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Prix des betteraves : pour les planteurs, le compte n’y est pas !

Qu’ils soient chez Tereos, Saint Louis Sucre, ou Cristal Union, les planteurs sont inquiets sur le devenir de la filière au vu des prix reçus pour leurs betteraves. Comment envisagent-ils la suite ?

En fin de carrière, Xavier Ribecourt, planteur Saint Louis Sucre, n’imaginait pas être confronté à un contexte betteravier aussi catastrophique. Installé depuis 1985 sur la ferme familiale, à Laboissière-en-Santerre, la betterave a toujours fait partie des cultures rentables, même si elle n’occupe que 22 ha sur les 135 ha de l’exploitation. Jusqu’ici, celle-ci représentait 30 % de son chiffre d’affaires. Cantonné à une dizaine d’hectares du temps des quotas, le planteur n’a pas hésité à augmenter sa surface betteravière avec la fin des quotas, «à la demande de l’industriel, et parce que c’était intéressant pour l’assolement. Puis, les prix étaient rémunérateurs», indique-t-il.
Premier coup de massue avec les prix de la récolte 2017, soit autour de 22 à 23 €, «ce qui couvrait à peine les coûts de production, et encore si on inclut les pulpes». Résultats des courses : un manque à gagner de 6 000 € sur son chiffre d’affaires. Cette année, avec un prix final qui devrait atteindre les 17  €, ce sera 12 000  € en moins, voire pire. «C’est catastrophique pour nous, d’autant que notre rendement a diminué entre la récolte de 2017 et celle de 2018, passant de 99,6 t/ha à 16° à 84,2 t/ha à 16°. Quand je pense que Saint Louis Sucre nous a assuré qu’il allait bien vendre nos sucres et nous verser un supplément de prix, je ne décolère pas. Ce supplément, on ne l’a pas eu pour la récolte 2017, et il y a fort à parier que nous ne l’aurons pas pour celle de 2018», enrage-t-il. Conséquence immédiate : le remboursement des prêts après le chèque betteraves est difficile.
Certains planteurs, qui achètent leurs semences et produits chez Saint Louis Sucre, seront même contraints de rendre de l’argent à l’industriel, pour payer leurs factures. Un comble pour Xavier Ribecourt. «Ce qui m’interloque également, c’est que l’on ne voit pas à quoi correspond le prix de la betterave, car celui-ci ne correspond pas au prix du sucre. Soit ils vendent le sucre très mal, soit ils cherchent à nous entuber. A l’avenir, il faudra fixer un prix minimum, sinon on ne leur fera plus confiance», s’indigne-t-il.
Pour l’heure, il s’interroge sur l’avenir. Que faire ? Réduire ses surfaces ? Supprimer la culture de la betterave ? «Pour abandonner la betterave, il faut trouver d’autres cultures. Du blé sur blé, je ne suis pas partisan. Faire plus de légumes, ce n’est pas gagné, car je n’ai pas l’irrigation. Augmenter la surface linière, c’est une option, mais si on fait tous la même chose, on va déséquilibrer ce marché qui, pour l’heure, est très porteur. Puis, c’est une culture onéreuse à produire et très fragile. On peut tout perdre avec un aléa climatique. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne pourra pas faire de la betterave à ces prix-là. Mais je n’imagine pas mon exploitation sans betteraves», dit-il.

«Je croyais à l’esprit coopératif»
Si les planteurs de Cristal Union ne sont pas dans la Bérézina comme ceux de Saint Louis Sucre, ce n’est pas non plus la panacée. Florian Delplanque, installé depuis 2010, à Bray-sur-Somme, sur une exploitation de 150 ha, dont 44 ha dédiés à la betterave, est devenu coopérateur Cristal Union quand la coopérative a racheté Sainte-Emilie. «Je croyais à l’esprit coopératif. On nous avait dit que nous deviendrions des planteurs historiques, et donc qu’on serait payés comme eux, après une période de convergence de quatre à cinq ans. Sauf que cela ne s’est pas passé ainsi avec la chute des cours», explique le trentenaire.
Cette année, ce ne sera pas 24 €/t à 16° qu’il devrait toucher comme pour la récolte 2017, mais 22 €/t à 16° pour celle de 2018, avec les compléments de prix. Soit 8 000 € de moins de trésorerie. «Cela passera encore cette année, car nous avons eu de bons résultats avec la culture des pommes de terre mais, l’an prochain, cela risque d’être plus compliqué, d’autant que Cristal Union annonce encore des baisses. Je me demande si je vais continuer, car cette culture prend du temps et est gourmande en intrants», s’interroge-t-il.
S’il n’a pris encore aucune décision, il se dit prêt à diminuer ses surfaces et augmenter celles des autres cultures, voire en intégrer de nouvelles. «Mais un assolement, cela ne se change pas comme ça. C’est une adaptation à moyen terme. Ce qui est insupportable, c’est que nous sommes toujours la variable d’ajustement. Cela ne peut pas durer. Ce qui est sûr, c’est que de la betterave à 20 , je n’en fais plus».

