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Julien Denormandie : «J’agirai jusqu’au dernier quart d’heure»

Élection présidentielle, assurance récolte, proposition de loi Egalim 2, présidence française de l’UE, réduction des émissions de méthane. Le ministre de l’Agriculture passe en revue quelques-uns de ses principaux dossiers d’actualité. 

On vous sait proche du président de la République. Quelle sera votre implication durant la campagne présidentielle s’il se portait candidat ? 

J’agirai jusqu’au dernier quart d’heure, ainsi que l’a demandé le président de la République au gouvernement. Je ne suis pas en campagne. Je me bats pour nos campagnes et nos territoires. Ceux avec qui je travaille perçoivent, je l’espère, que ma méthode fonctionne : ouvrir des sujets – parfois très complexes –, les traiter et les clore. Nous en avons déjà instruit beaucoup : la Pac, France relance, des crises importantes comme la jaunisse de la betterave, l’influenza aviaire, le gel. Et il en reste beaucoup :
l’assurance récolte, le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, la proposition de loi Egalim 2 ou, encore, le plan pour accompagner les situations de détresse des agriculteurs. 

 

Dossier important pour la fin de mandat : l’assurance récolte. Emmanuel Macron a annoncé un financement de 600 millions d’euros par an, soit 300 millions de plus qu’aujourd’hui. Quelle conséquence pour l’agriculteur ?

La nouveauté est de reconnaître que le monde agricole ne peut couvrir tout seul ses risques climatiques. La nouvelle assurance récolte fera donc appel à la solidarité nationale pour le monde agricole. Les 600 millions d’euros en moyenne par an seront constitués de fonds nationaux et européens dès 2023. Nous allons proposer, pour les risques les plus importants, un système universel fondé sur la solidarité nationale, plus attractif et plus rapide. Il permettra de couvrir les assurés et les non-assurés. L’assurance ne sera pas obligatoire. Les agriculteurs seront, en revanche, incités à s’assurer. Quand un agriculteur demandera à un assureur de le couvrir, ce dernier aura obligation de le faire. Ce sera un système beaucoup plus régulé. Nous allons, par exemple, mieux réguler la détermination de la prime technique. Nous allons mettre en œuvre très rapidement les annonces du président de la République avec un projet de loi sur l’architecture du système qui sera proposé début décembre en Conseil des ministres puis examiné dès janvier à l’Assemblée nationale. Ensuite, il y aura un gros travail de concertation pour finaliser les détails, notamment la détermination des seuils, en se basant sur le rapport Descrozaille qui a été largement salué. 

Une partie de la solidarité nationale ira à la subvention des primes, sur laquelle le règlement européen Omnibus offre des possibilités. Aujourd’hui, si les primes sont élevées c’est que les assureurs sont au bout du système. Les deux principaux assureurs déclarent avoir beaucoup plus de sinistres que de primes. L’effet du nouveau système sur les taux de sinistres, proviendra aussi de l’intervention publique au-delà d’un certain seuil. Je suis convaincu que nous sommes en train de faire là l’une des politiques publiques les plus importantes depuis la création de la Pac. 

 

Deuxième dossier central, la loi Egalim 2 qui se base sur la non-négociabilité du prix agricole. N’est-ce pas un peu théorique ?

La loi Egalim 2 renvoie à la mère des batailles : la rémunération des agriculteurs. De là dépend notre propre modèle agricole qui produit une alimentation de qualité. Il nous faut admettre que la qualité a un coût. La guerre des prix est en opposition frontale avec la qualité. Nous avons des importations qui ne cessent de progresser, notamment dans les fruits, légumes et la viande. 

Egalim 2 ne revient pas sur Egalim, mais sur la loi LME (loi de modernisation de l’économie, adoptée en 2008, ndlr), destructrice pour la rémunération de l’agriculteur. C’était le résultat d’une volonté politique de donner du pouvoir d’achat aux Français. Elle a instauré la loi du plus fort et une déflation. La loi Egalim changeait l’état d’esprit ; avec Egalim 2, nous imposons une régulation. Cette loi repose sur trois piliers : un système de transparence des négociations pour sortir du jeu de dupes ; la non-négociabilité du coût des matières premières agricoles imposée pour la première fois, la non-discrimination tarifaire et le «ligne à ligne» entre industriels et distributeurs. Cette loi n’est pas complexe, elle régule. 

