Organisation
Pourquoi la FRSEA appelle à structurer des filières
Anciennes ou plus récentes, plusieurs organisations de producteurs ont témoigné de leur fonctionnement et bénéfices auprès de leurs adhérents lors de l’assemblée générale de la FRSEA Hauts-de-France qui appelle à leur développement.
Anciennes ou plus récentes, plusieurs organisations de producteurs ont témoigné de leur fonctionnement et bénéfices auprès de leurs adhérents lors de l’assemblée générale de la FRSEA Hauts-de-France qui appelle à leur développement.

La preuve par des exemples. Lors de son assemblée générale le 23 mai dernier à Licourt (80), la FRSEA des Hauts-de-France a rappelé tout l’intérêt qu’elle porte à la structuration des filières afin, dixit son président Simon Ammeux, de «garantir le revenu des agriculteurs.» L’autre enjeu pour la FRSEA d’appuyer à cette structuration, c’est aussi d’éviter des «flops» : «On a tous en tête des exemples de filières qui étaient florissantes et qui se sont cassées la figure parce qu’elles n’ont pas réussi à s’organiser», a ainsi rappelé Simon Ammeux, citant l’exemple du lait bio.
Fluidifier les relations
D’autres en revanche fonctionnent et c’est sur elles que la FRSEA compte capitaliser à l’heure où de nouvelles productions font leur apparition dans la région et que d’autres se développent à grande vitesse. C’est le cas, par exemple, de l’organisateurs de producteurs Bailleul, regroupant les éleveurs laitiers livrant l’usine Danone de Bailleul (59). À sa tête, Gilles Durlin est revenu sur la manière dont le regroupement des producteurs de lait en OP a permis de «clarifier» la relation avec le transformateur. La particularité de l’OP Bailleul est de disposer d’un contrat-cadre avec Danone, dont découle un contrat individuel pour chaque éleveur avec l’industriel. L’OP bénéficie également d’un mandat de négociation et de facturation pour ses adhérents, ce qui permet de faciliter la relation.
Pour Gilles Durlin, avoir une OP face à un industriel n’est pas forcément synonyme de conflit… au contraire : «Nous avons au sein de notre OP un attachement fort à l’entreprise à laquelle nous livrons, même si l’OP a un contrat avec un autre industriel qui permet d’avoir une alternative. Nous ne sommes pas là pour couper le cordon avec Danone, mais il y a une réalité. Quand on organise une réunion sous la bannière de l’OP, on constate qu’il y a plus de participants que lorsque l’industriel organise lui-même une réunion sous le même thème. Cela montre bien que l’on est crédible…»
Sans OP, pas de programmes opérationnels
Dans le secteur des légumes, deux modèles ont valeur d’exemple. Le premier, c’est Cap Endives, une organisation de producteurs d’endives qui en rassemble 13 pour un volume produit d’environ 8 500 tonnes par an. Pour sa présidente, Florence d’Halluin, l’organisation d’endiviers au sein d’une OP a jusqu’à présent «permis de maintenir une production qu’on ne veut pas voir disparaître», de «commercialiser plus facilement» et de bénéficier de programmes opérationnels.
En endives, 92 % de la production française est aujourd’hui organisée en OP. Or, les programmes opérationnels auxquels sont éligibles les producteurs d’endives via leurs OP permettent par exemple de bénéficier de mesures de gestion de crise et d’aides à l’investissement. Pour Éric Legras, désormais ex-président de l’OPL Vert, les bénéfices d’une organisation de producteurs pour les agriculteurs produisant des légumes de plein champ pour Bonduelle sont à peu de choses près les mêmes que ceux vantés par Cap’Endives. Le premier argument qu’il met en avant pour promouvoir l’organisation est la maîtrise de l’offre : «Puisque nous n’avons pas le droit à l’entente, le seul outil que nous avons pour obtenir un prix satisfaisant est de maîtriser l’offre et d’apporter à l’industriel une garantie sur une qualité et des volumes (…) Notre relation avec Bonduelle est particulière puisque c’est notre seul client et que nos productions sont fragiles, mais nous nous inscrivons dans une démarche gagnant-gagnant», témoigne Éric Legras. Le regroupement des producteurs en OP – l’OPL Vert existe depuis 1997, associe 690 producteurs pour quelque 13 000 hectares – permet également de bénéficier de programmes opérationnels donnant droit à des subventions pour investir dans de nouvelles pratiques et de nouveaux outils. Ainsi, grâce à l’OPL Vert, les producteurs de légumes qui y adhèrent peuvent désormais profiter de deux robots de désherbage.
