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Cinéma
5 hectares, en salles depuis le 27 décembre

Le film 5 hectares, réalisé par Émilie Deleuze, avec les acteurs Marina Hands, Laurent Poitrenaux, Lionel Dray et Lambert Wilson - il est sorti en salles depuis le 27 décembre - raconte la quête obsessionnelle d'un tracteur par un parisien qui se rêve en néo-paysan.

Film 5 hectares Lambert Wilson
© EX NIHILO

Qu’est-ce qui conduit un homme établi – l’acteur Lambert Wilson qui incarne Franck - à mettre en péril son confort, sa carrière et son couple ? La passion, d’autant plus brûlante qu’elle est tardive, pour cinq hectares de terre limousine. C’est ce que raconte le film 5 hectares, réalisé par Émilie Deleuze, avec les acteurs Marina Hands, Laurent Poitrenaux et Lionel Dray, sorti en salles depuis le 27 décembre. Mais la terre se mérite, surtout quand on vient de la ville. Voilà Franck précipité dans la quête du Graal, à qui il faut aussi un tracteur. Rencontre avec la réalisatrice du film. 

D’où vient 5 hectares ? 

D’un moment que j’ai vécu avec Marie Desplechin, la scénariste : un ami à elle a eu ce rapport à la terre après avoir acheté une maison à la campagne. Cinq hectares, c’est peu. S’occuper de ses cinq hectares est devenu une nécessité pour cet ami. Un peu comme Franck, le personnage, il n’en donnait pas les raisons parce que c’était pour lui une évidence. L’idée d’acheter un tracteur lui est venue ensuite pour devenir légitime aux yeux du voisinage paysan. Nous, on se dit que ce n’est pas un tracteur qui va suffire à le rendre crédible comme paysan. Surtout qu’il ne s’occupe pas de la terre, et ne s’en occupera pas ! Cultiver un terrain, c’est une compétence, on ne devient pas paysan du jour au lendemain ! Marie, moi, son entourage, on est rentré dans son rêve, qui est devenu rapidement notre cauchemar. Vivant la moitié du temps à la campagne, j’ai embarqué des amis dans cette recherche qui nous a pris plus de six mois. Je n’imaginais pas à l’époque qu’un tracteur de ce type était un objet si précieux. Tout a pris une proportion folle : la détermination de cet homme, de ce Franck réel, celle du type qui vend son tracteur puis se rétracte... tout cela, qui est dans le film, a existé. J’avais envie de montrer des personnages dits « de la campagne » sans les réduire à une fonction permanente comme on le voit souvent, où les paysans ont des problèmes de paysans, et, en face, les Parisiens ont des problèmes de Parisiens... Je voulais montrer les folies humaines, non réductibles aux clichés. Dès qu’on ouvre la porte d’une maison, il y a une folie quelque part. C’est donc la démesure de cet ami, à partir d’une situation anodine, qui nous a décidé́, Marie et moi. Il y avait une ampleur qui dépassait la simple historiette personnelle. 

On pourrait penser qu’acheter un tracteur pour avoir une légitimité́ de paysan est une idée dingue, pas crédible, or cela vient d’une véritable histoire. Le réel dépasse toujours la fiction ?

Oui, et cette idée était très forte chez cet homme. L’absence d’explication me frappait parce que j’y retrouvais un point de vue de cinéma dans tous les films que j’aime, ce cinéma américain des années 70 où on se retrouve avec des personnages qui font des choses incompréhensibles, absurdes, et vont jusqu’au bout. 

Au début du film, Franck n’est pas très sympathique, dans le genre Parisien arrogant. On se demande pourquoi il refuse que son voisin fasse paître ses vaches sur son terrain. Puis quand il devient obsédé comme un gamin par son tracteur, il devient plus sympathique, plus touchant. 

