, filière courte… Ces sujets sont de vraies attentes sociétales. Pour nourrir nos animaux d’élevage, la souveraineté protéinique est un enjeu. Des acteurs de la Somme y travaillent.

3,5 millions de tonnes de tourteau de soja sont importées chaque année. S’il entre dans les formules, c’est qu’il est économiquement intéressant. Pour le remplacer par des protéines locales, il faut trouver un modèle économique viable.
3,5 millions de tonnes de tourteau de soja sont importées chaque année. S’il entre dans les formules, c’est qu’il est économiquement intéressant. Pour le remplacer par des protéines locales, il faut trouver un modèle économique viable.
© Pixabay



En août, les images de l’Amazonie en flammes faisaient le tour du monde et suscitaient un vif émoi dans l’opinion. En première ligne pour le départ de ces feux : la déforestation. Et les causes de cette dernière sont identifiées depuis longtemps… Notre système d’élevage est ainsi montré du doigt, car le soja que nous importons en masse pour nourrir le bétail est une des principales  causes de déforestation. «Nous avons une part de complicité», reconnaissait Emmanuel Macron, sur France 2. Et d’ajouter qu’il souhaite «recréer la souveraineté protéinique de l’Europe. Elle doit être capable de produire ses propres protéines, pour consommer, et pour les éleveurs.»
Dans le détail, pour fabriquer les aliments destinés à ses élevages de production, la France importe 38 % de ses besoins en matières premières riches en protéines (MRP), constituées essentiellement de tourteau de soja (3,5 millions de tonnes par an importé chaque année). Cette proportion a fortement varié dans le temps, passant de 69 % dans les années 1990, à 30 % suite à la mise en place du «plan protéines», puis remontant à 51 % quand les protéines animales transformées (PAT) ont été interdites.

Trouver une solution économiquement viable
«Ces évolutions nous démontrent que la part des protéines importées en France varie essentiellement en fonction des évolutions des réglementations mises successivement en place ces dernières années», constatait Patricia Le Cadre, ingénieure alimentation et filières animales, lors de  la journée Céréopa* organisée à Paris en mai 2018. Car depuis l’apparition des productions animales intensives, la question de l’indépendance protéique s’est toujours posée, et ce, pour plusieurs raisons : peur de subir des hausses importantes et non maîtrisées des coûts matières, absence de traçabilité, image négative des produits (OGM, déforestation), bilan carbone élevé, préférence des consommateurs pour des produits locaux…
Pourtant, si le tourteau de soja entre dans les formules, c’est qu’il est économiquement intéressant. Et que le prix des matières premières disponibles en France est trop élevé pour le remplacer, ou qu’elles ne sont pas produites en quantité suffisante. Dans la Somme, le sujet est pris au sérieux. «Le “sans OGM“ a de plus en plus d’importance aux yeux de nos consommateurs. Nous devons trouver une solution économiquement viable à apporter à nos éleveurs et aux agriculteurs qui produisent de la protéine», commente Constant Hardy, de la coopérative Calipso. Ce printemps, celle-ci va d’ailleurs semer pour la première fois du soja dans ses parcelles d’essais. «La première étape est de maîtriser cette culture, en sélectionnant des variétés adaptées à notre territoire, avant de proposer à nos adhérents d’en cultiver.»

De nouvelles filières chez Noriap
La coopérative Noriap, elle, a saisi le sujet à bras le corps il y a trois ans. «La volonté est de revisiter toutes les espèces susceptibles de produire de la protéine», annonce Philippe Pluquet, responsable technique de Noriap. Des filières ont même été créées pour dynamiser la production de protéines locales, en partenariat avec sa filiale Novial, fabricant régional d’aliments pour l’élevage. Des prix minimums garantis sont ainsi assurés aux agriculteurs. La féverole a ainsi été semée à nouveau dans les champs samariens. «Cette culture, qui était à destination de l’alimentation humaine à l’export, était pratiquement arrêtée, car nous n’avions plus de solution pour lutter contre les bruches (ravageurs de la féverole, ndlr). Parallèlement à cela, les rendements ont chuté.» Alors que 70 à 75 qx/ha étaient régulièrement récoltés il y a une dizaine d’années, les dernières années sèches et chaudes ont vu les rendements tomber jusqu’à 15 à 20 qx/ha. Pas du tout séduisant pour les polyculteurs.
Mais Noriap booste la filière à nouveau. «Nous avons levé l’obstacle du ravageur, car les féveroles bruchées peuvent convenir à l’alimentation animale.» Des contrats de production sont donc proposés chaque année. En plus du prix, l’intérêt de la culture est mis en avant : «Comme toutes les légumineuses, la féverole apporte un reliquat azoté important, ajoute Philippe Pluquet. C’est un excellent précédent pour les céréales. Dans une rotation, elle est aussi un levier pour la gestion des mauvaises herbes et des graminées.»
Autre contrat de production proposé : la culture de lupin, une des légumineuses à graines les plus riches en protéines, dont le taux s’approche très sensiblement de celui du soja. «Nous le cultivons depuis deux ans avec de bons résultats : entre 35 et 45 qx/ha lorsque les conditions sont optimales.» Une plante qui semble apprécier les terres samariennes, relativement facile à conduire. Une petite quinzaine d’agriculteurs coopérateurs se sont lancés dans sa production. Le soja est aussi à l’étude depuis trois ans, mais Philippe Pluquet est moins confiant quant à la pérennité de cette filière. «La problématique est d’atteindre la maturité.» Depuis 2017, les cycles présentent des sommes de températures élevées, et ont été favorables à la culture. «Mais qu’en sera-t-il lors d’une année normale ?» Des variétés précoces existent bien, mais ne permettent pas d’atteindre le rendement minimum de 30 qx/ha visé. Le chemin vers l’indépendance protéique n’est donc pas encore tout tracé, mais la voie s’ouvre peu à peu.

* Centre d’étude et de recherche sur l’économie et l’organisation des productions animales

Suite de notre dossier :

- Le "sans OGM" débouche sur de nouvelles filières - témoignage d'éleveur

- La culture du lupin en pratique - témoignage

Pour l’alimentation humaine également

La demande en protéines végétales pour l’alimentation humaine est aussi croissante. La coopérative Noriap a donc décidé de soutenir la filière du pois protéagineux, malgré les difficultés de production. «Les rendements ne sont pas très satisfaisants», confie Philippe Pluquet, responsable technique de Noriap. Comptez en moyenne 50 qx/ha, alors que les 65 quintaux étaient régulièrement atteints dans les années 1960. La cause ? «Des solutions de protection de la plante moins nombreuses, une sélection variétale peu soutenue car il s’agit d’une espèce mineure, et, depuis quelques années, des conditions climatiques pénalisantes, avec notamment un mois de juin échaudant», énumère-t-il. Plusieurs milliers d’hectares sont cependant cultivés pour Noriap. «À nous ensuite de jouer notre rôle de valorisation de la production de nos clients.» Matthieu Beyaert, responsable gestion des marchés à terme, indique que «les surfaces de pois ont été divisées par deux dans la Somme, passant de 14 660 ha en 2010 à 5 400 ha en 2018. Dans notre coopérative, grâce à un fonctionnement gagnant-gagnant, nous avons maintenu nos surfaces.»

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