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Emmanuel Frémaux : un éleveur porcin heureux

Installé en Gaec avec les frères Poppe, à Villers-Tournelle, Emmanuel Frémaux, président de Porc d’Antan et de Saveurs picardes, est éleveur de porcs en filière qualité.

© AAP


De tous les animaux, celui qui a déclenché sa vocation d’éleveur est la truie. «C’est un animal attachant. La truie est très maternelle avec ses petits. Elle est joueuse, comme ses petits. Si je m’entends bien avec eux, c’est sans doute à cause de mon caractère de cochon», plaisante Emmanuel Frémaux. Un caractère fort apprécié par ces bêtes, puisqu’il suffit qu’il entre dans leur case d’engraissement pour voir celles-ci s’attrouper joyeusement autour de lui et ne plus le lâcher.
C’est pourtant en garde forestier, au milieu des bois et des forêts, qu’il imaginait sa vie. Bien que pris à l’école des eaux et forêts, après son bac, il tourne résolument le dos à ce chemin, par crainte de la lourdeur administrative de l’institution, du poids de la hiérarchie et des procédures. Pour ne pas trop s’éloigner toutefois de ce contact à la nature, développé lors de ses années de scoutisme, il fait un DUT d’agronomie, «une formation très générique, qui débouche sur pas grand-chose ». Mais c’est toujours mieux que d’être enfermé derrière un bureau.
Son rêve ? Etre indépendant et entreprendre à sa guise tous les projets qui l’intéressent. Il lui faudra cependant patienter un peu. Après un détour par le service militaire et un poste dans une entreprise spécialisée dans le traitement des déchets, il réalise enfin son rêve.

D’un projet à l’autre
Ce rêve débute par un drame, celui d’un grave accident de la route lors d’un déplacement professionnel. Ses six mois d’arrêt lui laissent tout le loisir de réfléchir et d’échanger avec son beau-frère, Jean-Michel Poppe, agriculteur et instituteur. Les deux sont taraudés par le même désir : faire partager leur goût de la nature et faire découvrir l’agriculture aux enfants. Ils suivent une formation fin 1995 et se lancent dans l’aventure en 1996. Emmanuel démissionne de son travail et devient salarié agricole à mi-temps.
«On a créé la ferme pédagogique dans un corps de ferme où il n’y avait plus d’animaux. Du coup, on a réaménagé des étables pour pouvoir accueillir tous les animaux composant une basse cour. Notre projet pédagogique portait sur l’éveil des cinq sens des tout petits. Ce fut un choix intuitif. C’était passionnant, et je n’allais plus enfin au travail en reculons, comme par le passé», raconte-t-il. Petit problème : l’activité est très saisonnière et l’homme n’est pas du style à se contenter de si peu, pas plus que de son statut de salarié. Mais s’installer sans terre ni capital est alors impossible.
Quand son autre beau-frère, Jean-Marie, qui s’occupe d’engraisser des porcelets, lui propose de produire eux-mêmes leurs bêtes pour résoudre leurs difficultés d’approvisionnement et de qualité, Emmanuel se jette à l’eau sans hésiter. Il demande à faire un stage découverte de quinze jours chez un voisin, éleveur de porc, en 1997, puis un autre, plus tard, d’un mois, où il pilote l’exploitation tout seul une semaine. «C’est mon premier stage qui a réveillé en moi une sensibilité d’éleveur que je ne me connaissais pas. Puis, rien de plus passionnant que de faire naître des animaux», raconte-t-il. Le voilà lancé. Il ne s’arrêtera plus.
Outre les trois cents porcelets engraissés dans leur porcherie, ils en font également 1 300 dans d’autres bâtiments loués tout autour. En 1999, il passe à temps plein lorsque les deux frères se lancent dans la construction d’un bâtiment de naissage avec cent autres truies. Deux mille porcelets sont produits par an. Emmanuel franchit un nouveau cap au début des années 2000, grâce à l’évolution de la loi sur l’installation agricole et... des bâtiments loués trop vétustes pour entrer dans les clous.
Etant désormais possible de réaliser une installation hors sol, mais uniquement en filière qualité, il se lance. Il devient associé des frères Poppe en 2005. Son projet ? Monter un bâtiment de 840 places sur paille, juste à côté de «la maternité». Entre-temps, ABS, association créée deux ans auparavant par quelques éleveurs porcins picards, vient les chercher quand elle lance sa marque Porc d’Antan picard. Là encore, aucune hésitation. Et pour cause : la valeur ajoutée est également répartie entre les différents acteurs de la filière et un prix plancher est fixé en dessous duquel personne ne descend.
La vente directe de caissettes de porc frais, qu’ils pratiquent déjà, prend alors son envol. Outre la viande fraîche, la demande augmente également en charcuterie sèche, pâtés, plats cuisinés... Pour y répondre, il instaure un partenariat avec la conserverie de Saint-Christophe.
Pour maîtriser encore plus la chaîne de production et «ne pas subir la dictature du marché», une nouvelle idée lui vient à l’esprit : monter une fabrique d’aliments à partir des céréales produits à la ferme. Si la banque le suit dans la construction du nouveau bâtiment, elle considère ce dernier projet prématuré compte tenu de sa jeune expérience. Elle change d’avis en 2010, ce qui lui permet de produire désormais 750 t d’aliments par an pour les 125 truies sur site et les 2 700 porcelets qu’il engraisse.

L’esprit de groupe
Sa volonté d’aller de l’avant et de comprendre tous les rouages d’une activité le conduisent à accepter la présidence du groupement ABS en 2008, l’association se demande s’il faut arrêter le groupement ou le poursuivre, à la suite de ses problèmes financiers. «Je me suis lancé, car je trouvais dommage de laisser tomber une association qui a su mettre en place une juste répartition de la valeur ajoutée entre la production et la commercialisation. Puis, cela m’a donné l’occasion de rencontrer plein de gens intéressants et passionnants qui m’ont donné plein d’idées», dit-il.
Le plein d’idées, il le fera aussi quand la Chambre d’agriculture vient frapper à sa porte pour qu’il intègre la plate-forme de commercialisation de produits picards qu’elle vient de créer, Saveurs picardes. Il entre au conseil d’administration, avant d’en devenir le président en 2013. Appétit de pouvoir ? Non. «Quand je rentre dans une structure, je m’intéresse à son fonctionnement et si l’on a besoin de moi, je fais. Mais je ne me vois pas président à vie. D’ailleurs, en 2016, à la fin de mon mandat de Porc d’Antan, je passe la main», assure-t-il.
L’heure d’un peu de repos aurait-il sonné ? Que nenni. Son prochain projet : un atelier de découpe et de transformation sur place. Le permis sera déposé fin novembre. «Tant que j’ai des idées, je continue. Mon objectif est de faire un produit de qualité, mais pas élitiste. Là est toute la fierté du métier d’agriculteur : nourrir les gens avec des produits de qualité accessibles à tous. C’est très motivant de savoir pourquoi on produit et pour qui, et dans un système où rien ne nous est imposé de l’extérieur», dit-il.

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