Aller au contenu principal

Une étude pointe les risques de l’accord Ceta

A quelques jours du vote du Parlement européen sur l’accord de libre-échange Canada-Union européenne, une étude pointe les risques sur l’équilibre des marchés de la viande.

L’accord sera soumis le 15 février prochain au Parlement européen.
L’accord sera soumis le 15 février prochain au Parlement européen.
© J.-C. Gutner


Les économistes de plusieurs instituts agricoles français de recherche (AgroParisTech, Idele-Institut de l’élevage et IFIP) ont planché, à la demande du groupe Verts/ALE du Parlement européen, sur les conséquences de l’accord Ceta sur le secteur européen des produits animaux. Cette analyse d’une soi­xantaine de pages, présentée jeudi 2 février à la presse, conclut que l’entrée en vigueur de l’accord pourrait avoir des conséquences négatives, non seulement sur l’équilibre des marchés agricoles européens, mais aussi sur l’arsenal sanitaire et phytosanitaire européen et sur le principe de la régulation des marchés.
Soulignant que, selon elle, «aucune étude académique» ne s’était penchée sur les conséquences du Ceta en matière agricole, Aurélie Trouvé, maître de conférence à AgroParisTech, a rappelé que le secteur était particulièrement concerné par l’accord qui sera soumis le 15 février prochain au vote des parlementaires européens. «Les produits agricoles et alimentaires représentent près de 10 % des échanges en valeur avec le Canada», a-t-elle souligné. Si la balance commerciale est globalement favorable à l’Union européenne, l’excédent européen est tiré essentiellement par les boissons, a-t-elle souligné. «A contrario, le déficit se creuse nettement en céréales et oléagineux et, dans une moindre mesure, en préparation de viandes et poissons.»
L’étude bat particulièrement en brèche l’idée selon laquelle les contingents tarifaires accordés aux viandes bovines et porcines canadiennes seraient «marginaux». Les promoteurs de l’accord font valoir que les 67 950 tonnes de contingents à droits zéro ou réduits de viande bovine accordés par l’Union européenne au Canada (dont 45 840 supplémentaires prévus par le traité) représentent moins de 1 % des 7,72 millions de tonnes de viande bovine produites par l’Union européenne en 2015. «Mais il faut comparer ce qui est comparable, analyse Aurélie Trouvé. En réalité, l’essentiel de ce que le Canada serait en mesure d’exporter, ce sont des viandes de haute qualité, un segment que l’on peut estimer à 800 000 tonnes environ en Europe, et même à 400 000 si l’on ne tient compte que de la production d’aloyau d’origine allaitante. L’impact prévisible sur le commerce de ces pièces et sur leur valorisation sera plus élevé.»
Le risque de déstabilisation du marché européen du porc n’est pas négligeable non plus, a assuré Baptiste Buczinski, de l’Idele. Le contingent à droits nuls de 75 000 tonnes accordé au Canada en viande porcine a beau ne représenter que 0,8 % de la production européenne, il va brusquement passer de 105 000 t à 180 000 t. «C’est un volume suffisant pour, arrivant au mauvais moment, provoquer une crise de marché», a-t-il assuré.

Des normes affaiblies
La menace planant sur l’équilibre des marchés n’est pas la seule pointée du doigt par les auteurs de l’étude. Ceux-ci pointent aussi celui de l’affaiblissement des normes européennes, l’accord engageant les signataires à «faire en sorte que les mesures sanitaires et phytosanitaires (…) ne créent pas d’obstacles au Ceta». Deux dispositifs prévus dans le traité, «l’Investment court system» (un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les Etats) et le Forum de coopération réglementaire, pourraient permettre aux Canadiens de s’attaquer à certaines normes européennes, comme l’interdiction du traitement des porcs à la ractopamine, des hormones de croissance bovine, ou encore de certains procédés de décontamination des carcasses.
Enfin, les auteurs s’inquiètent des conséquences du traité sur les mécanismes européens de soutien et de régulation des marchés, plus importants dans l’Union européenne qu’au Canada. «Une partie peut demander l’ouverture de consultations, si elle estime que ses intérêts pâtissent ou sont susceptibles de pâtir de mesures d’aide accordées par l’autre partie, argue Aurélie Trouvé, d’AgroParisTech. Mais, surtout, la suppression quasi totale des droits de douane agricoles remet en cause tout retour en arrière, celui de réguler à nouveau les prix agricoles, de restaurer des prix minimum garantis pour certaines productions ou encore de maîtriser les volumes de production.»

Un vote à haut risque

L’accord sera soumis le 15 février prochain au Parlement européen. Yannick Jadot, député (Verts/ALE), qui a commandé l’étude d’impact du Ceta sur les filières d’élevage, ne se faisait guère d’illusions cette semaine sur la ratification du traité, compte tenu d’un rapport de force politique favorable au texte. En cas d’adoption, la suppression des droits de douane et les contingents tarifaires entreraient immédiatement en vigueur.

L’interprofession de l’élevage et des viandes (Interbev), qui a encouragé l’étude présentée jeudi, a annoncé son intention d’agir auprès des candidats à la présidentielle, puis aux législatives afin d’obtenir un vote inverse lors de la soumission du Ceta au Parlement français, probablement en fin d’année 2017. Il reste que l’on ignore les conséquences qu’un vote contraire aurait sur l’exécution du traité.

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout {nom-site}.

Les plus lus

échanges transport de betteraves Cristal Union Tereos optimisation
Logistique betteravière : Cristal Union en veut à l’un de ses concurrents

La coopération entre sucriers pour optimiser les transports de betteraves a pris du plomb dans l’aile lors de la dernière…

Lefrançois Yves disparition travaux agricoles travaux publics
L’entreprise de travaux publics et agricoles Lefrançois en deuil

Yves Lefrançois, fondateur des établissements Lefrançois TP à Clenleu, s’est éteint à l’âge de 83 ans, le 30 mai.

fermage expulsion huissier justice
Le non-paiement de fermages tourne au vinaigre

Dans le département de l’Orne, l’expulsion d’agriculteurs de parcelles agricoles ordonnée par la justice a viré à l’…

Safer Hauts-de-France foncier Xavier Flinois Benoît Thilliez
Un jeune agriculteur à la tête de la Safer Hauts-de-France

Benoît Thilliez, 38 ans, a été élu à l’unanimité à la présidence de la Safer Hauts-de-France où il succède à Xavier Flinois,…

rave-party Lozère jeunes agriculteurs teufeurs tracteurs tecknival
Tracteurs contre teufeurs dans une rave-party illégale

Un rassemblement illégal de 150 à 200 fêtards a été interrompu jeudi 29 mai 2025 dans le hameau de Conques, à La Canourgue (…

Une nouvelle solution pour lutter contre la cercosporiose

Une dérogation a été obtenue pour l'utilisation d'Airone RC, un fongicide de lutte contre la cercosporiose, également…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 9.90€/mois
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Action Agricole Picarde
Consultez les versions numériques de l'Action Agricole Picarde et du site, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de l'Action Agricole Picarde