«C’est la façon de faire qui ne va pas»
Si les planteurs de Tereos reconnaissent qu’ils ne peuvent pas dire qu’ils sont mal payés comparativement à ceux de Saint Louis Sucre et de Cristal Union, le compte n’y est pas non plus, pour le moment. «Jusqu’à l’an dernier, c’était OK, mais cette année, c’est plus compliqué au vu du second acompte reçu. On s’attendait à recevoir 12,50 , on a eu 6,50 alors qu’ils avaient annoncé un total de 25 avec les deux acomptes. Ils nous ont mis devant le fait accompli, sans nous prévenir. C’est la façon de faire qui ne va pas», commente Mathieu Petit, planteur à Eplessiers.
Et c’est d’autant plus difficile pour lui que cette année n’a pas été bonne en betteraves. «J’ai réalisé 93 % de mon contrat à 16°, soit 3 928 t, ce qui fait un rendement à 87 t/ha à 16° alors que ma moyenne est plutôt à 95 t/ha à 16°», explique-t-il. Sur les 400 ha de l’exploitation, 45 ha sont dédiés à la betterave, ce qui représente environ 15 % de son chiffre d’affaires en moyenne. Au 29 mars, avec le versement du deuxième acompte, il lui manquera 24 000 €. «On court après la trésorerie depuis 2016. Cette année, cela va être pire.» Quant aux 25 € promis, au final, par Tereos, il a un doute. «Je crains que la situation financière du groupe ne soit pas suffisamment bonne pour qu’ils honorent leurs engagements. J’ai déjà été échaudé avec Van Hulle. J’attends donc beaucoup de l’assemblée plénière de juin. J’espère qu’elle sera éclairante et transparente», dit-il. Sans compter le non-respect du contrat d’ores et déjà, puisque les intérêts aux parts et dividendes n’étaient pas compris dans le prix de la betterave. Ils sont désormais.
Et d’ajouter : «Je n’ai pas du tout aimé la circulaire qu’ils nous ont fait parvenir sur le mode de paiement pour la future campagne. Ils ont attendu qu’on sème pour nous donner le mode d’emploi, à savoir un prix de betterave corrélé directement au prix du sucre. Autrement dit, il supprime le plancher de sécurité de 25 . Or, c’est le coût de revient de cette production», commente-t-il. Croit-il encore à la betterave ? «Objectivement, il faut y croire. La consommation mondiale de sucre augmente. Ce que j’aimerais, c’est retrouver la confiance dans les élus de Tereos et avoir toute la lumière sur les résultats financiers. On demande de la transparence. Si la confiance est restaurée, on ne baissera pas les bras», conclut-il.

D. Fievez, CGB 80

Face aux difficultés de trésorerie que rencontrent les planteurs, que pouvez-vous faire ?
Nous nous sommes rapprochés des banques pour qu’elles fassent des avances de trésorerie pour la campagne. Deux formules sont, par exemple, proposées par le Crédit agricole Brie Picardie, soit un prêt de 500 E/ha à court terme (six mois) avec un taux d’intérêt à 0,9 % l’an, soit un prêt à moyen terme (trois ans), si les compléments de prix des betteraves ne sont pas à la hauteur, avec un taux d’intérêt à 1 % l’an.

Que défendez-vous pour construction du prix ?
Face à ce séisme des marchés, il est temps que l’interprofession se retrouve autour de la table et réfléchisse ensemble à la problématique de la volatilité des prix. Si nous enregistrons deux années de baisse consécutives, il faudra s’organiser pour passer le cap et maintenir nos outils de production. Plusieurs pistes doivent être explorées telles que la mise en place d’un instrument de stabilisation des revenus, la définition d’une stratégie sur les marchés à terme, la constitution de réserves financières pour passer les coups durs… Pour ce qui est plus précisément de la construction du prix, pourquoi ne pas revenir sur un prix minimum ? Cela incitera les planteurs à maintenir leurs surfaces.

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