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Légumes de plein champ bio : l’agronomie au cœur des choix

La production de légumes bio dépend du bon fonctionnement du sol, de ses qualités physiques et de la régulation naturelle des bioagresseurs. Or, l’impact de ces cultures sur ces fonctions peut être sévère et doit être anticipé. 

L’activité légumes de plein champ est un moteur pour la conversion à l’agriculture biologique et pour la pérennisation des exploitations biologiques existantes (cf. numéro du 3 septembre 2021). L’augmentation des surfaces est en partie liée, dans certaines exploitations, à un retour plus fréquent de ces cultures dans les rotations et, en particulier, des légumes racines. Or, ces cultures ont des impacts non négligeables sur les performances agronomiques de la rotation si un certain nombre de précautions ne sont pas prises, en particulier en agriculture biologique où il existe très peu de solutions de rattrapage pour l’alimentation des cultures en azote et pour la gestion des bioagresseurs. 

Agro-Transfert et ses partenaires dans le cadre du projet VivLéBio2(1)  ont analysé les performances agronomiques des rotations légumières de sept exploitations biologiques des Hauts-de-France. Ces rotations avaient des profils variés : elles duraient entre six et onze ans, comprenaient ou pas des luzernes ou prairies, et la part des cultures légumières variait de 26 à 50 %. Les principales cultures légumières étaient des légumes racines : pommes de terre, carottes, oignons, et betteraves rouges. Les autres légumes racines (endive et chicorée), les légumes fruits (potimarron) et les légumes verts (haricot vert et pois de conserve) étaient également présents dans au moins une exploitation. 

 

Fertilité des sols

La fertilité est caractérisée par les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Les cultures légumières ont un impact sur chacune de ces trois dimensions, selon une étude menée dans le projet VivLéBio en 2018. La levée des graines, souvent petites, et la forme des légumes racines dépendent de l’affinage du sol au printemps. L’intensité de cet affinage (souvent réalisé à la fraise) dégrade la stabilité structurale du sol (entraînant battance, érosion et/ou prise en masse). L’arrachage des légumes racines, souvent réalisé en conditions humides et avec du matériel lourd, entraîne de forts risques de tassements, qui peuvent être profonds et donc difficiles à rattraper(2). Elles exportent beaucoup de potassium et de phosphore, qu’il faut veiller à compenser. Enfin, les légumes racines restituent très peu de biomasse au sol, et peuvent entraîner le déstockage de la matière organique du sol.

Si les risques de dégradation de la structure en surface et en profondeur n’ont pas pu être évalués dans l’enquête, nous avons, en revanche, pu estimer les risques de dégradation des stocks de phos-phore, de potassium et de matière organique des sols.

 

Phosphore et le potassium ?

Il apparaît que la fréquence de retour des légumes ne signifie pas une augmentation systématique des exportations moyennes en phosphore et potassium à l’échelle de la rotation. Cela s’explique par deux facteurs : la culture de luzerne est très exportatrice de ces deux éléments, et tous les légumes ne contiennent pas les mêmes teneurs de chaque élément. Par exemple, pour un rendement du même ordre de grandeur (environ 30 t/ha), la carotte exporte 1,5 fois plus de potassium que l’oignon, mais ce dernier exporte deux fois plus de phosphore. 

L’étude a, en revanche, mis en évidence que les producteurs priorisent l’azote dans leur choix de fertilisants et ne regardent pas toujours la composition en phosphore et potassium des engrais et amendements, ce qui peut engendrer à long terme des excès ou des déficits dans le sol. Ainsi, l’excès de potassium atteint + 100 kg/ha/an dans une des rotations étudiées. Or, un excès de potassium peut rendre la parcelle plus favorable à certaines adventices, comme le laiteron des champs.

 

Déstockage de la matière organique

D’après les simulations réalisées avec l’outil Simeos-AMG(3), qui permet de simuler l’impact de systèmes de culture sur le stock et la teneur en matière organique (MO) du sol, cinq des sept rotations déstockent plus de 200 kg de MO/ha/an de leur sol. Les deux autres rotations sont en situation de stockage, mais à moins de 200 kg de MO/ha/an. La même tendance est observée pour la teneur en MO, qui perd en moyenne 0,7 % en trente ans.

