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Les élevages de porcs alternatifs trinquent aussi

La crise porcine n’épargne pas les élevages dits «alternatifs», qui tentent de répondre le plus possible aux attentes sociétales. Christophe Menard, qui a construit sa porcherie «bien-être» en 2019 à Moreuil, témoigne. 

La porcherie de Christophe Menard répond aux normes de bien-être animal. Cette pratique, ainsi qu’une commercialisation locale, lui assurent un débouché, mais pas une valorisation à la hauteur des efforts. 
La porcherie de Christophe Menard répond aux normes de bien-être animal. Cette pratique, ainsi qu’une commercialisation locale, lui assurent un débouché, mais pas une valorisation à la hauteur des efforts. 
© A. P.

Depuis 2019, après l’incendie qui a détruit l’ancienne porcherie, les 170 truies de Christophe Menard se prélassent dans un épais tapis de paille. En maternité, elles disposent de davantage de place, et sont libérées de leur contention au bout d’une semaine, contre quatre en conventionnel, puis sont en liberté dans leur case. Les porcs en post-sevrage et en engraissement eux, sont logés en groupe dans un second bâtiment. Trois salles se composent d’une zone pour manger, d’une autre pour dormir, et d’une dernière pour jouer avec des matériaux manipulables tels que des ballons, de la paille et des chaînettes. Des installations qui correspondent aux normes européennes sur le bien-être animal. 

Pour le consommateur, l’image compte autant que le produit. Elle va prendre de plus en plus d’importance

L’éleveur de Moreuil a décidé de se relever après ce coup dur, en misant sur l’innovation. «J’ai beaucoup réfléchi à cette reconstruction, car c’est un investissement sur quinze ans.» Et puis la passion du métier l’a rattrapé. «Maîtriser du semis du grain à la vente du cochon, en passant par les naissances, a du sens. Rien n’est figé. C’est un challenge de tous les jours.» La construction des deux bâtiments d’élevage a été mûrement réfléchie. «Pour le consommateur, l’image compte autant que le produit. Elle va prendre de plus en plus d’importance. La filière locale, qui garantit le respect du bien-être animal, me semble prometteuse.»

 

Un surcoût de production…

Ces pratiques impliquent un surcoût de production. Il est notamment induit par l’espace supplémentaire dont disposent les truies. Sa maternité compte trente-six place, contre cinquante dans un même espace en conventionnel. C’est aussi une charge de travail supplémentaire. L’espace sur paille, par exemple, est curé et repaillé chaque semaine. Un salarié à temps plein, en plus de Christophe, est dédié à cette activité d’élevage porcin. «J’estime 25 à 30 % de coûts supplémentaires. Et encore, je produis mes céréales à la ferme.» 40 ha de maïs sont dédiés à l’élevage porcin, ainsi que du blé et de l’orge. Les rations, établies selon le stade physiologique du cochon, sont complétées de coproduits : de la purée de pommes de terre de l’usine Mousline de Rosières-en-Santerre et de la crème de pois de l’usine Roquette de Vecquemont. «La protéine est apportée le plus possible grâce aux tourteaux de colza. Mais pour les porcelets, le plus adapté reste le soja.»

 

… peu compensé

Reste qu’aujourd’hui, les porcs de Christophe Menard ne sont pas valorisés plus que d’autres. «Je suis aussi soumis aux prix du Cadran (marché du porc Breton de Plérin, ndlr). Mais je dispose tout de même d’un avantage : celui du volume qui est sécurisé.» Ses 4 500 porcs sont vendus chaque année via la coopérative Cobevial à Salaisons du terroir, à Villers-Bretonneux, une PME de l’agroalimentaire spécialisée dans la charcuterie. Ils sont ensuite commercialisés aux magasins de la région. Les grandes surfaces achètent sa viande en priorité. La photo de l’éleveur, avec un descriptif vantant le local et le respect du bien-être, mettent en avant le produit dans les rayons. 

La trésorerie de l’éleveur, en revanche, se tend. «Aujourd’hui, avec la crise, les recettes sont inférieures au coup de production, avoue-t-il. Je suis obligé de faire des demandes de court-terme pour limiter les dettes.» Christophe veut cependant croire à un avenir meilleur. «J’espère une remontée des cours, et que le soutien des pouvoirs publics soit efficace.»

Lire aussi : 

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Toujours plus de bien-être

Quand les animaux vont bien, tout va bien. Cette affirmation sonne comme une devise dans l’élevage de porcs de Christophe Menard. Pour l’éleveur, le bien-être est un défi qui évolue sans cesse. La maternité en est un exemple. Chaque case dispose d’un nid, chauffé à 28 ou 29°C, dans lesquels les porcelets se blottissent. «Ces nids garantissent aux porcelets une température idéale qui favorise leur croissance. Les truies, elles, bénéficient d’une température ambiante de 18 à 20°C qui leur offre du confort», explique-t-il. 
Au bout de huit jours, les truies sont libérées de leur contention, et retrouvent leur liberté de mouvement dans leur case. Une trappe est aussi ouverte, pour permettre aux portées de porcelets de se rencontrer dans un couloir central. «J’espère que grâce à cette socialisation, je ne serai plus obligé de leur couper la queue, car ils se la mordraient moins.» Le premier test semble prometteur. «Il faut voir ce que ça donne dans la durée.»
Quant à la castration des porcelets ? Christophe ne la pratique tout simplement pas. «Les porcs partent vers cinq mois et demi. Ils n’ont pas le temps de sécréter les hormones qui donnent un goût à la viande (androsténone et scatol, ndlr).»
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