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Témoignage : le ras-le-bol d'un éleveur de poules pondeuses en cage

Jérôme Tassart, éleveur à Grivillers, dans la Somme, s’interroge sur le devenir de son élevage d’ici 2025.

Jérome Tassart : «On se demande où on va.»
Jérome Tassart : «On se demande où on va.»
© F. G.



Jérôme Tassart ne décolère pas. Entre les attaques d’associations comme L214 contre les élevages de poules en cages et le choix des distributeurs de ne plus avoir d’œufs issus de poules en cages dans leurs rayons, savoir de quoi sera fait demain est mission impossible. Quoi qu’il en soit, à ceux qui font des procès d’intention sur la maltraitance animale, les problèmes sanitaires ou de mortalité dans les bâtiments de poules pondeuses en cages, Jérôme Tassart se rebiffe illico. Chiffres à l’appui, à partir du suivi de son élevage, il démontre par A plus B quelle est la réalité d’un élevage de poules pondeuses en cages. «Avec les mises aux normes de 2012, on a fait des progrès techniques énormes dans nos bâtiments. Chez moi, le taux de mortalité est passé de 8 % à moins de 2 % alors qu’il  est dans les systèmes alternatifs entre 8 et 15 %, en moyenne. Par ailleurs, depuis 2004, avant même la mise aux normes des bâtiments, je n’ai utilisé aucun antibiotique, ni produit chimique, et je n’ai plus fait appel au vétérinaire. Mes poules vivent très longtemps et sont productives, avec 402 œufs pondus à 84 semaines d’âge, pour un standard qui est normalement à 380», détaille l’éleveur. Alors, des poules malheureuses parce qu’en cages, à d’autres. Et, s’il fallait enfoncer le clou, l’éleveur rappelle que personne ne sait et ne peut faire la différence en termes de goût et de valeur nutritionnelle entre des œufs pondus en cage, bio ou plein air. CQFD.

La cage sous pression
Installé à Grivillers, dans la Somme, sur l’exploitation familiale qu’il a reprise en 2001, Jérôme Tassart a développé l’élevage de poules pondeuses de son père, le faisant passer de 40 000 à 57 000 poules, puis à 78 000 poules en 2012 (production annuelle de 27 millions d’œufs), lorsqu’il a démoli le poulailler pour faire un nouveau bâtiment concordant avec les nouvelles normes européennes. Coût de l’opération : deux millions d’euros. Pour obtenir des crédits, il a dû  changer de banque, celle chez qui il avait toutes ses activités agricoles imposant des «garanties délirantes». Le prêt étant remboursable en quinze ans, il lui reste encore aujourd’hui plus d’un million d’euros à rembourser d’ici 2027. «Dans ces conditions, je suis dans l’incapacité, aujourd’hui, d’investir de nouveau pour changer de système. Puis, on ne change pas du jour au lendemain un élevage», explique-t-il.
Ce qui l’agace encore plus c’est, qu’en 2012, la priorité de la grande distribution était d’avoir dans ses rayons des œufs issus de poules en cages, et ce, d’autant, que la production d’œufs en plein air était alors excédentaire. «Du coup, cela ne nous a pas vraiment incités à aller dans cette direction», s’agace-t-il. Idem de la part de Matines, qui conditionne et commercialise ses œufs. Trois à quatre ans plus tard, les vidéos de L214 braquant les projecteurs sur les œufs de poules en cages, ont incité, par la même occasion, à consommer des œufs alternatifs. Et, sous la pression de ces associations, les distributeurs, les uns après les autres, se sont engouffrés dans la brèche. «Certains distributeurs disent aujourd’hui qu’ils ont commis l’erreur d’annoncer trop tôt la fin des œufs pondus en cages dans leurs rayons. En attendant, le mal est fait, et tous les metteurs en marché nous mettent  la pression pour que l’on change de mode de production alors qu’ils savent qu’on ne peut pas changer de système du jour au lendemain», s’énerve-t-il.
Il n’empêche. Hormis une période d’accalmie l’an dernier, lors de la crise du fipronil, où l’œuf français, quel que soit son mode de production, a retrouvé ses lettres de noblesse puis, cet été, face au manque d’œufs standards, les metteurs en marché sont depuis repartis à l’assaut. «Matines me demande un échéancier pour un changement de système. Mais je ne peux rien faire. Il faut que je paie mes emprunts», dit Jérôme Tassart. Pour l’heure, c’est donc le statu quo. «On a réussi à raccourcir le délai de remboursement à 2025. On voudrait encore tenir cinq ans. Ensuite, on envisagera si on casse tout ou si on ne fait rien. Notre choix sera dicté en fonction des besoins et des tendances du moment», ajoute-t-il.
Ce qui ne l’empêche pas de réfléchir à demain. Deux projets se dessinent : soit faire de la poule au sol dans une partie de son bâtiment et de la poule plein air dans l’autre, ou construire un nouveau bâtiment sur un champ de 16 ha, qu’il a à Montdidier, pour faire exclusivement de la poule plein air. Coût des projets : 1,3 million d’euros pour le premier, 1,5 million d’euros pour le second, avec une perte de production d’œufs, de productivité et des risques sanitaires plus élevés. Ou alors, tout arrêter. Il se tait, puis souffle, avant de répondre : «Faire autre chose, on y réfléchit mais, en même temps, l’élevage, on sait faire et on a un bâtiment tout neuf. Puis, il y a un marché qui se développe pour la poule au sol. On ne sait pas où on va.»

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