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Du safran bio made in Picardie

Maxime Thuillier s’est lancé dans la production de safran, il y a trois ans. Retour sur son parcours et cette production originale en terres samariennes.

La parcelle de 0,5 ha, entre Terramesnil et Beauquesne, dans laquelle Maxime Thuillier cultive du safran.
La parcelle de 0,5 ha, entre Terramesnil et Beauquesne, dans laquelle Maxime Thuillier cultive du safran.
© F. G.




Mais qu’est-ce qui peut bien pousser ce jeune ingénieur agricole, en charge de la commercialisation des céréales de la coopérative Cérèsia, à s’être lancé dans la production de safran bio ? Pour le savoir, il suffit de le suivre dans la parcelle qu’il y consacre, située sur un coteau pentu à souhait entre Terramesnil et Beauquesne. Le silence qui y règne, la beauté des paysages alentours et la faune qui s’y égaye sont une partie de la réponse. Une autre est à trouver du côté de sa passion pour l’agriculture. Parce que Maxime aime par-dessus tout cultiver la terre. «C’est mon unique souhait de cultiver, car j’ai déjà mon boulot», assure-t-il.
Une passion qu’il a toujours eue, bien qu’il ne soit pas issu du monde agricole. «Là où je suis le plus heureux, c’est sur mon tracteur, dans ma parcelle. Regardez autour de vous. C’est tellement calme et beau. Que demander de plus ?», vous interpelle Maxime Thuillier.  C’est à cet endroit précis que se ressource ce jeune homme qui vit à cent à l’heure tout au long de la semaine, et c’est ici que le travail de la terre prend tout son sens. Aussi, rien de plus naturel pour lui que de se lancer immédiatement dans le bio, «parce que cette agriculture est plus respectueuse de l’environnement, et parce que la parcelle, en jachère depuis cinq ans, s’y prêtait».
Mais, au fait, pourquoi le safran ? «On n’imagine pas pousser du safran en Picardie. Pourtant, cette plante aime les conditions difficiles. Alors, je l’ai fait», raconte celui qui aime les défis. C’est en fait un reportage sur le safran et un échange avec son oncle sur ce  sujet qui retiennent son attention. Puis, «pour valoriser cette terre difficile à cultiver de prime abord par sa déclivité et sa nature crayeuse, il fallait une culture viable, ainsi qu’un projet qui se tienne économiquement, donc une culture à forte valeur ajoutée», dit-il. Le safran coche toutes les cases. Banco. En 2016, Maxime décide de passer à l’action.

Des coteaux du Quercy à ceux de la Somme
Ses recherches le conduisent dans le Quercy, au Conservatoire du safran. C’est là qu’il y apprend les rudiments de la culture du safran et là qu’on l’oriente vers un producteur de la souche Quercy, seule souche française qui existe. S’il s’installe en avril 2016, après avoir fait son business plan, ses demandes d’aides auprès de la Région et la mise au point d’outils pour optimiser la culture des crocus de safran, dès décembre 2015, il achète 15 000 bulbes de safran de la souche française.
Avant de planter, il fait un labour d’hiver, puis passe ensuite la fraise rotative pour affiner le plus possible le sol. «Pour repousser la terre sur les côtés et creuser des sillons, où seront posés ensuite les bulbes en quinconce, j’ai fabriqué un soc de forme pointue», détaille-t-il. La plantation des bulbes se fait dans la première quinzaine d’août. Les premières fleurs apparaissent ensuite entre le 20 et le 30 septembre, puis s’ensuit une floraison intense durant un mois. En juin de l’année suivante, les bulbes sont arrachés, puis replantés en août, et ainsi de suite.
Mais le véritable challenge auquel il est confronté est le désherbage. Après avoir essayé le désherbage manuel, qui s’est révélé trop compliqué, le jeune agriculteur a testé un système de bâches géotextiles, posées en été lorsque les bulbes sont en dormance, puis retirées avant la floraison. Ce système présente un réel intérêt, mais le «hic», c’est que de nombreux mulots et campagnols y nichent. «Pour écrouler les galeries creusées par ces nuisibles, on a fabriqué une herse étrille spéciale», indique-t-il. Aujourd’hui, il teste une autre option : un coup de fraise superficiel sur le sol et un rebuttage derrière, en utilisant deux gros disques qu’il a fait fabriquer. Si le désherbage est bel et bien un casse-tête, la commercialisation en est un autre sur ce produit méconnu en terres picardes.

Quels débouchés ?
«La question des débouchés est réellement la première question à se poser, car la commercialisation est ce qui prend le plus de temps. Je pensais au début que le débouché que représente les restaurants suffirait, mais ce n’est pas le cas», indique-t-il. Et pour cause. Sa production va crescendo. Il est passé de 100 grammes en 2016, à 300 grammes en 2017, puis 510 grammes en 2018. Et cette année devrait être de même teneur que l’an dernier en raison du temps sec qu’il y a eu, bien que les plants se multiplient eux-mêmes. Il en compte désormais plus de 100 000.
Vendre en direct ? Impossible pour ce double actif, faute de temps. Outre les restaurants, il s’est donc tourné du côté des transformateurs locaux qui pourraient utiliser son safran dans de la bière, du rhum, du miel, des confitures, des fromages, etc. Aussitôt imaginé, il a poussé les portes de producteurs et artisans. C’est ainsi qu’est née «Aurum Picardiae», une bière bio au safran réalisée par la Petite brasserie picarde de Grandfesnoy, dans l’Oise. Depuis, une autre brasserie, cette fois-ci, dans l’Aisne, l’a contacté pour en faire autant. Autre création originale : du rhum arrangé au safran. Pour ce faire, Maxime travaille avec Ruhm Kodiak, basé à Saint-Maur, dans l’Oise. Des alcools au fromage, le pas a été vite franchi avec la famille Avet, à Eplessier (80), qui produit et transforme le lait de ses vaches. C’est ainsi que le safran s’est «acoquiné» avec leur tomme de vache.
Et les projets en cours de création ne manquent pas. Autre saveur : du chèvre au safran élaboré avec la chèvrerie d’Amplier, dans le Pas-de-Calais, etc.
L’heure est au test pour des confitures au safran, à Chuignes (80). Idem avec la société de biscuits La Pierre qui tourne, dans l’Oise. «Si les idées ne manquent pas et les gens sont prêts à travailler avec moi, la difficulté est quelle place trouvera le produit. Du coup, ils ont besoin d’être assurés sur les débouchés de vente», relève Maxime.
La suite ? «Pour voir plus grand, il faut que tout soit consolidé», indique-t-il. Mais l’idée est plus que tentante, d’autant qu’il dispose de terres pour s’étendre. «Le potentiel, on l’a. On a tout ce qu’il faut pour faire quelque chose de bien, ce qui me manque, c’est le temps», confie le jeune agriculteur. Aussi, pour aller de l’avant et plus loin, il envisage de rechercher un associé pour les travaux de culture, la transformation et la commercialisation. A suivre.

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