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Foncier : stop à la vente des terres aux enchères

Le 18 juin, la FDSEA et les JA de la Somme se sont mobilisés devant le tribunal de grande instance d’Amiens, pour montrer son opposition à une vente de terres aux enchères ce jour-là.



«Pas de terre aux enchères» pouvait-on lire sur les t-shirts que portait une vingtaine d’adhérents de la FDSEA et des JA de la Somme, devant le tribunal de grande instance d’Amiens. «Juridiquement, on ne peut pas s’opposer à une vente de terres aux enchères par adjudication judiciaire. Mais si nous sommes réunis ce jour, devant le tribunal, c’est pour faire passer le message suivant : nous sommes contre la vente de foncier agricole aux enchères. Et si nous le sommes, c’est parce que nous pouvons tous un jour ou l’autre être concerné du fait de la pratique du fermage dans notre département, dont le taux dépasse les 75 %, mais aussi parce que les ventes de terres aux enchères peuvent faire flamber les prix du foncier. Or, il faut qu’on arrive à garder une stabilité sur ce marché», insiste Simon Catteau, vice-président de la FDSEA de la Somme et président de la commission environnement.
Le foncier mis aux enchères concerne une parcelle de près de 13 ha, à  Camon, dont la plus grande partie est boisée. Sur ces 13 ha, près de 6 ha sont des terres louées à deux fermiers, qui y cultivent des betteraves, des pommes de terre et du blé. Leur bail court jusqu’en 2022. «Il y a onze ans de cela, le bois a été vendu, et c’était trop cher pour nous. Puis, comme les 13 ha se composent essentiellement de bois, ce n’était pas très intéressant pour nous. En dépit de la vente, nous avons pu poursuivre nos cultures sur les 6 ha loués au nouveau propriétaire. Aujourd’hui, la banque a saisi le tribunal pour qu’il procède à une vente aux enchères de ces terres. Mais comme ce sont nos parcelles qui nous intéressent, et que la vente aux enchères porte sur l’ensemble des hectares, on ne peut pas préempter, faute de moyens suffisants si les enchères s’envolent», raconte Patrick Robillart. Sa crainte ? Perdre les terres louées à la fin du bail.

Vente aux enchères
Quinze heures. L’audience débute. Derrière le président du tribunal, au mur, un compteur affiche 1,30 minute. Une fois le compteur lancé, les acheteurs potentiels peuvent renchérir à partir du prix fixé par le président du tribunal, soit 50 000 €. La surenchère doit être de 1 000 € a minima. L’avocate représentant un des acheteurs ouvre le «bal», en proposant 51 000 €. Les secondes s’écoulent jusqu’à ce qu’un autre avocat ne renchérisse pour le compte de son client. Il propose 52 000 €. A chaque surenchère, le compteur repart pour 1,30 minute. En moins de cinq minutes, après plusieurs surenchères, les terres partent à l’un des acheteurs pour 136 000 € auxquels s’ajouteront les frais préparatoires. Fin de la partie.
Pour le syndicat, c’est une victoire, bien que modeste. D’une part, parce que sur les sept acheteurs potentiels qui avaient visité les terres, seuls deux ont participé aux enchères. Et «les enchères ne se sont pas envolées», commente Marie-Françoise Lepers, secrétaire générale de la FDSEA de la Somme. «Je m’attendais à plus. L’enchère de départ était aussi à un niveau correct, à l’échelle, en fait, d’une vente normale», ajoute Patrick Robillart. Mais ce n’est pas fini.