 

Comment contrôler la non-négociabilité des matières premières agricoles ?

Cela passe par la transparence du prix des matières premières agricoles tout en respectant le secret des affaires. Si entre l’industriel et le distributeur il n’y a pas d’élément ou de méthode de vérification sur le tarif des matières premières, le contrat sera sanctionnable. Le ligne à ligne sur les prix des services facilitera par ailleurs les contrôles. Et puis, nous instaurons un comité de règlement des différends pour régler les litiges entre le producteur et son premier acheteur. Aujourd’hui, on a un médiateur des relations commerciales, mais la médiation ne fonctionne que quand les deux parties sont de bonne volonté. On va donner au médiateur le pouvoir de saisir lui-même le comité de règlement des différends qui pourra imposer des astreintes jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires. Nous irons le plus loin possible dans la régulation des prix sans passer à l’administration des prix, cette dernière, l’histoire l’a montré, n’ayant jamais marché dans notre pays. 

 

Un accord a été trouvé pour réduire les émissions de méthane de 30 % d’ici 2030, contre 15 % dans la stratégie française bas carbone. Comment mettre en œuvre ces objectifs ?

Nous parlons d’un objectif partagé, proposé par l’Union européenne et les États-Unis à leurs partenaires internationaux, dans le cadre de la prochaine conférence internationale sur le climat (Cop26 à Glasgow). Cela concernerait toutes les activités humaines, notamment les déchets, mais aussi les émissions de méthane liées à l’industrie. Autant, pour de nombreux secteurs, c’est la voie des normes qui est envisagée, autant pour le secteur agricole, il s’agira de mesures incitatives.

 

À propos des pesticides, Emmanuel Macron est encore revenu sur la méthode du gouvernement, une baisse sans «impasse», ni «concurrence déloyale». Quel est l’objectif final ?

Il faut réduire là où c’est possible sans laisser d’impasse, car l’impasse amène à davantage d’importations. Interdire purement et simplement est un non-sens environnemental. Quand on est dans l’impasse, on importe. Et ce n’est pas parce que l’on dit ça que les transitions ne sont pas en cours. En 2020, nous sommes à 20 % de ventes en moyenne au dessous de la période 2012-2017, les CMR1 (substances les plus préoccupantes) qui sont un sujet de santé publique ont été réduits de 93 % par rapport à 2016. Enfin, si on veut que ces transitions s’accélèrent, il faut absolument qu’elles soient portées au niveau européen et international. Pour exemple, l’étude du JRC (Centre commun de recherche de l’UE) dit que le Green deal européen pourrait conduire à 10 à 13 % de la réduction de la production et une augmentation de 20 % des importations. On marche sur la tête. Cela veut dire que, tant que l’on ne met pas en œuvre les mesures-miroirs, la réciprocité, nos efforts auront aussi pour conséquence l’augmentation des importations. Il faut donc revoir les règles qui fondent le commerce international. C’est une priorité de la présidence française de l’Union européenne. 

 

À court terme, il y a une autre échéance, la révision de la directive européenne sur l’usage des pesticides, dont la Commission doit livrer une version au premier trimestre 2022. Quelle sera votre position ?

Oui, la directive sur l’utilisation durable des pesticides arrive également durant la présidence française. Il faut absolument l’utiliser pour accroître la dynamique à l’échelle européenne. 

 

Les dossiers d’actualité, en chiffres 

600 M, c’est le financement de la future assurance récolte, soit 300 M de plus qu’aujourd’hui, constitués de fonds nationaux et européens dès 2023.
2 secteurs continuent, entre autres, d’importer massivement : la viande et les fruits et légumes. La loi Egalim 2 doit imposer une régulation pour les limiter.
30 %, c’est l’objectif de réduction des émissions de méthane d’ici 2030 au niveau mondial. L’agriculture fait partie des secteurs concernés.
20 %, c’est la part pesticides vendus en moins en 2020 par rapport à 2012-2017. Le ministre en appelle à porter ces réductions au niveau européen et mondial pour qu’elles s’accélèrent.
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