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Lin
La récolte 2023 donne du fil à retordre au teillage de la Calira

La Calira (Coopérative agricole linière de la région d’Abbeville) invitait ses liniculteurs adhérents à son assemblée générale ce 14 décembre. Après le bilan de l’année correcte 2022, la mauvaise récolte 2023 était abordée. Les prix élevés garantissent toujours l’intérêt de la culture, mais l’outil de teillage est contraint de s’adapter.

D’une cadence de 2,7 tonnes à l’heure pour la récolte 2022, les équipes estiment passer à 2,1 tonnes à l’heure.
D’une cadence de 2,7 tonnes à l’heure pour la récolte 2022, les équipes estiment passer à 2,1 tonnes à l’heure.
© A. P.

5 616 kg de paille à l’hectare, et 18,68 % de richesse en fibres longues. C’est sur ces bons souvenirs de la récolte de lin 2022 que Vincent Delaporte, directeur de la Calira, introduisait l’assemblée générale qui se tenait le 14 décembre à Vismes-au-Val. Une note positive avant d’évoquer celle que les liniculteurs viennent de vivre, bien moins qualiteuse.

Concernant 2022, 8 813 hectares étaient emblavés. «La qualité correcte, voire bonne pour les lins enroulés mi-septembre, ont permis un teillage sans trop de difficultés.» Vincent Delaporte pointe tout de même quelques défauts qui ralentissent la cadence de l’outil, et qui pourraient être évités : «des pailles humides, des ficelles mal centrées, des nappes pas assez épaisses, avec des pieds retournés…» 8 948 tonnes de lin teillés ont été produits et commercialisés. Cette campagne s’est bouclée début décembre. Les ventes, elles, se sont faites «en flux tendu», avec des prix en hausse constante. Pour rappel, le prix moyen sur douze mois toutes récoltes, toutes qualités de fibres longues, est de 5,71 €/kg. La recette moyenne nette est historique à la Calira, avec 5 815 €/ha, soit presque 2 000 € de plus qu’en 2021. «Il y a de grands écarts selon les parcelles cependant», tempère le directeur.

Cette bonne recette était l’occasion pour la coopérative de créer une réserve de 2 M€ pour «provisions aléas agricoles». «Elle permettra de contribuer au revenu du coopérateur en cas de coup dur. Les bonnes années, on met de côté, et les mauvaises, on peut redistribuer», explique Vin-cent Boche, le président. 2022 était «l’année où il fallait le faire», puisque la récolte 2023 engendrera à coups sûrs un surcoût au teillage. 8 613 ha de lin de printemps et 200 ha de lin d’hiver étaient cette fois emblavés. «Les semis ont été réalisés du 15 mars au 10 mai dans les sols mal ressuyés, puis les plantes ont subi de fortes attaques d’altises, un mois sans une goutte d’eau du 15 mai au 17 juin, et un fort vent de Nord Est. Je n’avais jamais vu des lins souffrir autant», rappelle Vincent Delaporte. 465 ha, soit 5 % de la surface, n’ont pas été arrachés car trop abîmés. L’estimation faite aujourd’hui est de l’ordre de 3 800 à 3 600 kg/ha de paille, dont 12 % de fibres longues. «La filière va souffrir d’un manque de matière.»

Une transformation laborieuse

Au teillage, «tout est difficile». «La préparation des balles mal conformées, leur déroulage et la mise en forme de la nappe rendent le travail physique et fastidieux pour les opérateurs.» D’une cadence de 2,7 tonnes à l’heure pour la récolte 2022, les équipes estiment passer à 2,1 tonnes à l’heure. «Pour faire face au manque de matière, nous devons adapter l’outil.» Cela passe par l’arrêt du travail de nuit et des heures supplémentaires, soit 25 % de travail en moins. Seul les lignes de teillage des étoupes et la toutes fibres restent en 3/8 pour valoriser au mieux ces matières. Dix CDD n’ont pas été renouvelés. La Calira a aussi décidé d’une approche pragmatique pour valider ou non la mise en œuvre d’un lot au teillage. «Le taux de filasse, le poids de paille à l’heure et la qualité prix du lin teillé détermineront l’intérêt économique d’une transformation.»

