Gastronomie
De l’élevage d’insectes à la transformation-vente de gibier
Après avoir occupé pendant quinze ans des fonctions de manager dans le secteur agroalimentaire, Adrien Labou se lance dans la transformation et la valorisation de la viande de gibier en créant son entreprise, Les Sauvageons.
Après avoir occupé pendant quinze ans des fonctions de manager dans le secteur agroalimentaire, Adrien Labou se lance dans la transformation et la valorisation de la viande de gibier en créant son entreprise, Les Sauvageons.

Lesaffre, Innovafeed et depuis quelques semaines Les Sauvageons. Si les deux premiers sont des noms connus dans leur secteur d’activité – la levure et la protéine d’insectes –, c’est avec la troisième qu’Adrien Labou compte désormais «s’éclater» et donner un nouvel élan à sa carrière professionnelle. À trente-neuf ans, il vient de se lancer dans la création d’entreprise autour d’une activité promise à un bel avenir si l’on en croit les chiffres et les récentes campagnes de communication : donner au plus grand nombre la possibilité de manger de la viande de gibier.

Levure, insectes et venaison
Ingénieur agroalimentaire de formation, Adrien a débuté sa carrière au sein de l’entreprise Lesaffre à Marcq-en-Barœul, avant de rejoindre la start-up Innovafeed au moment de sa création. Chef de production au site de Gouzeaucourt (59), puis directeur du site, il suit le développement du fabricant de protéines d’insectes en rejoignant le site de Nesle (80) où il occupera jusqu’en 2024 le poste de responsable «maintenance et fiabilité». En juillet dernier, il quitte Innovafeed, sans regret, avec le sentiment d’y avoir appris beaucoup pour la suite de sa carrière : «Chacune de mes expériences professionnelles a été enrichissante. Il y avait chez Innovafeed un côté pionnier qui m’a donné envie de me lancer aussi dans entrepreneuriat.»

Rapprocher fournisseurs et consommateurs
Originaire du Valenciennois, petit-fils d’agriculteurs du côté de son père, Adrien Labou a le virus des activités «nature» au sens large puisqu’il pratique la randonnée, la cueillette, la pêche et… la chasse. Le «bien et le mieux manger» font aussi partie de ses passions. Avec son projet d’entreprise, «j’arrive à croiser tout cela», expliquait-il mi-mars à la table d’un bar-brasserie du Saint-Quentinois. Ce qui l’a conduit à s’orienter vers la valorisation de le venaison, c’est un constat simple, fait à partir de sa propre expérience de chasseur : «Quand on est soi-même chasseur, on est convaincu que la viande de gibier est saine et bonne sur le plan gustatif. On arrive à en faire profiter nos cercles proches, famille, amis, mais cela reste limité…» L’autre constat qui frappe le quadra, c’est de voir que «plus de 50 % de la viande de gibier actuellement mise sur le marché en France est importée.» Enfin, «quand on est un particulier et que l’on achète du gibier, ce n’est pas simple…», ajoute Adrien Labou qui a donc imaginé un «plan» - ou plutôt une micro-filière - pour rapprocher les produits de la chasse de futurs consommateurs, en s’appuyant sur un réseau de professionnels pour la transformation et la distribution.
La main à la pâte… ou presque
Dans le cadre de sa reconversion, Adrien s’est formé à la création d’entreprise avec BGE, ce qui lui a permis d’établir un business plan, de recueillir le soutien de Réseau Initiative Cambrésis et d’aller à la rencontre de futurs partenaires. Ses fournisseurs sont les responsables de chasse dans les grands massifs forestiers de la région Hauts-de-France où sont prélevés cervidés et sangliers. L’entrepreneur y a collecté ses premières carcasses de grands animaux à partir de janvier. «J’ai démarré à quelques semaines de la fin de saison, avec du matériel en location, mais c’était une manière de me faire la main…», assure-t-il.
Commercialisation en avril
Pour élaborer ses produits, bien qu’il ait toujours fabriqué des charcuteries «en amateur», Adrien fait appel à des artisans dont le savoir-faire est reconnu. «Je m’entoure de gens qui savent faire et qui comme moi ont envie d’explorer de nouvelles choses (…) L’objectif est de mettre à l’honneur le sauvage au travers de recettes de charcuteries traditionnelles où la viande de gibier prédomine. Cela permet d’avoir des produits à la fois originaux et authentiques.»
Dans la gamme de produits en cours de finition, on trouve ainsi plusieurs références de saucissons secs et pièces fumées. Rillettes de sanglier, terrines de cerf, chevreuil et sangliers sont quant à elles déjà prêtes à être dégustées. Des pièces de viande fraîches, à la découpe, viendront ensuite. Dans la phase de démarrage de son entreprise, cela permet aussi à l’entrepreneur de se concentrer sur d’autres tâches, comme la mise en place d’un réseau d’approvisionnement en matière première – le gibier de chasse – et de distribution. Ses cibles ? Les professionnels des métiers de bouche qui souhaiteraient mettre le gibier à leur carte ou dans les étals, les particuliers via des magasins de produits régionaux, épicerie fine, cavistes, mais également par le biais de la vente directe au travers des marchés, salons, foires et de la vente en ligne.

Des raisons d’y croire
La zone de chalandise est pour l’heure cantonnée aux cinq départements des Hauts-de-France, dans une logique de «cohérence» et de locavorisme. L’opération de financement participatif menée au travers de la plateforme Miimosa a atteint rapidement son but : 115 % de son objectif en trente et un jours, et des pré-commandes livrées d’ici quelques jours à des «ambassadeurs» qui font le choix de soutenir le projet d’entreprise d’Adrien Labou. «La suite du projet, c’est d’associer la viande de gibier à d’autres produits locaux» ;
y compris du littoral. D’ici l’été 2025, un site Internet dédié à la marque «Les Sauvageons» sera en ligne, ainsi qu’une présence accrue sur les réseaux sociaux «pour créer une communauté autour de la marque», espère Adrien qui a encore des idées plein la besace.