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Pommes de terre
Faut-il revoir la dose d’azote face à l’envolée des prix ?

Le cours des engrais azotés a littéralement flambé. Dans ce contexte inédit, peut-on raisonnablement revoir l’apport d’azote en pommes de terre ? Conseils d’expert.

Les besoins en azote dépendent surtout de la longueur du cycle, influencée par la précocité variétale et les conditions climatiques, du type de sol et des objectifs de production.
Les besoins en azote dépendent surtout de la longueur du cycle, influencée par la précocité variétale et les conditions climatiques, du type de sol et des objectifs de production.
© Alix Penichou

La pomme de terre ne peut clairement pas se passer d’une fertilisation azotée, même si celle-ci est devenue très onéreuse. «C’est un des leviers majeurs pour optimiser le rendement et la qualité des tubercules», note François Ghigonis, ingénieur chez Arvalis-Institut du végétal. Pour que la marge soit la meilleure possible, il va donc falloir viser au plus juste selon la variété et le cycle. 

Première étape : une estimation précise des besoins de la plante pour assurer une production de qualité, éviter un excès favorisant les accidents physiologiques (repousse, cœur creux) et limiter les pertes d’azote dans l’environnement par lessivage ou volatilisation. «Ces besoins dépendent essentiellement de la longueur du cycle, influencée par la précocité variétale et les conditions climatiques, du type de sol et des objectifs de production (débouchés)», ajoute François Ghigonis. Certaines variétés sont plus gourmandes en azote que d’autres. C’est par exemple le cas de la pomme de terre de consommation Agata, plutôt précoce. Mais une «surdose» est à mesurer. «Certains producteurs mettent plus d’azote qu’il n’en faut pour allonger un peu le cycle et ainsi gagner en rendement, avec des résultats jusqu’à 80 t/ha. Mais est-il vraiment judicieux d’aller chercher ces quelques volumes supplémentaires au vu du coût de cette stratégie ?» Le calcul est à faire.

 

Au bon moment, au bon endroit

Le bon positionnement est ensuite essentiel. Une synthèse de cinquante-quatre essais, conduits par Arvalis et ses partenaires a montré qu’un premier apport à la plantation (au moins 50 % de la dose totale), suivi d’un deuxième apport au plus tard quarante-cinq jours après la levée, favorisent la dynamique d’absorption de l’azote dans la partie aérienne et dans les tubercules. «Au-delà de quarante-cinq jours après la levée, un apport d’azote est moins efficace, il engendre une baisse de rendement de l’ordre de 0,5 t/ha», note-t-on chez Arvalis. La technique est aussi importante : «pour réduire les pertes, mieux vaut incorporer l’engrais dans le sol à 10 cm au dessous et 10 cm latéralement de chaque côté du plant au moment de la plantation».

 

Penser rotation

Plus que jamais, la cohérence des rotations s’avère un outil de taille. «Une légumineuse dans un précédent ou dans un couvert d’interculture qui va apporter de l’azote est toujours intéressante, puisque le reliquat avant plantation sera meilleur.» Reste que la pomme de terre est «une culture fainéante», dotée d’un système racinaire peu important, qui a donc besoin d’azote disponible au bon moment.

 

Chez Sana Terra, des outils pour plus d’efficience 

Réduire la dose d’azote ? «On ne peut pas du tout se le permettre en pommes de terre. Il faut travailler à rendre l’apport plus efficient», confie Grégoire Lesot, en charge des essais de la coopérative du Santerre. À la plateforme d’essais, des additifs sont testés, dans un but de meilleure absorption de la plante et de réduction du lessivage. Agrho NH4 Protect, un additif à base de DCD, inhibiteur de nitrification, semble donner les meilleurs résultats. En retardant la transformation de l’ammomium en nitrate, cet additif réduit le risque de pertes d’azote par lixiviation du nitrate et par dénitrification. «Nous préconisons un dosage de 0,5 % du volume de solution azotée», précise l’expert. 
Le fractionnement de l’azote s’avère aussi une stratégie intéressante. «Il s’agit d’apporter 70 % de la dose d’azote à la plantation, puis 30 % avant la couverture du rang. Ce deuxième apport va permettre de maintenir la végétation le plus longtemps possible.» La forme d’azote est alors importante. «À ce stade, l’ammonitrate n’est pas la forme idéale. Sur variété sensible au stress ou à cycle court, Lady Claire par exemple, elle peut conduire à une perte de rendement. Le nitrate de chaux sera plus adapté, car plus assimilable par la racine (+ 1,7 t de rendement commercialisable mesuré).» Pour maintenir ce feuillage plus longtemps, des biostimulants sont testés chez Sana Terra. «l’algue brune a un effet osmoprotecteur intéressant. Un apport à hauteur de 60 à 90 /ha permet de gagner 4 t/ha en moyenne.»
Enfin, parce qu’il est primordial de connaître les réels besoins de la plante, Sana Terra propose l’envoi des pétioles de pommes de terre en laboratoire d’analyse (programme PhosphoPilote). Le prélèvement est réalisé à la couverture du rang, courant juin. «Nous avons ainsi un aperçu des carences en N, P, K, magnésie… Le rattrapage en végétation est alors possible.» Le manque de phosphore est récurrent.

 

De nouveaux produits... miracles ? 

Les engrais additionnés d’inhibiteurs d’uréase ou enrobés ont fait leur apparition ces dernières années. Ils représentent aujourd’hui 20 % du marché. Ceux-ci revendiquent une meilleure efficience de l’engrais en réduisant les pertes et en favorisant l’absorption. Arvalis a, par exemple, testé le Nexen en comparaison à la référence ammonitrate en sols de limons profonds de Picardie. «Aucune différence significative de rendement n’apparaît entre les deux formes d’azote testées, mais les pluies survenues quinze jours après les apports ont probablement limité la volatilisation», analysent les experts. Autre innovation testée à base d’urée : le Coten Mix 2, spécialité composée d’un mélange à 50 % d’urée classique et à 50 % d’urée enrobée à libération contrôlée. Il permettrait, selon les fabricants, de faire coïncider la disponibilité de l’azote avec les besoins de la culture et limiter les pics de volatilisation. Encore une fois, les essais menés par Arvalis n’ont pas présenté d’écart significatif par rapport à l’ammonitrate. «Toutefois, une tendance semble se dessiner en faveur du Coten pour les plus gros calibres.» Comparer les prix de ces solutions paraît donc intéressant.
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