Industrie
Ÿnsect : encore un sursis pour la ferme-usine d’élevage d’insectes de Poulainville
Le tribunal de commerce d’Évry a accordé au fabrication de protéines pour l’alimentation animale une prolongation de sa période d’observation jusqu’au 25 septembre prochain.
Le tribunal de commerce d’Évry a accordé au fabrication de protéines pour l’alimentation animale une prolongation de sa période d’observation jusqu’au 25 septembre prochain.

Grâce à l’apport de 8,6 millions d’euros de ses actionnaires, Ÿnsect pourra maintenir son activité jusqu’à la fin de l’année 2025. L’entreprise entend mettre à l’épreuve un nouveau modèle d’élevage « manuel », inspiré d’une méthode allemande, qui permettrait de maintenir 45 postes sur le site samarien.
« On nous parle d’opérations test, de convaincre des clients et des investisseurs, mais à chaque audience c’est la même chose : tester, convaincre, rechercher », déplorait il y a quelques jours auprès de nos confrères de France 3 Hauts-de-France, Hadrien Godard, représentant du CSE, qui pointe un manque de lisibilité pour les salariés.
Une première vague de licenciements
Cette prolongation coïncide avec la mise en œuvre du plan social : 66 postes doivent être supprimés à Poulainville sur 115, dans une première vague cet été, avant une seconde en septembre. À l’échelle du groupe, 140 postes sont concernés.
Certains salariés dénoncent des conditions anxiogènes : « Le terme humain n’existe pas dans ce dossier », pointe Hadrien Godard, alors que des procédures vont être lancées par les représentants du personnel pour obtenir des documents économiques et stratégiques afin de vérifier l’usage des fonds et l’existence éventuelle de conflits d’intérêts.
Un secteur fragile malgré des financements massifs
Créée en 2011, Ÿnsect a longtemps incarné le développement d’une filière protéines d’insectes en France, levant plus de 600 millions d’euros pour financer sa ferme verticale de 48 000 m² à Poulainville, présentée comme la plus grande du monde. Soutenue par Amiens Métropole, la Région Hauts-de-France et l’État, elle avait annoncé un carnet de commandes prometteur à son ouverture en 2021. Mais la faible acceptabilité des consommateurs et la concurrence des farines de poisson et de soja, nettement moins coûteuses, ont fragilisé le modèle.
« Ÿnsect n’a jamais atteint la rentabilité en quatorze ans, malgré ses volumes », analyse Corentin Biteau, président de l’Observatoire national de l’élevage d’insectes, rappelant qu’Agronutris, autre acteur majeur, traverse également des difficultés.
Mobilisation locale
Amiens Métropole, qui a soutenu Ÿnsect à hauteur de 770 000 €, a affirmé dans un communiqué daté du 1er juillet « son soutien au maintien d’une activité industrielle sur le site » et reste attentive à l’évolution de la situation. Une rencontre avec les représentants du personnel sera prochainement organisée, tandis que la collectivité interpelle le gouvernement pour préserver l’emploi sur le site. Pour les salariés, la situation reste lourde d’incertitudes.
« Beaucoup pensaient finir leur carrière ici, certains sont à leur quatrième licenciement après Whirlpool ou d’autres fermetures. Aujourd’hui, ils veulent juste passer à autre chose », conclut Hadrien Godard.