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Faune sauvage
Pourquoi l’Aspas a (presque) tout faux sur le blaireau

En décrétant que le 15 mai est la «journée mondiale du blaireau», l’association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) défend l’idée selon laquelle le mustélidé ne cause pas de dégâts aux cultures agricoles, aux routes ou aux voies ferrées. Dans les campagnes, tous ne partagent pas cet avis.

«Les blaireaux labourent-ils les champs de maïs ?» «Font-ils dérailler les trains ?» «Mangent-ils les enfants ?» N’en déplaise aux militants de l’Aspas, la réponse aux deux premières de ces questions posées par l’association elle-même est «oui». Parmi la liste des dégâts imputables au blaireau, on peut aussi ajouter que sa présence sur le bord des routes cause des accidents de circulation ou encore le fait qu’il soit réservoir de la tuberculose bovine, ce qui en fait donc un vecteur privilégié de la maladie auprès des bovins. Enfin, on peut ajouter les dégâts causés aux matériels agricoles pris au piège des galeries creusées dans le sol. 

 

«Des preuves de dégâts, j’en ai»

Dans le département de la Somme, trouver un agriculteur confronté à des dégâts liés à la présence du mustélidé est… un jeu d’enfants, même s’il faut admettre que tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. Dans la vallée des Évoissons, au sud de Poix-de-Picardie, «les dégâts sont considérables», constataient encore en ce milieu de semaine Sébastien Chabaille, Denis Delattre et Yves Poilvet, tous agriculteurs. C’est d’ailleurs chez ce dernier que les dégâts sont le plus spectaculaires, photos à l’appui. «Ici, indique-t-il, on cultive des parcelles bordées de talus. C’est un lieu rêvé pour le blaireau ! Et des preuves des dégâts, j’en ai.»
Si l’animal se contentait de rester dans les talus, sa présence ne dérangerait pas l’exploitant agricole. Mais en surnombre depuis que les possibilités de régulation se sont considérablement réduites, le blaireau use des parcelles d’Yves Poilvet comme terrain de jeu en piétinant les cultures en place, et comme garde-manger. «Depuis deux-trois ans, c’est de pire en pire, constate-t-il. Ils s’en prennent aux céréales, aux pois, au maïs et font aussi des dégâts dans les prairies…»

 

Prédateur et destructeur des cultures

Pour Sébastien Chabaille, agriculteur à Bergicourt, l’autre souci du blaireau, ce sont les galeries qu’il creuse sous les cultures : «Si par malheur il y a une entrée de terrier ou une galerie sous une roue de passage d’engin, on peut faire un sacré soleil.» La (mauvaise) expérience lui est arrivée pas plus tard que la semaine dernière. Chez lui, qui alterne la culture de maïs avec celle de blé, «c’est chaque année !»
«Quand je fais du maïs, les blaireaux viennent chercher les pains en cassant les tiges. L’année suivante, quand je mets du blé, ils reviennent et creusent le sol à la recherche de pains de maïs enfouis dans le sol par le labour…» Pour l’un comme pour l’autre de ces agriculteurs, la période critique est lorsque le maïs est au stade laiteux. Ce qui impressionne le plus ces exploitants, c’est le volume de terre déplacé. Sébastien Chabaille prend en exemple l’une de ses parcelles d’une dizaine d’hectares : «Il doit y avoir au moins 200 trous, détaille l’agriculteur. Si on considère que chaque trou fait 1 m2 avec le volume de terre déplacé autour de l’entrée, ça fait 200 m2. Ça peut paraître peu à l’échelle de la parcelle, mais il faut slalomer… Et même quand on essaie de reboucher, ils reviennent !». Dans les pâtures, ramasser terre et cailloux au moment de la récolte de l’herbe contrarie les éleveurs. Enfin, toujours en matière d’élevage, on confirme au sein du Groupement de défense sanitaire de la Somme (GDS 80) que le blaireau est «un réservoir pour la tuberculose», et qu’il peut ainsi favoriser la propagation de la maladie : «Il suffit qu’un blaireau soit au contact d’une vache infectée pour qu’il le devienne et qu’il diffuse la maladie ensuite», explique-t-on au GDS. Dans la Somme, «il n’y a pas de cas de tuberculose recensé. C’est plutôt une question qui concerne les départements du sud de la France, où les bovins vivent plus dehors et où il y a donc de possibilités de rencontre entre bovin, mais le risque n’est pas à écarter».

