Céréales
Les céréaliers ont « le moral dans les chaussettes »
Le président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), Éric Thirouin et le secrétaire général, Philippe Heusèle, ont présenté le 16 septembre à Paris, dans une conférence de presse, les premiers résultats de la campagne 2025.
Le président de l’Association générale des producteurs de blé (AGPB), Éric Thirouin et le secrétaire général, Philippe Heusèle, ont présenté le 16 septembre à Paris, dans une conférence de presse, les premiers résultats de la campagne 2025.

Pour la troisième année consécutive, le revenu des céréaliers va être dans le rouge. Les comptes après avoir été déficitaires en moyenne de 31 500 euros l’an dernier, devraient être, cette année encore, négatifs : - 18 100 euros en moyenne.
D’après le RICA 2023* qui vient d’être récemment publié, les céréaliers spécialisés étaient à cette date, avec un revenu négatif de 600 euros la catégorie d’agriculteurs au revenu le plus bas « toutes filières agricoles confondues et c’est la seule à être dans le négatif », a souligné Éric Thirouin. Les RICA 2024 et 2025 devraient confirmer ces chiffres.
Les céréaliers, dont certains s’interrogent sur l’avenir de leur métier, ont pourtant réalisé en 2025 une récolte correcte avec des rendements meilleurs qu’en 2024, une année jugée « noire » par les responsables du syndicat céréalier.
Cette année, la France peut compter sur 33,07 millions de tonnes en blé tendre (74 qx/ha), 8,44 Mt en orge d’hiver (71 qx/ha) et 3,52 Mt en orge de printemps (59 qx/ha). Cependant les prix ne sont pas au rendez-vous. L’AGPB table sur une moyenne de 160 euros/tonne pour le blé tendre alors que les « cours oscillent en ce moment entre 151 et 153 €/t », a précisé Éric Thirouin. « La question que l’on se pose est : y a-t-il une limite à cette chute des cours ? ». Comme l’an dernier, les moissons ont été abondantes (808 Mt de blé tendre attendues) et « nos concurrents sont très compétitifs », a-t-il ajouté. Les mauvais résultats financiers des céréaliers s’expliquent aussi par le différentiel entre le prix payé au départ de la ferme et le prix de revient : « il manque environ 70 euros/tonne », a analysé le président de l’AGPB qui pointe notamment l’explosion du prix des engrais « le poste le plus important dans la comptabilité des céréaliers (…) En moyenne, il va manquer 50 000 euros par exploitation ».
Prochaine PAC
Si les céréaliers réclament plusieurs mesures pour rééquilibrer et stopper l’hémorragie financière des exploitations (lire encadré), ils s’inquiètent aussi des velléités de certains organismes de vouloir un peu plus charger la barque des contraintes, comme celle des redevances sur l’eau, de la pollution diffuse et la volonté du ministère de la Transition écologique (MTE) de sécuriser les captages prioritaires des zones sensibles. « La démarche serait au début volontaire puis au bout de trois ans, le MTE rendait obligatoire l’interdiction des produits phytosanitaires et les engrais minéraux », a affirmé Éric Thirouin. « Le risque est que 90 % de la SAU céréalière devienne bio. Ça ne tient pas la route ». Sans doute a-t-il en tête le souvenir du Sri Lanka**.
L’AGPB demande aussi que l’Europe suspende le projet de taxe « Mesure d’ajustement de carbone aux frontières (MACF) qui doit s’appliquer le 1er janvier 2026 sur les engrais en provenance des pays hors Union européenne. Or à ce jour, personne n’est capable de nous donner le mécanisme de cette taxe et certains opérateurs la provisionnent et augmentent leurs prix. Quant à certains fonctionnaires du ministère, ils nous disent : ‘‘ Vous pourrez la répercuter dans vos coûts de production’’. Ce qui est méconnaître la vie des exploitations et leur fonctionnement », a taclé Éric Thirouin.
« L’Union européenne est et restera la zone du monde où les engrais sont et seront les plus coûteux », a renchéri Philippe Heusèle. Les deux dirigeants s’inquiètent du sort qu’il sera réservé aux céréaliers dans la prochaine PAC. En effet, les aides européennes ont été divisées par deux en euros constants depuis 2002 passant de 389 euros/ha à 184 euros/ha. Le syndicat céréalier souhaite d’ailleurs que le budget de la PAC augmente de +50 % alors que la Commission européenne prévoit de le faire passer de 384 milliards d’euros (Md€) à 300 Md€ entre 2028 et 2034.
(*) Réseau d'information comptable agricole. Celui de 2024 sera disponible en 2025 et ainsi de suite.
(**) En 2020 le président du Sri Lanka a décidé de passer l’ensemble de l’agriculture en bio. Six mois plus tard, les émeutes éclataient, renversant le gouvernement et le Programme alimentaire mondial venait au secours d’une population affamée.