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Billet d'humeur
Conflit de voisinage à Lignières-en-Vimeu : est-ce en voulant faire justice soi-même qu’on avance ?

Trois matins, quelques vaches nourries à l’aube… et voilà qu’un simple conflit de voisinage devient affaire nationale. Entre médias en émoi et justiciers auto-proclamés derrière un micro, le monde rural découvre que faire son métier peut parfois coûter cher. 

billet d'humeur Europe 1 tapage nocturne Olivier Berthe
Laisser tout dire et n'importe quoi dans les colonnes de L'Action agricole picarde, ce n'est pas notre tasse de thé.
© V.F.

Rarement une affaire de conflit de voisinage n’a connu un tel engouement ni suscité l’intérêt de médias aussi nombreux. L’affaire en question est samarienne : c’est celle qui a conduit Olivier Berthe, polyculteur-éleveur de bovins à Lignières-en-Vimeu (80), devant le tribunal de police d’Amiens le 14 octobre dernier pour « tapage nocturne ».

Ce qu’on lui reproche, pour ceux qui ne seraient pas encore au courant de ce dossier ? Avoir nourri ses vaches pendant trois matins d’octobre 2024, vers 6 heures, ce qui aurait gêné l’une des voisines de son exploitation.

Ce samedi 18 octobre, l’affaire a une fois encore fait les choux gras de la presse, et en particulier de la radio Europe 1, qui a consacré une partie de l’émission « Eliot Deval et vous » au conflit qui oppose M. Berthe et l’une de ses voisines. À l’antenne, sans grande surprise, les témoignages de soutien à l’éleveur s’enchaînent. Parmi les invités, même constat : tout le monde se range du côté de M. Berthe. Comment ne pas s’en réjouir, même si ce n’est évidemment pas une émission de radio qui fera pencher la décision qui plane au-dessus de la tête de M. Berthe d’un côté ou de l’autre ?

Si l’essence même de ce format d’émission est de laisser la parole libre aux auditeurs et aux invités, l’une de ces interventions ne nous a pas laissés indifférents. Cette parole libre, c’est celle de Patrick L., porte-parole national de la Coordination rurale (CR) et président de la Coordination rurale des Hauts-de-France.

Dans son intervention, alors qu’il fait partie des invités du jour aux côtés des chroniqueurs Georges Fenech et Alexandre Devecchio, Patrick s’indigne (évidemment) qu’un agriculteur soit traîné devant la justice pour avoir simplement fait son travail. On pourrait en rester là et passer à un autre témoignage si la suite de son propos ne nous avait pas heurtés.

Patrick ne se contente pas en effet d’apporter son soutien à l’éleveur ; il aurait d’ailleurs pu le faire dès le jour où l’agriculteur s’est retrouvé convoqué devant le tribunal… comme d’autres agriculteurs venus en nombre, dans la dignité et le respect. Non, Patrick a une manière bien à lui de vouloir faire justice. À l’antenne d’Europe 1, il affirme sans vergogne que la voisine qui a porté plainte ne mérite ni plus ni moins qu’une démonstration de ce qu’est un tapage, et propose donc d’aller « foutre le bordel » devant chez elle : « On va aller la voir, et on va foutre le bordel parce qu’on sait faire. De 7 h du matin à 22 h du soir. On va faire ça pendant deux jours ou trois et elle va comprendre », déclare-t-il.

La modération qu’on aurait pu attendre de l’animateur de l’émission se fait attendre. Elle est timide. Autour de la table, la proposition fait même rire. D’agriculteur et porte-parole syndical, Patrick ne devient pas avocat, ni même juge, mais endosse volontiers le costume de justicier. L’engouement médiatique aidant, les ailes poussent.

Finalement, ce qui n’aurait dû rester qu’un « simple » conflit de voisinage autour d’un « tapage nocturne » agricole a pris une ampleur nationale, alimenté par une couverture médiatique soutenue et des prises de parole parfois explosives. D’un citoyen lambda, planqué derrière son écran ou au volant de sa voiture, on pourrait « presque » l’entendre. D’un responsable professionnel, cela fait tâche.

Avec ce genre de propos, c’est sûr, le dialogue entre le monde agricole et la société civile va progresser ! Patrick, lui, est content. La voisine, si elle a entendu la chronique d’Europe 1, a la trouille. Et M. Berthe aussi, en attendant le matin du 25 novembre pour connaître la décision du tribunal. Une décision que l’on évoquera, avec le ton approprié, dans les colonnes de L’Action agricole picarde, bien évidemment.

Olivier Berthe, éleveur et polyculteur installé sur deux sites à Lignières-en-Vimeu et Foucaucourt-Hors-Nesle, s’est retrouvé à la barre du tribunal d’Amiens sans vraiment en comprendre la raison.
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