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Syndicalisme
Le sauvetage de la production d’acides aminés samariens raconté aux agriculteurs

Lors de son assemblée générale le 26 février à Amiens, la FDSEA de la Somme conviait les responsables d’Eurolysine (ex-Metex) et du Groupe Avril, principal actionnaire, à présenter sa stratégie. Le fabricant d’acides aminés essentiels à l’élevage est un gros client de l’industrie sucrière locale.

Pourquoi le Groupe Avril, leader des huiles végétales, a-t-il souhaité reprendre l’usine Metex d’Amiens nord, renommée Eurolysine depuis juillet dernier, spécialisée en production d’acides aminés ? C’est à cette question qu’étaient venus répondre des responsables d’Avril et d’Eurolysine, ce 26 février, devant les agriculteurs adhérents de la FDSEA de la Somme réunis en assemblée générale.

La principale raison avancée est celle de la souveraineté alimentaire, véritable enjeu national. «Il s’agit de la seule usine de production d’acides aminés par fermentation d’Europe. Sa préservation était essentielle pour nos filières d’élevage», assure Thomas Lemaitre, directeur du service stratégie et développement du Groupe Avril, présidé par Arnaud Rousseau (aussi président de la FNSEA). En tant que fabricant d’aliments pour animaux, notamment via sa filiale Sanders, le Groupe Avril est d’ailleurs consommateur de lysine, composant essentiel du bol alimentaire des animaux. «Si nous n’avions pas la lysine d’Eurolysine, nous aurions dû nous approvisionner auprès de fournisseurs chinois… Ce n’était pas acceptable.»

Le deuxième argument avancé est celui de la décarbonation de l’élevage. «La composition de nos acides aminés permet de réduire l’utilisation de soja, et donc de soja importé. 1 tonne de CO2 émise pour produire des acides aminés à Amiens, c’est 30 tonnes de CO2 économisées en élevage.» Eddy Feijen, président d’Eurolysine, avance une empreinte carbone cinq fois moins élevée que les usines chinoises. «C’est principalement dû au fait de l’empreinte carbone bien moins importante des matières premières que nous utilisons, principalement le sucre de betteraves.» Enfin, cette nouvelle usine offre au Groupe Avril une nouvelle voie de valorisation du colza, utilisé pour la fabrication des acides aminés, et place sa filiale Sanders parmi «les leaders de la nutrition animale».

Le pari est tout de même de taille. «Metex affichait 30 millions d’euros de pertes en 2023, et partait pour le même résultat négatif en 2024», rappelle Thomas Lemaitre. La stratégie a donc été revue. «L’usine produisait des spécialités en petites quantités. Nous avons opté pour la production en gros volumes», présente Eddy Feijen. Consommation d’énergie, sécurisation de l’accès au sucre, maîtrise de la technologie, dynamique concurrentielle… Tout a été revu. Pour son développement, 130 millions d’euros sont investis en cinq ans. 
81 000 tonnes d’acides aminés devraient être produites cette année, avec un objectif de progression, puisque l’usine a une capacité de production de 100 000 tonnes. En plus des trois-cents salariés de l’ex-Metex, quarante personnes ont été embauchées en 2024, et trente-cinq autres doivent l’être en 2026. De «nouveaux marchés» sont visés, alors qu’aujourd’hui, la nutrition animale représente 90 % des débouchés, et le reste est à destination de la pharmaceutique et des cosmétiques.

130 000 t de sucre consommées

Pour la filière betteravière régionale, l’usine Eurolysine est une opportunité. «Nous consommons 130 000 t de sucre – soit l’équivalent d’environ un quart de la production de la Somme, ndlr – que nous achetons en majeure partie localement», assure Eddy Feijen. La plupart de ces achats sont contractualisés, «ce qui nous permet d’être plus résilients face à la volatilité du marché». «Pour maîtriser encore les coûts, nous menons aussi un travail de R&D dans l’objectif d’adapter nos procéder à des gammes de sucre moins élevées, donc à des prix plus compétitifs.»

 

Des droits de douanes sur la lysine chinoise qui font débat

À la suite d’une plainte déposée par Eurolysine, la Commission européenne a mis en place des droits de douanes sur la lysine chinoise début janvier. Ces taxes viennent sanctionner les pratiques commerciales déloyales de fournisseurs chinois constatées par la Commission. «La survie de l’usine en dépendait», assure Nicolas Martin, directeur développement durable d’Eurolysine. Mais la conséquence n’est pas bien vue de tous… car ces droits vont renchérir le coût d’approvisionnement des filières monogastriques (porcs et volailles), principales utilisatrices de cet ingrédient. «Il faut relativiser, se défend Nicolas Martin. Le surcoût annuel pour l’Europe sera bien moindre que celle que peut générer la volatilité des cours des matières premières.» Dans un communiqué diffusé en janvier, David Saelens, président de la Coopération agricole - nutrition animale, avançait qu’«en outre, nos coopératives de nutrition vont jouer pleinement leur rôle pour en limiter les impacts en adaptant au mieux leurs approvisionnements et la composition de leurs aliments, sans pouvoir pour autant les annihiler.» Il notait aussi des effets positifs de cette mesure : «des fournisseurs qui avaient disparus du marché européen du fait de la pression chinoise font progressivement leur réapparition, permettant au secteur de diversifier ses approvisionnements et de diminuer ses risques géopolitiques.» La confirmation de ces droits de douane, qui devrait être effective cet été, sera déterminante pour l’usine amiénoise.

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