 

Dangers de circulation

Au-delà des talus et des champs cultivés, ceux qui bordent les voies de chemin de fer sont aussi des lieux de fréquentation privilégiés pour l’espèce blaireau. C’est ce que rapporte Maxime Gombart, responsable maitrise végétation et Expert faune sauvage pour SNCF Réseau : «Les retards dus à une collision avec un blaireau, cela existe», indiquait il y a quelques jours M. Gombart. D’autre part, «quand un blaireau décide de s’installer sous une plateforme ferroviaire, il y a bien un risque de déstabilisation des ouvrages, et donc un risque pour la sécurité. On est obligé de réduire la vitesse de circulation». Sur la ligne qui relie Amiens à Boulogne-sur-Mer, mais aussi sur l’axe Creil-Jeumont, des ralentissements de circulation ont fait pester à plusieurs reprises les usages du train. Quant au coût de remise en état des ouvrages lorsqu’ils ont été détériorés par la présence de blaireaux, il est «exorbitant» selon Maxime Gombart qui le chiffre à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Selon une enquête réalisée par la fédération des chasseurs de la Somme entre 2015 et 2020 sur les routes de la Somme pour évaluer les collisions avec la faune sauvage - elle a recensé 2 225 collisions, soit entre 350 et 400 par an -, lièvre, faisan et blaireau sont les espèces les plus abîmées par la route. 

 

Réguler pour éviter la prolifération

Au siège de la fédération des chasseurs de la Somme, on se défend de vouloir «éradiquer à tout prix» le blaireau : «Le blaireau a sa place dans notre écosystème, défend Richard Bouteiller. Il est omnivore. Seulement, c’est quand il y a surnombre que les problèmes arrivent.» Avec la disparition du loup, le blaireau ne compte pas de prédateur naturel, d’où une tendance à la prolifération. Pour les chasseurs, «la question du blaireau n’est pas prioritaire. Le renard et la fouine font plus de dégâts sur le gibier, mais il faut être lucide. Si un blaireau tombe sur un nid de faisans, il ne va pas se priver de le détruire». 

Qu’une association militante prenne la défense du blaireau rend les agriculteurs dubitatifs, et furieux pour certains d’entre eux : «On voit bien que ce sont des gens qui ne sont pas confrontés aux problèmes qu’il (le blaireau, ndlr) cause… Qu’est-ce qu’on fera le jour où il y aura un accident grave, que ce soit avec un engin agricole ou sur la route ?», soutient Sébastien Chabaille. Yves Poilvet, quant à lui, s’interroge autrement : «Si ça continue comme cela, je vais arrêter de cultiver certaines parcelles, et ce sera de la production alimentaire en moins. Je ne suis pas là pour nourrir des blaireaux.» On hésite à sourire, mais le malaise lié à la surpopulation de blaireau est bien présent.

 

La journée mondiale du blaireau, quelle idée...

L’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) a décrété le 15 mai comme «Journée mondiale des blaireaux» avec l’idée d’en faire une journée entière dédiée à la connaissance de l’animal, pour les jeunes et les moins jeunes. Derrière un affichage de pédagogie, il s’agit en réalité d’une action militante pour dénoncer la régulation du blaireau, et obtenir l’interdiction de toute pratique à cette fin. Sur son site web, l’Aspas indique en effet clairement vouloir «l’interdiction définitive de la vénerie sous terre» (déterrage) et a lancé pour cela une pétition en ligne. Si cette dernière atteint 100 000 signatures d’ici le 30 septembre, le Sénat serait alors engagé à créer une commission parlementaire pour étudier la possibilité d’une proposition de loi pour interdire la pratique de la vénerie sous terre.
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