«L’ensemble du personnel va faire des efforts pour transformer cette récolte au plus vite, en espérant qu’elle ne soit plus qu’un mauvais souvenir», souffle Vincent Delaporte. En 2024, 9 500 ha de lin sont prévus. «C’est une perspective rassurante.»

 

Des leviers techniques

Difficile, depuis 2020, de performer en termes de rendement en fibres longues du lin. Chaque année, la plante souffre des aléas climatiques. À la Calira, on estime la perte de productivité à hauteur de 30 %. De quels moyens disposent les liniculteurs pour y faire face ? Telle était la question posée lors d’une table ronde, à l’assemblée générale. «Une maîtrise technique est indispensable», rappelle Fabien Leroy, responsable culture. Première étape : une bonne préparation de sol. «Allez vérifier l’état de la structure avec une bêche avant de définir la stratégie. On remarque de plus en plus de phénomènes de compactage. Cet hiver encore, les terres souffrent des arraches tardifs des betteraves.» Le technicien n’est pas fermé aux techniques de non-travail du sol. «Elles peuvent amener à 40 % de rétention d’eau supplémentaire, mais seulement s’il s’agit d’un bon non-labour.» Un rapport C/N équilibré grâce à un bon engrais vert, bien détruit, sera aussi bénéfique. Les apports doivent être effectifs (potasse, phosphore…). «Il faut tenir compte de la ressource disponible et de la vie du sol.» Les bonnes conditions de semis doivent aussi être réunies avant de passer à l’action : température, humidité, terre suffisamment ressuyée.
Quant au choix de la variété ? «70 % du rendement est obtenu grâce à l’interaction du travail de l’agriculteur avec les conditions météo. 25 % sont dus à la génétique», prévient Reynald Tavernier, sélectionneur chez Linea semences de lin. Les essais variétés menés par Arvalis ont révélé un écart de 400 kg de filasse/ha entre la moins bonne et la meilleure variété testée. En tête : Stereo, avec 490 kg de fillasse. «On peut espérer gagner encore en rendement avec les variétés en cours de sélection.» Pour l’heure, le spécialiste conseille de multiplier les variétés et de semer à différentes dates, dans la mesure du possible, pour diviser le risque.
Le lin d’hiver fait partie de cette sélection. En 2023, l’écart de rendement surprenant plaidait en sa faveur. Pour autant, il ne s’agit pas de se jeter dessus. «Ça reste la roulette russe, rappelle Fabien Leroy. Il pourrait geler une année sur quatre. Les liniculteurs doivent apprendre à maîtriser l’itinéraire technique. Et il reste de moins bonne qualité qu’un lin de printemps.» Une alternative, donc, mais qui ne doit pas être la seule réponse.

 

Essai encourageant pour le chanvre

2023 était pour la Calira une première année de récolte et de transformation de chanvre textile. «Il s’agit d’un projet que nous menons avec trois autres coopératives de la région : La Linière, Opalin et Lin 2000, avec la création d’un GIE (groupement d’intérêt économique)», rappelle Vincent Boche, président de la Calira. Plusieurs raisons ont poussé les coopératives linières à s’intéresser à cette nouvelle culture. La demande en fibres naturelles est en forte hausse, mais le développement des surfaces de lin est limité par la zone géographique et par la nécessité d’une longue rotation. Ajoutez à cela l’évolution du climat, avec la récurrence des printemps secs, qui limite le rendement ces dernières années. «Jusqu’ici, le potentiel fibre du chanvre était connu, mais le mode de récolte restait inapproprié à la valorisation de la fibre longue.» 150 ha étaient emblavés cette année, dont 30 ha pour la Calira. Un premier essai encourageant. «Pour pouvoir poursuivre le développement, nous avons encore des enjeux à relever.» Un soutien à l’expérimentation est indispensable : recherche variétale chez Linea, technique culturale (date et densité de semis, gestion des ravageurs), technique de récolte (date et stade de fauchage, gestion du rouissage et de l’enroulage), technique de transformation. Concernant la récolte, une première faucheuse Hyler Sativa 200 a été achetée et expérimenté par le GIE. L’objectif, pour développer les surfaces et la production, est de disposer à moyen terme d’une machine par coopérative.

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