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Eppeville : nouvelle mobilisation contre la fermeture de l’usine

Mercredi 20 mars, salariés, syndicalistes et planteurs de Saint Louis Sucre, ainsi que des élus, ont de nouveau manifesté devant l’usine d’Eppeville, avant d’entamer une marche de deux heures dans les rues de la commune.

Quatre cents personnes selon la DCRG, cinq cents selon les syndicats, s’étaient mobilisées à l’appel des centrales syndicales pour manifester contre la fermeture de la sucrerie d’Eppeville.
Quatre cents personnes selon la DCRG, cinq cents selon les syndicats, s’étaient mobilisées à l’appel des centrales syndicales pour manifester contre la fermeture de la sucrerie d’Eppeville.
© J.-J. F.

Midi, mercredi 20 mars. Des militants de la CGT descendent des bus. Ils arrivent de tout le département, mais aussi des régions avoisinantes, et même du Centre, d’Auvergne et de Paca. Des salariés des groupes sucriers concurrents, Cristal Union et Tereos, sont également venus apporter leurs soutiens à leurs camarades d’Eppeville. Des élus locaux et régionaux, ainsi que des planteurs du groupe ont aussi fait le déplacement. Au total, ce sont plus de quatre cents personnes qui se sont retrouvées ce mercredi devant les grilles de la sucrerie d’Eppeville.
Depuis l’annonce de la fermeture de trois usines du groupe Südzucker en France pour 2020 (Cagny, Eppeville et Marseille), le 14 février dernier, les salariés ne décolèrent pas. Pourquoi Südzucker fait-il porter ses efforts de restructuration sur la France ? En effet, sur les 700 000 tonnes de sucre qu’il compte supprimer, 500 000 tonnes sont programmées en France, soit plus de 65 % de l’effort. Pourquoi ? Parce que le groupe sucrier allemand, en raison de la chute des cours du sucre sur le marché mondial et la surproduction actuelle, a décidé de recentrer son activité sur le marché européen. Telle est l’explication de Südzucker.

«Une vraie fumisterie»
«Leurs explications ne tiennent pas la route. On sait que les marchés sont fluctuants, et d’autant plus avec la fin des quotas. On ne comprend pas. Ce que l’on comprend, en revanche, c’est que le groupe allemand a décidé de privilégier la production en Allemagne et dans l’Est européen, bradant ainsi la production sucrière», s’insurge Régis Grost, représentant de l’intersyndicale des salariés d’Eppeville.
Et, cerise sur le gâteau, la sucrerie d’Eppeville se retrouve dans une «drôle» de situation, puisque le groupe Südzucker a décidé de maintenir dix salariés sur le site pour assurer le stockage du sucre, du sirop et de la mélasse, ainsi que l’activité de déshydratation de pulpes. Traduction : la production du sucre et celle de l’alcool étant transférées à Roye, il s’agit d’un transfert d’activité. Or, sans fermeture, pas de Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). «Nous, on a un boulot ici, une sucrerie qui fonctionne, des planteurs tout autour et de bonnes terres. Aussi nous leur proposons de voir comment les marchés vont évoluer plutôt que de fermer, car, par nature, ceux-ci connaissent des variations cycliques», ajoute le syndicaliste.
Même discours et même incompréhension du côté du maire d’Eppeville, Christophe Vassent. «Ce sont eux qui ont dit de développer le sucre, et d’augmenter les surfaces betteravières. Ils ont même investi dans cette usine l’an dernier et, maintenant, ils ferment parce que les marchés ne sont pas porteurs. C’est une vision à court terme. L’usine est viable. Quant à leur stratégie de maintenir dix salariés sur le site pour ne pas le fermer, c’est, pour moi, une vraie fumisterie», commente-t-il.
Une stratégie qui repose, en fait, sur deux axes. La première est qu’en maintenant des salariés sur le site, Südzucker ne tombe pas sous le coup de la loi Florange, qui impose, entre autres, en cas de fermeture d’usine, l’obligation pour l’industriel de chercher un repreneur. Ensuite, Südzucker n’est sans doute pas très chaud à l’idée que ses concurrents directs, soit Cristal Union et Tereos, en deviennent les futurs propriétaires.
Dans tous les cas, élus locaux et salariés iront jusqu’au bout, en espérant que Südzucker fasse machine arrière. Mais, «la grosse pression, c’est surtout l’Etat qui peut l’exercer. De notre côté, il faut qu’on montre qu’on ne lâche pas», reconnaît le maire d’Eppeville. «Des actions, il y en aura d’autres», promet le syndicaliste. Avant d’ajouter : «On est en train de construire une chaîne.» Prochain rendez-vous : le 2 avril,réunion à la centrale CGT, à Paris, sur le sujet du PSE. Le bras de fer ne fait que commencer. Tout aussi pugnaces se montrent les betteraviers.

