Chez ce polyculteur-éleveur, tout un système tourné vers l’agriculture régénérative
Chez Franck Dehondt, à Lucheux, l’élevage laitier est au service des cultures, et inversement. L’agriculteur s’est tourné vers l’agriculture régénérative il y a quatre ans. Il a récemment intégré un groupe pilote initié par General Mills pour aller plus loin dans ces pratiques.
Chez Franck Dehondt, à Lucheux, l’élevage laitier est au service des cultures, et inversement. L’agriculteur s’est tourné vers l’agriculture régénérative il y a quatre ans. Il a récemment intégré un groupe pilote initié par General Mills pour aller plus loin dans ces pratiques.
Une terre qui s’érode, des vivaces qui se développent et des rendements qui plafonnent. Ces problématiques ont poussé Franck Dehondt, polyculteur et éleveur laitier de Lucheux, près de Doullens, à se tourner vers les techniques de l’agriculture régénérative en 2018. «Mon objectif a toujours été de conserver, voire d’améliorer la fertilité du sol. J’ai diversifié davantage mes cul-tures, et je réfléchis aux couverts d’interculture les plus efficaces. Je n’ai presque pas labouré depuis vingt ans. J’utilise des techniques de travail simplifié, et un peu de semis direct», explique-t-il.
Récemment, avec neuf autres fermes, il a intégré un projet pilote pour développer ces pratiques, initié par l’usine Häagen-Dazs de General Mills, à Tilloy-lès-Mofflaines (62), que livre sa coopérative Prospérité fermière. Les dix fermes sont suivies par le BTPL (bureau technique de promotion laitière). «Il s’agit d’éleveurs de différents profils, avec des contraintes et des objectifs différents. Confronter leurs points de vue est enrichissant pour le groupe», commente Guillaume Tant, ingénieur agronome du BTPL qui anime le projet pilote.
L’enjeu commun est cependant partagé : aller vers une agriculture plus économe du point de vue de l’empreinte carbone. «Le but est d’identifier des freins et de mettre des leviers en place pour les lever.» Un premier audit a été réalisé en 2022. Le prochain le sera en 2027, pour mesurer les progrès. Pour Franck Dehondt, déjà bien avancé sur la réduction de l’empreinte carbone de son exploitation, la motivation est celle d’aller plus loin encore. «Pour cela, j’ai besoin de compétences. Le travail de groupe est un vrai moteur.» Plusieurs pistes de travail sont identifiées. «J’aimerais mieux valoriser mes effluents d’élevage, améliorer encore la vie des sols, et mieux gérer l’enherbement.»
Fertile association du colza
Parmi les actions déjà mises en place, Franck Dehondt pratique la culture du colza associé avec des féveroles et du trèfle. Les intérêts sont multiples. Premièrement, cela permettrait d’améliorer la nutrition azotée et le fonctionnement du colza. En se dégradant, les légumineuses restituent une partie de l’azote accumulé à l’automne. L’enracinement du colza est aussi amélioré. «Je table sur 3 qx/ha de rendement en plus, et d’une économie de 30 U d’azote.» Avec cette technique, la concurrence de la culture vis-à-vis des adventices devrait être améliorée, grâce à une biomasse bien développée. Les légumineuses pourraient même provoquer un effet leurre auprès des ravageurs, comme le charançon du bourgeon terminal et la grosse altise. Enfin, la fertilité du sol est améliorée. «Le couvert offre un travail du sol par les racines, et il se nourrit aussi de toute la vie microbienne qui se développe autour.»
Une litière qui vaut de l’or
Autre exemple, l’éleveur accorde un soin particulier à son fumier. «La fertilisation c’est de l’or», acquiesce Guillaume Tant. Avant chaque paillage de son bâtiment qui héberge une soixantaine de vaches, Franck Dehondt répand un peu de bactéries qu’il a multipliées dans un local prévu pour cela, isolé et chauffé à 34°C pendant dix jours. Comptez entre 15 et 50 €/1 000 l, pour un mois de paillage. Ces bactéries de fermentation digèrent les déchets du bétail. Les bénéfices sont nombreux : «La surface de la litière reste sèche beaucoup plus longtemps. Je cure tous les deux mois, contre quinze jours auparavant.» L’ambiance dans le bâtiment est améliorée, grâce aux rejets d’ammoniac très limités. «Ça se ressent sur la santé des vaches. Il y a moins de problèmes de mammites, moins de problèmes de cellules, et aussi moins de problèmes pulmonaires.»
Ces bactéries sont aussi répandues sur le fumier une fois exporté pour une meilleure fermentation. Ce tas de fumier est lui-même bichonné, puisqu’il est bâché. «Ça limite très fortement la perte des jus», assure-t-il. Cette tâche, qui peut paraître très contraignante, est bénéfique. «On peut perdre jusqu’à 60 % d’ammoniac (azote organique) et de potasse en un hiver de stockage en bout de champ. À 1 € l’unité de potasse, le bâchage permet 15 à 20 000 € d’économie», image Guillaume Tant. Se retrousser les manches peut valoir le coup.
Le pâturage tournant pour une meilleure autonomie
Six principes clés
qui anime le projet pilote, si les pratiques peuvent être adaptées à chaque système, six principes sont cependant définis :
- une diminution du travail du sol, «sans qu’il ne soit forcément totalement supprimé»
- une diversification des cultures dans l’assolement
- une couverture du sol la plus longue possible
- la conservation d’une racine vivante le plus longtemps dans l’année
- l’intégration des animaux dans le système
- l’articulation des ateliers pour une meilleure cohérence