Avec Marie, on s’est battues à l’écriture pour imposer une complexité des personnages. Présenter un personnage bourgeois qui possède de la terre par le pognon, ça paraît vain de justifier son action. En ce sens-là, Franck est très antipathique. Refuser à un paysan de réclamer la possibilité de faire son travail, ça n’a pas de sens. Mais plus souterrainement, le problème de Franck n’est pas d’avoir, c’est d’être. Il veut devenir autre chose que ce qu’il est. Dans l’esprit de Franck, ce n’est pas « je possède parce que j’ai l’argent pour ça », c’est plutôt « je possède parce que je suis responsable ». C’est comme cela qu’il espère devenir ami avec son voisin paysan. Au début, le paysan est aussi antipathique que Franck dans son rapport à l’argent et à l’avoir. C’était intéressant de voir comment les personnages se retournent : une figure de salaud n’est peut-être pas tant que ça un salaud, et vice-versa. Et c’est leur manière de rien lâcher tout en s’ouvrant aux autres qui apporte la sympathie. Franck veut être légitime, avec tout le côté comique que cela revêt puisqu’il n’a aucune chance ! 

Lambert Wilson 5 hectares

Dans le mouvement du film et de Franck, le tracteur passe d’objet statutaire à objet de passion : ce qui était un moyen devient une fin en soi.

Je n’ai jamais su si le vrai Franck l’avait mesuré au début. Moi, j’étais prise par ça parce que je suis dingue des machines. Et je ne suis pas la seule : dans ses mémoires, Thierry Frémaux raconte qu’il est en haut des marches avec George Clooney et qu’ils échangent sur leurs portables leurs photos de tracteurs ! Ça signifie quand même quelque chose. De toutes les machines, le tracteur est celui qui revêt le plus un caractère de jouet. Mon tracteur, dans le film, il est tellement mignon, il est à mourir ! Il date des années 70, ce sont des machines increvables. 

A un moment, 5 hectares vire au road movie, quand Franck traverse la région sur son tracteur à 20 km/h. On pense à « Une histoire vraie » de David Lynch…

Il y a une grande douceur et bonté dans ce film. Évidemment, j’y ai pensé. Je me suis appuyée sur la construction en allégeant le caractère tragique pour le tirer plus vers la comédie. J’ai du mal à manier la tragédie. Quand je vois un événement tragique, je ne peux pas m’empêcher de déplacer le point de vue qui, alors, devient drôle. 

Lambert Wilson semble s’être amusé comme un enfant en jouant Franck ? 

Lambert m’a dit avoir attendu ce scénario. Quelque chose correspondait à sa manière de voir, de vivre. On n’avait pas d’argent et donc pas de loge. Mais il avait son tracteur ! Je savais qu’il était un grand acteur mais je ne savais pas comment il travaillait, l’air de rien, par en dessous. Il est très réservé, ne se met jamais en avant. Je ne l’ai pas compris tout de suite. C’est un travailleur acharné : les passages de Franck d’un état à un autre le mettait dans des états d’angoisse terribles. Il donnait l’impression d’un jeune acteur alors qu’il a 130 films derrière lui. Il est possible que cette peur lui donne le rythme, la tension. Il est magique ce mec. Il est d’une grande beauté physique et il la salit. Il n’a pas peur du ridicule, il y va à fond. La casquette qu’il porte dans le film, c’est lui qui l’a trouvée avec la costumière. Il lui fallait un élément et cette casquette a été fondamentale. Quand il a eu cette casquette, il a dit « Franck, je le tiens ». C’est le signe des grands acteurs. Dès qu’il montait sur le tracteur, Lambert était comme un fou, il ne respectait ni les instructions ni le code de la route, n’en faisait qu’à sa tête ! Lambert est l’être le plus délicat, le plus doux, le plus attentionné, mais sur son tracteur, il devenait un monstre ! 

5 hectares semble un film de l’après-covid, avec un début d’exode urbain vers les campagnes. Avec le recul, comment voyez-vous votre film ?

J’ai pensé à ce film avant le Covid mais en effet, Franck est représentatif d’un monde urbain qui cherche à quitter la ville. La différence avec d’autres, c’est qu’il n’en a pas du tout conscience. Franck a un seul problème : avoir un tracteur et être crédible. Après, je pense qu’un film ne peut jamais justifier de sa force en prétendant être actuel. L’actualité ne peut qu’alimenter quelque chose. Si j’essayais de définir ce film, je dirais que c’est le portrait d’un homme en plein changement radical, sous forme de comédie. Je repense aux histoires des films que j’aime tant : des mecs venus de nulle part, qui vont prendre une décision absurde qui va les entraîner loin, parfois jusqu’à la mort. Cet entêtement absurde me fascine. Dans le film, j’ai opté pour la comédie, j’ai tempéré́ l’affaire et Franck s’en sort finalement plutôt bien.

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