«Si l’usine s’arrête, on est foutus»
«La betterave, on y croit». Tel était le slogan de Saint Louis Sucre, filiale française de Südzucker, qui fait tourner les usines sucrières chez nous. Un slogan qui reste en travers de la gorge de nombreux betteraviers, qui y ont cru aussi, en augmentant leurs surfaces betteravières avec la fin des quotas, à la demande de l’industriel, alors qu’ils n’étaient pas très chauds. Et des efforts, ils en ont fait aussi, en acceptant des prix de betteraves à la baisse pendant deux ans. «Nous avons un super bassin betteravier, et c’est ici même qu’ils décident de fermer. Si cela ne marche pas ici, ça ne marchera pas ailleurs. C’est en Allemagne et en Pologne qu’il fallait fermer les usines. Lâcher l’usine, ils ne le feront pas. Mais si elle s’arrête, on est foutus», commente Laurent Dossin, betteravier à Douilly et administrateur de la CGB Somme.
Ce sont plus de quatre cents planteurs et 21 000 hectares de betteraves qui sont concernés. Si l’usine de Roye peut absorber de 4 000 à 5 000 hectares, soit un quart de la production d’Eppeville, un autre quart pourrait être récupéré par les coopératives concurrentes, Cristal Union et Tereos. Mais rien de moins sûr, même si Cristal Union est en recherche d’hectares et a besoin d’une distillerie. Reste qu’une épée de Damoclès est bel et bien suspendue au-dessus des 10 000 hectares restants. Traduction : si Südzucker maintient sa position, des planteurs se retrouveront sur le carreau, dont, en première ligne, ceux de l’Oise, de la Seine-et-Marne et du Val d’Oise, les plus éloignés de l’usine de Roye.
Autre solution, sur laquelle travaille le gouvernement (cf. ci-dessous) : que Südzucker cède son site. Les planteurs seraient-ils prêts à s’organiser en coopérative pour reprendre le site ? Pas évident du tout. La CGB, elle, travaille sur plusieurs options, dont la reprise de l’outil. Qui serait prêt à mettre la main à la poche ? La réponse est toute trouvée : des sucriers français. On tourne donc en boucle, tant que Südzucker ne lâche rien.


Le gouvernement fait pression sur le groupe allemand Südzucker

Les dirigeants de Südzucker  ont été reçus, le 13 mars, par le ministre de l’Agriculture. «Le gouvernement a demandé de considérer toutes les options pour maintenir une activité industrielle sur ces sites, et notamment d’envisager la cession si des projets de reprise crédibles devaient émerger», selon un communiqué du ministère, affichant une intransigeance vis-à-vis de l’entreprise sur le respect de ses obligations légales. «L’Etat et les régions ont donc demandé au groupe allemand de revoir son projet et d’ouvrir les négociations avec l’ensemble de la filière», ajoute le communiqué. «Il n’est pas acceptable que la France subisse une solution brutale et supporte l’essentiel de la restructuration envisagée par Südzucker.» De son côté, le groupe allemand est resté discret : «Nous ne commentons pas ce genre de négociations», a réagi Dominik Risser, porte-parole du groupe sucrier, après avoir confirmé, le 13 mars, que l’arrêt de la production sur les deux sites de Cagny (Calvados) et d’Eppeville (Somme), était toujours d’actualité.
«Le gouvernement se donne huit jours pour écrire aux Allemands et leur dire tout le mal qu’il pense de leur projet», a assuré la députée socialiste du Calvados, Laurence Dumont, à l’issue d’une réunion explicative avec le ministre. «L’Etat leur a demandé de chiffrer un certain nombre de choses et leur a donné quinze jours à trois semaines pour apporter des réponses», a ajouté Loïc Touzé, délégué FO de l’usine de Cagny, en précisant que Südzucker avait précédemment estimé à deux cents millions d’euros la restructuration des cinq usines européennes qu’il entend fermer.
Au micro de Sud Radio, dans la matinée du 13 mars, Didier Guillaume avait plaidé pour une «réorganisation de la filière» du fait de la chute des cours.
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Le gouvernement veut priver Südzucker de crédits d’impôt

Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a déclaré, le 19 mars, devant les députés que le gouvernement français cherchait à éviter de verser des crédits d’impôt au groupe allemand Südzucker, qui souhaite fermer deux sites sucriers en France. «Nous allons regarder tout ce qui est en notre pouvoir» pour «ne pas leur verser» le CICE «très élevé qu’ils doivent toucher, parce qu’ils ont investi et embauché les années précédentes», a indiqué le ministre devant la Commission du développement durable.
«On attend que le ministère (du Travail) de Muriel Pénicaud nous donne des informations un peu plus précises», a-t-il ajouté. «Les Allemands, on peut le comprendre, favorisent leur propre pays par rapport à la Pologne et à la France (...) On ferait peut-être pareil, pouquoi pas ? Mais ce qui ne va pas, c’est qu’ils contournent la loi. En fait, ils ne ferment pas les entreprises, il reste cinq personnes dans le bâtiment. Donc, il n’ont pas à payer de plan social d’entreprise. Nous ne l’accepterons pas», a expliqué le ministre.

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