Trois facteurs expliquent ce déstockage : d’abord, les résidus des cultures légumières restituent très peu de matière au sol, ce qui ne permet pas de compenser le déstockage naturel lié à la minéralisation durant l’année. Ensuite, en agriculture biologique, l’interculture après moisson est dédiée en priorité à la gestion des vivaces par déchaumages répétés, ce qui ne permet pas d’implanter des couverts d’interculture et, donc, de profiter de cette période pour apporter de la biomasse au sol. Seuls trois producteurs sur sept en implantaient. Enfin, les engrais fertilisants, faiblement pourvus en carbone, sont privilégiés dans les rotations légumières pour apporter de l’azote. Seuls quatre producteurs sur sept apportent des amendements carbonés (fumiers ou compost).

 

Une flore adventices spécifique

Les légumes plein champ sont généralement implantés tardivement, entre mars (oignon) et juin (betterave rouge), voire juillet (haricot vert). Ces dates d’implantation tardives permettent de mieux gérer les adventices automnales et printanières, par des travaux du sol en plein à la sortie de l’hiver et au printemps avant l’implantation. Ce sont donc des systèmes où l’enherbement est plutôt bien maîtrisé, bien que certaines adventices toxiques (datura, morelle) restent problématiques car l’exigence des cahiers des charges est très élevée, en particulier pour les légumes verts d’industrie. 

Les légumes de plein champ sont également efficaces pour réduire la pression des chardons, car ils permettent de combiner des destructions répétées (préparation de printemps, binages et désherbage manuel) et compétition végétale à une période où ce dernier est particulièrement sensible, d’avril à juillet. En revanche, le faible taux de couverture de ces cultures en mai-juin, la préparation du sol très affinée, les apports de potassium et l’irrigation favorisent fortement le développement du laiteron des champs, vivace particulièrement problématique dans ces systèmes.

 

Nouveaux bioagresseurs

La fréquence élevée des cultures racinaires dans ces rotations augmente le risque de subir les dégâts des bioagresseurs dont le cycle de vie est situé majoritairement dans le sol, autrement dit telluriques. Le taupin et le sclérotinia sont les plus cités comme problématiques par les producteurs. Nous avons estimé que toutes les rotations étaient potentiellement à risque pour le taupin, et que trois d’entre elles étaient potentiellement à risque pour le sclérotinia. Cependant, pour chacun de ces deux bioagresseurs, seul deux des sept producteurs enquêtés jugent les attaques fréquentes et très nuisibles. 

La fréquence et l’intensité des attaques dépend de deux facteurs : des conditions climatiques de l’année (par exemple, les attaques de taupin sur pomme de terre ont tendance à être plus fréquentes en conditions sèches, tandis que les étés humides et pas trop chauds favorisent le sclérotinia), et de la présence du bioagresseur dans la parcelle.

Il est aussi ressorti de l’étude que l’inquiétude des producteurs vis-à-vis de ces bioagresseurs découlaient surtout du manque de connaissances sur leur cycle biologique et sur les moyens de les maîtriser. Agro-Transfert Ressources et Territoires et ses partenaires ont mis en ligne des synthèses de connaissances, disponibles ici : http://www.agro-transfert-rt.org/projets/vivlebio/agriculture-biologiqu…. Ces travaux se poursuivent avec un réseau de producteurs dans le cadre de VivLéBio2.

 

(1) Projet piloté par Agro-Transfert Ressources et Territoires, en partenariat avec Bio en Hauts-de-France, les Chambres d’agriculture des Hauts-de-France, le marché de Phalempin, Norabio, l’Inrae et UniLasalle et financé par la région Hauts-de-France et les agences de l’eau Artois-Picardie et Seine-Normandie.

(2) Conclusion du projet Sol D’PHY : www.agro-transfert-rt.org/projets/sol-dphy/ 

(3) http://www.agro-transfert-rt.org/ressources/simeos-amg-2/

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