Pas de modèle unique
En ce qui concerne la filière pommes de terre, le président de l’UNPT, Geoffroy d’Évry est convaincu que «si des groupements ne s’étaient pas mis en place, on aurait eu des mauvaises surprises…» Le message à l’adresse d’industriels qui auraient la tentation de faire autrement est donc on ne peut plus clair. Pour lui, la relation entre un producteur et un industriel «ce n’est pas le pot de terre contre le pot de fer, mais il faut reconnaître que le groupement permet d’avancer dans un but commun. Si demain il n’y a plus de producteurs, je ne sais pas comment les usines vont tourner», a-t-il assuré. Geoffroy d’Évry rappelle qu’il «n’existe pas un modèle, mais des modèles» pour structurer une filière. Problème, si la volonté est là, la réglementation, qu’elle soit européenne ou française, peut compliquer la mise en place d’organisations de producteurs. Du côté de la Région Hauts-de-France, on partage aussi le constat selon lequel «toutes les filières ne fonctionnent pas de la même manière». Pour Marie-Sophie Lesne, la vice-présidente du Conseil régional Hauts-de-France en charge de l’agriculture, force est toutefois de constater que «l’organisation en groupement face à un industriel permet d’entretenir des relations intelligentes. On dépasse une relation simplement commerciale. Un groupement permet à des producteurs de se réunir pour peser, mais cela permet aussi de donner une visibilité»
L’aide à la structuration de la Région
Pour l’élue de la Région, qui rappelle sa volonté d’aller régulièrement à la rencontre des filières, le constat est un besoin de structurer certaines productions qui semblent encore aujourd’hui à la peine, comme l’élevage porcin ou la volaille : «Des efforts sont faits, mais il faut aller plus loin», a exhorté Marie-Sophie Lesne. Pour accompagner les productions qui souhaiteraient davantage s’organiser, elle rappelle l’existence du dispositif Cap’fil Agri.Cap’fil Agri, c’est une aide régionale destinée à «faciliter la mise en réseau des acteurs afin de permettre leur engagement dans la construction à long terme de plans de filières s'appuyant sur une stratégie et des objectifs communs partagés par l'ensemble des partie-prenantes.» Autrement dit, il s’agit d’aider les agriculteurs – mais pas seulement – à se structurer en contrepartie d'engagements partagés et réfléchis en concertation avec tous les membres d’une filière (… ) pour accroître la résilience des filières agricoles et générer de la valeur aussi bien pour l'amont que pour l'aval, développer et accompagner la transition agro-écologique et la sobriété carbone, développer et améliorer les Signes d'Identification de la Qualité et de l'Origine (SIQO) dont l'agriculture biologique). Un des exemples les plus emblématiques ayant bénéficié jusqu’à présent de ce dispositif est le regroupement d’éleveurs de poules pondeuses pour l’entreprise Cocorette.
Cocorette, l’exemple d’une organisation de producteurs en construction
Comme l’a souligné dans son rapport moral Simon Ammeux, l’une des missions de la FRSEA Hauts-de-France est d’accompagner la structuration des filières. Un de ces dossiers sur lequel la profession s’engage, c’est la mise en place d’une organisation de producteurs (OP) réunissant les éleveurs de poules pondeuses livrant à Cocorette. En attendant cette prochaine étape, 45 éleveurs sur les 130 producteurs Cocorette des Hauts-de-France et de Seine-Maritime livrant au centre de Doullens sont aujourd’hui réunis au sein d’une association. Selon la FRSEA Hauts-de-France, depuis la création de cette association, «les discussions avec Cocorette se sont améliorées et les producteurs ont pu obtenir une première revalorisation du prix d’achat de leurs œufs pour toutes les filières.» Le travail n’est pour autant pas terminé, et les discussions se poursuivent avec la direction de Cocorette «afin de proposer un nouveau contrat entre Cocorette et ses producteurs.» L’association a également mis en place une commande groupée de machines de marquage à la suite du décret du 8 novembre 2024 qui oblige désormais les producteurs à marquer les œufs directement sur leur exploitation. Les prix des machines ont pu être négociés avec les fournisseurs afin d’obtenir des réductions sur ces machines coûteuses pour les producteurs. Par la suite, l’objectif est d’étendre les commandes groupées à d’autres produits essentiels pour les adhérents.
Au sein de l’association, des calculs de coûts de production chez les adhérents pour l’activité poules pondeuses sont réalisés afin de leur fournir des chiffres précis et améliorer la performance technico-économique de leur atelier. «Ces données sont recueillies de façon anonyme au sein de l’association et permettent de trouver les leviers à améliorer au sein des exploitations pour améliorer leur production et ainsi leur rémunération», précise Caroline Lefebvre, qui préside l’association des éleveurs livrant à Cocorette. Celle-ci a désormais pour objectif de se structurer en OP «afin de pouvoir légitimement négocier avec l’entreprise Cocorette et fédérer les producteurs autour d’une rémunération juste de leur travail», indique la FRSEA. Cette reconnaissance permettrait aux producteurs d’encadrer les négociations commerciales du prix d’achat de leur production, en étant dans les clous vis-à-vis de la réglementation. La demande de reconnaissance auprès du bureau du ministère de l’Agriculture en charge de la reconnaissance des OP devrait être déposée fin juillet 2025.