Et après ?
Dès le lendemain de la vente aux enchères, les avocats des deux parties en lice peuvent surenchérir par tranche minimum de 10 % de la somme arrêtée ce 18 juin. A chaque nouvelle enchère, le «concurrent» a au plus tard dix jours pour intervenir. Ce n’est qu’à l’issue de la dernière enchère que les agriculteurs pourront éventuellement activer leur droit de préemption. Reste à savoir si celui-ci s’appliquera sur l’ensemble des terres puisque le tribunal n’en a fait qu’un seul lot ou la partie qui les concerne. S’ils ne l’activent pas, la Safer peut prendre le relais, puis chercher un investisseur pour ces agriculteurs afin qu’ils puissent continuer à cultiver les terres.
Ce scénario a déjà eu lieu lors d’une précédente vente de terres aux enchères, en novembre 2017, et pour laquelle la FDSEA et les JA s’étaient aussi mobilisés. La vente concernait 57 ha à Curlu, et se composait de dix-neuf lots. «La Safer a actionné son droit de préemption. J’ai ensuite pu lui racheter les terres. Etant passé par là, je sais ce que cela représente et les risques encourus avec les ventes de terres aux enchères par adjudication judiciaire. Si je suis venu aujourd’hui, c’est par solidarité, et car cela nous concerne tous», dit Vincent Plaquet, agriculteur à Curlu. Lui a échappé au fait qu’un nouvel acquéreur reprenne, à terme, les terres qu’il cultivait.
D’autres risques existent. «Ce type de pratiques de vente de terres agricoles libres ou occupées, par adjudication judiciaire, vient contrer la stabilisation du marché foncier agricole et le bon fonctionnement des outils opérant autour du marché, à savoir, le contrôle des structures, le droit de préemption de la Safer et le statut du fermage. Ces méthodes de vente ne vont pas clairement dans le sens du modèle agricole défendu et de l’économie locale, et elles fragilisent la stabilité des exploitations agricoles», précise Fanny Godart, juriste à la FDSEA de la Somme.
Question : comment protéger le marché des terres agricoles des ventes par adjudication judiciaire ? Deux options : l’interdiction pure et simple de la vente aux enchères de terres agricoles ou la possibilité d’accorder à la Safer le droit de réviser le dernier prix de la vente aux enchères, comme pour des ventes de terres classiques. La loi agricole à venir pourrait être l’occasion de bouger les lignes. Encore faut-il que les politiques s’emparent du sujet...

Le droit de préemption de la Safer

Les règles sont des plus claires dans le cadre d’une vente aux enchères par adjudication judiciaire. Une fois qu’elle a reçu la notification de la vente, la Safer a un délai légal d’un mois pour s’assurer que les fermiers sont en capacité de faire valoir leur droit de préemption. Dans le cas contraire, elle peut activer son droit de préemption, mais au niveau de la dernière enchère. Etape suivante : si elle achète les terres, c’est ensuite pour trouver un investisseur qui fera un bail à long terme aux fermiers. A condition, bien sûr, que l’acheteur premier ne décide de cultiver directement les terres, ce qui clôturerait toute action de préemption.
«L’absurdité du système, c’est que l’Etat, par l’intermédiaire du service des Domaines, reconnaît une valeur maximale aux biens mis aux enchères. Si l’enchère dépasse la valeur définie par les Domaines, la Safer ne peut plus intervenir», relève Xavier Flinois, président du comité technique de la Safer pour la Somme. Autre limite : la Safer étant un organisme contrôlé à la fois par le ministère de l’Agriculture et celui des Finances, pour toute opération supérieure à 75 000 €, il faut qu’elle ait l’aval du ministère des Finances. Autrement dit, elle peut être rapidement coincée. La bonne nouvelle de ce mardi, c’est que le résultat de la vente aux enchères au tribunal de grande instance d’Amiens reste dans le périmètre d’action de la Safer, du moins pour le moment. Donc à condition qu’il n’y ait pas de surenchère des acheteurs potentiels. Une fois cela dit, les risques demeurent sur ce type de pratiques de ventes. «Le résultat de la vente fait ensuite partie des éléments retenus pour établir des références sur le secteur. Son incidence est immédiate, puisque cela entraîne une augmentation des prix. Et, comme une référence est établie, cela peut aussi avoir un impact sur l’évaluation des héritages et des successions. C’est, enfin, un risque pour les propriétaires», tient à souligner Xavier Flinois. En langage militaire, on appelle cela les dommages collatéraux. Très tendance dans notre XXIe siècle.

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